ZIMBABWE: Des enfants séropositifs, une mauvaise nouvelle

BULAWAYO, 17 juin (IPS) – Il y a trois ans, Robert Ngwenya* et son père se sont violemment disputés par rapport aux médicaments. Ngwenya, alors âgée de 15 ans, a refusé de continuer à avaler des pilules, qui provoquaient la nausée, qu'il prenait depuis qu'il avait 12 ans, et les a jetés dans les toilettes.

Pendant la discussion, Ngwenya a compris qu'il était né séropositif, prenait des anti-rétroviraux (ARV) mais pas des vitamines et des anti-allergéniques, et que son père aussi vivait avec le virus et la culpabilité de l'avoir infecté.

“C'est injuste, qu'ai-je fait pour mériter cela?”, se plaint Ngwenya.

Ngwenya vit dans la banlieue à forte densité de Pumula, à Bulawayo, la deuxième ville du Zimbabwe, avec son père, un mécanicien automobile, et son plus jeune frère, qui est séronégatif. Leur mère est morte quand Nwengya avait 10 ans et son père ne s'est jamais remarié.

La vie de Ngwenya était planifiée: finir le secondaire, obtenir un diplôme en technologie de l'information, trouver un emploi et acheter une voiture. Pas plus. Après la révélation de son statut sérologique, il n'est plus le même adolescent plein d’entrain dont la compagnie apportait des sourires aux amis et à la famille.

“Comment dire cela à mes amis? Comment commencer une relation sachant que quelqu'un devra porter mon fardeau?”, demande-t-il.

Comme le père de Ngwenya, d’autres parents séropositifs, alourdis par la culpabilité, ont de la peine à dire à leurs enfants qu'ils ont été infectés à la naissance.

Comment et qui peut dire à un enfant ou un adolescent qu’il vivra avec le virus pendant le reste de sa vie? Des choix difficiles Grâce à la thérapie ARV, le nombre croissant d'enfants infectés par le VIH vivent jusqu’à l'adolescence. En 2012, le Zimbabwe avait 180.000 enfants âgés de 0 à 15 ans et 1,2 million de personnes âgées de 15 ans et plus vivant avec le VIH, indique le Programme conjoint des Nations Unies sur le VIH/SIDA (ONUSIDA).

“Pendant que ces enfants grandissent et dépassent la menace immédiate de mort, la question de les informer de leur statut sérologique se pose”, souligne une étude sur les adolescent(e)s né(e)s avec le virus au Zimbabwe.

Informer les adolescent(e)s est différent du fait d’en parler aux enfants plus jeunes et nécessite des directives taillées sur mesure et adaptées à l'âge, indique l'étude.

Les adolescent(e)s âgé(e)s de 16 à 20 ans interrogé(e)s pour l'étude préféraient que les agents de santé dans les centres de santé les informent, en présence de leur famille.

“Informer cette tranche d'âge dans un centre de santé peut aider à surmonter certains des obstacles associés à la situation où les personnes qui fournissent les soins révèlent cela à domicile et fait que le statut sérologique paraît plus crédible pour l’adolescent(e)”, souligne l'étude.

Silence et mensonges Zivai Mupambireyi, un chercheur au Centre de recherche sur la santé sexuelle et le VIH/SIDA (CeSHHAR) et co-auteur d'une étude réalisée en 2013 sur les enfants séropositifs âgés de 11 à 13 ans au Zimbabwe, a déclaré à IPS que les enfants préfèrent s’informer de leur statut sérologique au centre de santé parce qu'ils croient que les agents de santé leur donnent plus d’informations meilleures que les personnes qui s’occupent d’eux.

Des enfants ont dit que les personnes qui s’occupaient d’eux retardaient la divulgation, cachaient l'information et mentaient au sujet des pilules.

“La plupart de ces enfants étaient pris en charge par des personnes non-biologiques, puisque leurs parents étaient la première génération de malades du SIDA et sont morts avant les ARV”, explique Mupambireyi.

Que ce soit des parents accablés par la culpabilité ou des soignants affligés par l'énormité de la révélation, dire aux adolescent(e)s qu'ils/elles sont séropositifs/séropositives est plein de douleur et d'ambivalence.

Mupambireyi a constaté que les enfants séropositifs croient qu’informer les pairs les expose à la discrimination. Bien que ceci ne soit pas souvent le cas, craignant une perte de l'interaction sociale et de l'amitié, les enfants cachent leur statut sérologique.

“Bien que la divulgation du statut sérologique soit noble et recommandée, les inquiétudes et les craintes des enfants autour de la divulgation doivent être corrigées avant qu’ils ne soient encouragés en parler”, indique Mupambireyi.

Les agents de santé, les parents et les éducateurs sont muets quant à la meilleure méthode opportune de divulgation du statut sérologique à la jeunesse.

Renforcer la confiance Definate Nhamo est le coordinateur de 'Shaping the Health of Adolescents in Zimbabwe' (Façonner la santé des adolescent(e)s au Zimbabwe – SHAZ), un projet de recherche et d'intervention. Une ramification, 'SHAZ for Positives' (Le SHAZ pour les personnes séropositives), atteint plus de 700 jeunes vivant avec le VIH à Chitungwiza, une banlieue d’Harare, la capitale du pays.

Nhamo a déclaré à IPS que le meilleur âge pour divulguer le statut sérologique se situe probablement entre neuf et 10 ans, avant la puberté, et de préférence en présence des parents, tuteurs ou d’un conseiller.

“Lorsque l'enfant est plus jeune, il/elle fait confiance, et grandira en sachant qu'il/elle doit prendre les ARV religieusement”, indique Nhamo.

Les membres du SHAZ pour les personnes séropositives conviennent que la connaissance de leur statut sérologique permet au début aux enfants d’accepter leur condition et d’apprendre à être ouverts par rapport à cela, a souligné Nhamo à IPS.

Certains adultes disent aux enfants que les pilules ARV sont pour la tuberculose, sans se rendre compte que les enfants peuvent faire des recherches sur cela sur le site internet google. “Les adolescent(e)s arrêtent simplement de prendre leurs ARV et n’informent pas leurs parents parce qu'ils/elles estiment qu'ils/elles sont plus informé(e)s puisqu’ils/elles ont accès à l'internet”, observe Nhamo.

Une jeune participante à l'étude du SHAZ, qui a requis l’anonymat, déclare à IPS que sa mère, tourmentée par le fait de l'avoir infectée, ne lui a jamais dit la vérité. A 17 ans, cette fille a fait un test de routine du VIH et a été déclarée séropositive. Comme elle n'avait jamais eu de rapports sexuels, elle a confronté sa mère et a appris que ses deux frères et sœurs étaient séronégatifs mais qu’elle est née séropositive.

“J'étais en colère et frustrée. Si ma mère m'avait informée plus tôt, j'aurais pu mieux accepter mon statut”, dit-elle.

Zvandiri, qui signifie “ce que je suis” en langue Shona, est un groupe de soutien qui aide les adolescent(e)s à faire face au VIH.

En 2013, Zvandiri a produit une chanson facile à retenir et un DVD intitulée 'How to Dance' (Comment danser), avec de jeunes gens calmes qui chantent avec entrain leurs espoirs et leurs craintes: “Je rêve aussi d'une vie meilleure, que quelqu'un m'aimera comme je suis”.

Ils chantent “Comment danser dans la tempête”.

* Un nom d’emprunt