GAZA: Pas de vainqueurs ni de vaincus dans le conflit brutal

NATIONS UNIES, 14 août (IPS) – Alors que la poussière – et la poudre à canon – s'installe après un mois de conflit dévastateur à Gaza, il n’y a eu apparemment pas de vainqueurs ni de vaincus.

Israël, malgré sa force militaire de haute technologie et ses soi-disant “bombardements de précision”, n'a pas réussi à atteindre son objectif final: anéantir le groupe militant Hamas.

Il a plutôt tué essentiellement des civils, tout en détruisant des maisons, écoles, hôpitaux, universités et des abris de l'ONU – des actes de crimes de guerre potentiels qui peuvent faire l’objet d'enquête par la Cour pénale internationale (CPI) à La Haye.

Le secrétaire général de l'ONU, Ban Ki-moon, a qualifié le nombre de morts et cette destruction d’”ahurissant”.

Selon les informations préliminaires, près de 2.000 Palestiniens ont été tués – dont presque 75 pour cent des civils, y compris 459 enfants, a-t-il ajouté.

“Il y a eu plus d'enfants tués dans ce conflit à Gaza que dans les deux crises précédentes réunies”, a-t-il déclaré mardi lors d'une conférence de presse à l'ONU.

En revanche, le nombre de morts du côté d’Israël incluait 64 soldats et trois civils, selon les chiffres de l'armée israélienne.

“Quelle a été la valeur politique de cette lutte?”, a demandé Vijay Prashad, titulaire de la chaire George et Martha Kellner en histoire de l'Asie du sud et professeur des études internationales à 'Trinity College' dans le Connecticut, aux Etats-Unis.

Il a dit à IPS qu’Israël se retrouve isolé et une grande partie du monde est dégoûtée par le carnage, avec la sympathie pour la cause palestinienne à un niveau record.

“L’issue sur le plan politique n’est pas encore claire. Elle dépend entièrement de la façon dont se comporte le leadership palestinien”, a indiqué Prashad, un analyste politique du Moyen-Orient et auteur du livre intitulé 'Printemps arabe, hiver libyen'.

H.L.D. Mahindapala, un ancien rédacteur en chef d’un journal sri-lankais et un analyste politique basé à Melbourne, en Australie, a déclaré à IPS qu’Israël a perdu son monopole antérieur de puissance de dicter des conditions dans la région.

La réponse palestinienne à travers des tunnels primitifs a prouvé qu'ils constituent une force dont il faut tenir compte, a-t-il expliqué. Par exemple, Israël a boycotté les négociations organisées en Egypte et le Hamas l’a forcé à revenir en tirant des roquettes et en menaçant sa sécurité, a-t-il souligné.

“Israël a été dérouté et battu par le réseau de tunnels”, a déclaré Mahindapala.

Ce réseau ingénieux a été initialement construit comme un système d’auto-défense pour contourner l'interdiction israélienne sur les marchandises. Plus tard, il est devenu le meilleur mécanisme offensif/de défense qu’Israël n’a pas réussi à démanteler malgré sa déclaration de 'mission accomplie', a indiqué Mahindapala, qui suit de près la politique du Moyen-Orient depuis des décennies.

Meir Sheerit, un ancien membre de la commission des affaires étrangères et de défense du parlement israélien, a été cité dans le Wall Street Journal comme disant que le réseau de tunnels a été un échec des services des renseignements de la part d'Israël.

“Je ne pense pas que nos services des renseignements savaient combien de tunnels ont été creusés, l'emplacement des tunnels, ou combien d'entre eux étaient prévus pour des assauts”, a-t-il affirmé.

Selon Ban, plus de 300.000 personnes se réfugient encore dans des écoles gérées par l’agence des Nations Unies pour l’aide aux réfugiés palestiniens (UNRWA), et dans des écoles publiques et privées ainsi que dans d'autres établissements publics, ou auprès des familles d'accueil. Au moins 100.000 personnes ont eu leurs maisons détruites ou gravement endommagées, a-t-il ajouté.

Et selon des sources militaires israéliennes, le Hamas a lancé environ 3.488 roquettes et des attaques au mortier depuis le début du conflit le 8 juillet contre 4.929 frappes militaires israéliennes, principalement avec des armes fournies par les Etats-Unis, contre des cibles à Gaza.

Dans un article d’opinion paru dans le 'New York Times' il y a une semaine, Ronen Bergman, un analyste politique et militaire principal pour le journal israélien 'Yediot Aharonot', a déclaré: “Si le nombre de corps et d’armements détruits constituent les principaux critères de victoire, Israël est le vainqueur évident dans la dernière confrontation avec le Hamas”.

Mais compter les corps n'est pas le critère le plus important dans la décision par rapport à qui devrait être déclaré vainqueur”, a-t-il dit. Beaucoup plus important, c’est “la comparaison des objectifs de chaque côté avant les combats à ce qu'ils ont accompli. Vu sous cet angle, le Hamas a gagné”.

Le Hamas a également mené une campagne urbaine contre les forces terrestres israéliennes, infligeant au moins cinq fois autant de pertes que dans le dernier conflit, et a utilisé avec succès les tunnels pour pénétrer le territoire israélien et semer la peur et la démoralisation, a indiqué Bergman, qui est en train d'écrire une histoire de l’agence des renseignements d’Israël, le Mossad.

Le verdict final dépendra en grande partie de l’issue de tout accord conclu après les négociations de paix en Egypte.

Prashad a déclaré à IPS que la guerre de Gaza était “asymétrique et disproportionnée”.

Cela signifie que tactiquement il n'est pas question que la souffrance et la destruction principales soient sur le peuple palestinien et sur leur enclave de Gaza, a-t-il souligné.

Les Nations Unies ont dit clairement que les infrastructures de Gaza sont entièrement détruites, notamment les hôpitaux, les écoles, les entreprises, les systèmes énergétiques, les installations de stockage et d'approvisionnement en aliments.

“C'est une catastrophe humanitaire. Alors, à ce niveau, Israël a gagné. Il a rendu la vie invivable pour les Palestiniens”, a-t-il déclaré.

Israël affirme que son objectif de guerre était de détruire le Hamas. Il s'avère, cependant, qu'il a détruit Gaza une fois de plus, a-t-il ajouté.

Prashad a également déclaré que ce serait un geste important de s'engager pleinement avec la CPI et de soutenir entièrement une enquête sur la nature de la guerre. C’est dans l'intérêt des Palestiniens qu’une telle évaluation soit faite, a-t-il ajouté.

Mahindapala a déclaré à IPS: “Ce que les stratèges militaires doivent comprendre est que ce n'est pas seulement Israël qui est confronté à la défaite, mais aussi son plus grand allié, l'Amérique”. Si Israël échoue, a-t-il prédit, les Etats-Unis vont avec lui”.

“Les pressions militaires, économiques, politiques et diplomatiques d'Israël peuvent conjurer le tsunami arabe pendant quelque temps, mais pas pour longtemps”, a-t-il ajouté.

Il a dit que les Etats-Unis et Israël sont tous deux en déclin et la façon dont ils proposent de gérer les nouvelles réalités sans un holocauste nucléaire est la prochaine grande question.

Les libéraux de gauche d'Israël sont trop minuscules et faibles par rapport aux faucons conservateurs, et la principale question n'est pas comment les Palestiniens vont vivre dans les territoires occupés d'Israël, mais la façon dont Israël va vivre entouré d'une mer d'Arabes, a-t-il ajouté.

Il a souligné le monde arabe doit aussi faire face aux nouvelles réalités. L’islam aussi est confronté à son plus grand défi.

La crise dans le monde islamique est celle d'adaptation au 21ème siècle. Elle est en transition et le Printemps arabe était le premier signe de rupture avec le médiévalisme arabe lié à l'autoritarisme oppressif. Les deux vont de pair, il a noté.

“La crise se trouve dans le conflit entre le médiévalisme traditionnel et le modernisme”, a déclaré Mahindapala.

Edité par Kitty Stapp Traduit en français par Roland Kocouvi L’auteur de l’article peut être contacté à l’adresse e-mail thalifdeen@aol.com