GEORGETOWN, Guyane, 6 déc (IPS) – Le développement de l'industrie de la noix de coco a été tout sauf facile pour Rosamund Benn, qui a consacré les 32 dernières années de sa vie à travailler sur une ferme de noix de coco de 50 hectares à Pomeroon, une région agricole de la Guyane.
Pomeroon borde l'océan Atlantique au nord, les îles d'Essequibo-Demerara occidental à l'est, Cuyuni-Mazaruni au sud et Barima-Waini à l'ouest. La région est caractérisée par de grands fleuves avec une abondance de fermes et de fruits, y compris en particulier les noix de coco.
Benn, avec sa fille et son mari, produit de l'huile de noix de coco vierge à partir de leur domicile. Elle déclare que chaque lot de 400 noix de coco sèches donne cinq à six litres d’huile.
“C'est un travail difficile. Après avoir cueilli les noix, nous cassons et faisons sortir l’amande, ensuite nous la faisons râper, puis nous extrayons le lait. Tout se fait à la main”, a expliqué Benn, 48 ans, à IPS. “Les trois personnes qui font ce travail finissent seulement trois lots par semaine. Alors, chaque semaine, nous produisons entre 15 et 18 gallons d'huile de noix de coco vierge”.
Elle affirme que les changements climatiques jouent également un grand rôle dans la quantité d'huile de noix de coco qu’elle est en mesure de produire.
Mais alors que la plupart des discussions sur le phénomène des changements climatiques se concentrent sur les impacts négatifs, Benn a indiqué à IPS que pour elle et les autres agriculteurs de Pomeroon, les changements climatiques constituent quelque peu une bénédiction déguisée.
“Pendant les temps chauds et la saison plus sèche que nous enregistrons ici en Guyane, les noix de coco donnent plus” a-t-elle souligné.
Les scientifiques disent que les changements climatiques sont responsables, entre autres, des températures atmosphériques et maritimes plus élevées, des saisons plus sèches, des précipitations plus intenses, des changements dans les saisons et de plus de conditions météorologiques extrêmes.
Dr Janet Lawrence, une entomologiste jamaïcaine à l’Institut de recherches agricoles et de développement des Caraïbes (CARDI) basé à Trinidad, est d'accord qu'il existe des aspects positifs des changements climatiques. Mais elle a également noté qu’avec la hausse des températures et une région plus sèche, les fermiers doivent s'attendre à beaucoup plus d’insectes nuisibles.
“L'Organisation pour l’alimentation et l'agriculture (FAO) a indiqué qu’entre 20 et 40 pour cent des noix de coco et d'autres cultures sont perdus chaque année à cause des insectes nuisibles et des maladies”, a-t-elle expliqué à IPS.
Pamella Thomas, une agricultrice à Antigua-et- Barbuda, qui fait partie du Réseau des agriculteurs des Caraïbes (CaFAN), a déclaré à IPS que bien que les membres de son association soient généralement prêts à faire face aux impacts des changements climatiques, la plupart des fermiers dans les Caraïbes vieillissent et il est “un peu plus difficile de les sensibiliser”.
A la lumière de ce qu'elle a affirmé, le CaFAN s'est lancé dans une campagne visant à intégrer des agriculteurs plus jeunes.
“Nous sommes également dans une campagne de sensibilisation parce que les gens savent que les changements climatiques se produisent mais ils ont besoin de comprendre la dynamique de ce qui se passe et cela nécessite l'éducation”, a-t-elle expliqué.
Elle a noté que bien que la science de l’agriculture soit enseignée dans les écoles à Antigua, toute la matière enseignée doit être revue.
“Vous avez l'aspect pratique de ce qui est enseigné mais le plus triste, c'est qu'ils enseignent encore l'ancienne méthode. Il n'y a pas d’aspects des changements climatiques ou l'aspect de l'agriculture protégée à cela”, a-t-elle déclaré à IPS.
Vilma Da Silva est une petite productrice de l’eau de coco qui est aussi originaire de Pomeroon. Elle pratique l'agriculture depuis plus de 33 ans. Elle déplore ce qu'elle a qualifié de manque de soutien et de reconnaissance pour les femmes agricultrices.
“L'agriculture est un travail difficile et les autorités doivent travailler avec les fermiers et les encourager à rester sur les fermes”, a indiqué Da Silva à IPS. “Quand vous êtes un(e) ceuilleur(euse) de noix de coco, on doit reconnaître en vous que vous faites un excellent travail et qu’on a besoin de vous”.
Parmi les autres défis rencontrés par les femmes et d'autres agriculteurs dans les Caraïbes figurent un mauvais drainage, la hausse des coûts de production, le manque de marchés rentables et des options limitées pour la fabrication et le traitement.
Da Silva a affirmé que la région a le potentiel pour produire de grandes quantités de noix de coco et ses produits dérivés.
“Nous n'utilisons pas d'engrais mais nous produisons beaucoup. Nous n'avons pas d’insectes nuisibles et de maladies. Alors, Pomeroon peut compter sur elle-même en termes de production de noix de coco pour l'huile de noix de coco vierge et l'eau de noix de coco”, a-t-elle déclaré à IPS.
Les fermiers de la région ont lancé l'Association des agro-traiteurs des femmes de Pomeroon dont Da Silva est une co-fondatrice.
Grâce au travail de l'association dans la transformation des fruits pour les vendre, la vie de ses membres et plus largement des agriculteurs et des femmes de la communauté a été transformée puisque les femmes ont bénéficié de l’opportunité de gérer leurs affaires et de générer un revenu.
Sa collègue, Benn, a affirmé que sa liste de rêves comprend des marchés sécurisés, la construction de leur propre usine locale et l’expansion de la production de l'huile de noix de coco vierge à des fins commerciales.
“Nous avons les noix de coco et tout le monde le sait. Pomeroon a une grande variété de noix de coco qui sont en train d’être utilisées pour produire de l'huile, pas seulement pour l'eau”, a déclaré Benn à IPS.
* Rosamund Benn tenant deux bouteilles d'huile de noix de coco vierge qu’elle a produite chez elle. Crédit: Desmond Brown/IPS