ZIMBABWE: Le Shona, une langue locale du pays, a pris une forme artistique

HARARE, 12 juin (IPS) – “Ndipei sand dzangu”, (donnez-moi mes marteaux), chante l’artiste zimbabwéen Winky D. Il se peut qu’il chante en Shona, la langue locale parlée par environ 80 pour cent des Zimbabwéens, mais son Shona est différent. C'est le Shona de la rue. Traduit librement, ce qu'il veut dire vraiment, c'est que toute personne est exceptionnellement bonne dans ce qu'elle fait et doit être donc reconnue pour cela.

La langue locale de ce pays d'Afrique australe, le Shona, a pris une forme artistique qui a vu sa transformation.

Le Shona a ses origines dans les langues bantoues et est à la fois une langue écrite et parlée avec des dialectes qui comprennent le Zezuru, le Korekore, le Ndau et le Manyika.

L'évolution du Shona en tant que langue de la rue au Zimbabwe est devenue synonyme de 'Urban Grooves', un genre de musique zimbabwéenne qui est devenu populaire quand ce pays a introduit une politique qui a contraint toutes les stations de radiodiffusion à faire la diffusion de 75 pour cent de matières produites localement.

“Notre langue, le Shona, a maintenant évolué, nous sommes à un niveau différent”, déclare à IPS, Tazvitya Kaseke, à Harare, la capitale du Zimbabwe, pendant qu’il décrit l'évolution du Shona en une forme d'art.

Bien que 'Urban Grooves' soit une forme de musique qui a des fans pour la plupart jeunes, les termes dérivés à partir de ce genre ne sont pas propres à la jeunesse. Des gens plus âgés ont été également connus pour l’utilisation de ces termes.

L'expression actuelle “wotoshaya kuti zviri kufamba seyi” (ne sais pas pourquoi les choses se passent ainsi), qui est devenue populaire à Harare, est un exemple. On croit que cette expression a été créée par Richard Matimba, un comédien local.

Stanley Maniste, un jeune basé à Chitungwiza, une ville satellite au sud d’Harare, affirme que le langage de la rue dans la région peut avoir été rendu plus populaire par 'Urban Grooves' mais qu’il est en réalité né dans les rues.

“La musique est simplement un véhicule qui rend les affaires actuelles de la rue plus populaires. Le langage de la rue est en réalité né dans les rues des communes comme Chitungwiza et Mbare”, indique Maniste à IPS.

McDonald Nyathi, un artiste en herbe également basé à Chitungwiza, attribue l'évolution du Shona à la société elle-même et ajoute que la musique et les médias créent une plateforme pour la diffusion des points de vue de la société.

“Je crois que c'est vice versa. La société crée puis les artistes et les médias diffusent la création de la société. Mais parfois les artistes aussi créent et cela devient ensuite populaire dans les rues”, déclare Nyathi à IPS.

Lloyd Goredema, un producteur de musique, lie l'augmentation des mots et expressions familiers à la crise économique au Zimbabwe.

“Quand l'économie a atteint son niveau le plus bas, les gens étaient obligés de trouver des moyens pour maintenir leurs moyens de subsistance. Cela a provoqué une augmentation du nombre d'artistes, populairement appelés 'Urban Groovers'”, explique-t-il à IPS.

“C'est aussi un résultat de la politique de 75 pour cent de contenu local du gouvernement, qui a été introduite en 2002. Le pays n'avait pas d'argent pour importer de la musique produite par des artistes internationaux, d'où les ondes ont été inondées par de la musique qui a montré la vie de la rue et des communes au Zimbabwe”, déclare Goredema.

Nyathi affirme que le langage de la rue peut ne pas avoir été évident avant 2002, mais il existait avant ce temps.

“Maintenant que les canaux sont ouverts, il apparaît comme si le langage de la rue a subitement augmenté”, affirme Nyathi.

Le langage de la rue est aussi couramment dérivé d'autres sources comme le nombre sans cesse croissant de racoleurs (communément appelés mahwindi) qui travaillent autour des stations de taxis dans les grandes villes du Zimbabwe.

Les entreprises qui font la publicité en utilisant la presse écrite et les médias de radiodiffusion ont également ajouté au battage publicitaire. Un terme familier “zva zvinhu” (ces choses sont devenues bonnes) a été rendu populaire par la publicité d’un pain.

Une étude intitulée “Quoi de neuf dans le jargon du Shona de la rue?” menée par Shumirai Nyota et Rugare Mareva, montre que le langage de la rue au Zimbabwe existe à cause d'un certain nombre de facteurs.

“Le Shona jargon est composé de mots ou d’expressions très informels qui ont été inventés ou formés en mélangeant les langues. Les gens qui parlent le Shona jargon l’utilisent dans leurs discussions informelles sur n'importe quel sujet, en particulier sur les questions d'actualité au Zimbabwe, comme la politique, les problèmes socio-économiques et le VIH. Les véhicules ou les canaux utilisés pour transmettre le jargon de la rue comprennent les e-mails, les messages textes par cellulaire, les forums de discussion en Shona jargon et la musique de 'Urban Groove'”, révèle l'étude.

Le langage de la rue n'est pas propre à Harare ou aux grandes villes du Zimbabwe. Des jeunes et des personnes d'âge moyen dans les zones rurales du Zimbabwe utilisent également le même genre de langage de la rue.

“La langue commence dans les rues et les studios d'enregistrement d’arrière-cour des grandes villes, en particulier Harare. Il est facile pour la langue d’arriver dans les zones rurales parce que les gens voyagent régulièrement et à cause de diverses technologies qui permettent à une grande partie de la langue et aux tendances de voyager”, indique à IPS, Tawanda Huhlu, un musicien en herbe à Harare.