ENVIRONNEMENT: Les Camerounais voient la REDD

YAOUNDE, 21 août (IPS) – L'incertitude sur les droits de propriété et l'accès aux terres forestières est potentiellement un obstacle majeur pour mettre en œuvre l'initiative de collaboration de l’ONU sur la Réduction des émissions dues à la déforestation et à la dégradation (REDD) des forêts au Cameroun.

A Adjab, un village indigène dans la région sud du Cameroun, le chef Marcelin Biang a déclaré à IPS qu'il pense que les règlements actuels poussent les habitants à endommager la forêt en vue d'y établir leur revendication.

Suite à un litige foncier entre les habitants d’Adjab et une entreprise de bois, une partie de leur terre leur a été rétrocédée – mais à condition que les villageois “prouvent” qu'ils utilisent la terre pour assurer leurs moyens de subsistance.

Biang a indiqué qu'ils dépendent de la forêt pour la chasse, la production de légumes et la collecte du bois. L'exploitation de grandes superficies de terre ne fait pas partie de leur culture, mais aujourd’hui ils doivent apprendre à cultiver des palmiers à huile et des hévéas pour être en mesure de garder leurs terres.

“Nous sommes confus par rapport à ce qu'il faut faire”, a déclaré Biang. “Ils nous demandent de conserver la forêt, mais pendant que nous faisons cela, des exploitants de bois viennent”.

Les plans du Cameroun visant à mettre en œuvre et mener à bien des projets de REDD dépendront de la résolution, par le pays, des défis de longue date dans la gestion des forêts et autres ressources naturelles.

En janvier, les plans de ce pays d'Afrique centrale pour les programmes de REDD ont été approuvés par le Fonds de partenariat pour le carbone forestier (FCPF) de la Banque mondiale.

“Les pays forestiers peuvent recevoir des paiements pour le stockage de carbone, mais cela doit provenir d’une planification et d’une mise en œuvre effectives de la Proposition pour la préparation à la REDD (RPP)”, a expliqué à IPS, Serge Menang, spécialiste principal de l'environnement au FCPF au Cameroun.

Le FCPF a accordé 3,6 millions de dollars au Cameroun pour la mise en œuvre de sa RPP, qui définit la stratégie nationale.

Les pays de tout le Sud espèrent recevoir des paiements importants des pollueurs du Nord en échange de la conservation et l'expansion du couvert forestier. Les arbres renferment des stocks de carbone, qui serait autrement libéré dans l'atmosphère où il contribuerait au réchauffement de la planète à travers l'effet de serre.

Les projets de REDD sont destinés à récompenser la préservation des forêts avec des crédits de carbone, qui peuvent être vendus aux entreprises polluantes du Nord qui souhaitent compenser leurs émissions nocives. La REDD+ élargit le concept de récompense du stockage de carbone au-delà des forêts et des plantations pour inclure l'agriculture.

“La stratégie de REDD+ du Cameroun est basée sur une vision nationale de faire de la REDD+ un outil de développement socioéconomique du pays. Elle doit être utilisée pour améliorer les moyens de subsistance des communautés”, a expliqué à IPS, Joseph Amougou, de la Coordination nationale de la REDD au ministère de l'Environnement, de la Protection de la Nature et du Développement durable.

Pour réaliser cette vision, il faudra aborder les problèmes de gouvernance existants, notamment l'examen et le renforcement des politiques et l'assurance d’une participation significative éclairée des communautés dépendantes des forêts – en particulier les groupes marginalisés dans les zones rurales, tels que les femmes et les populations indigènes.

“La REDD ne marchera pas au Cameroun sans un développement à la base. Elle ne peut pas être mise en œuvre sans tenir compte des activités de la population locale qui pratique l'agriculture, l'exploitation forestière et l'élevage. La REDD devrait améliorer leurs activités et leurs conditions de vie afin que ces communautés locales ne mettent pas autant de pression sur la forêt”, a souligné Amougou.

“Par exemple, dans la partie nord du Cameroun où le problème est l'énergie [à partir du bois de chauffe et du charbon de bois], la REDD doit prioriser les besoins énergétiques des populations”, a-t-il déclaré.

Plusieurs plateformes sont déjà en place pour appuyer ce type de participation. Le Comité national de pilotage – qui inclut des représentants des peuples indigènes – rassemble les ministères concernés avec les organisations de la société civile et les ONG, alors que la plateforme de la REDD et du changement climatique offre à la société civile et aux communautés locales un organe indépendant de coordination.

Haman Unusa vient de l’Unité nationale de coordination de la REDD+ du ministère de l'Environnement, de la Protection de la Nature et du Développement durable, l'organe chargé des fonctions techniques, notamment les réunions et les consultations. Il a indiqué à IPS que les peuples indigènes ont participé aux consultations tout au long du processus d'élaboration de la RPP. Cela se poursuivra dans la phase de mise en œuvre.

“Les peuples indigènes participeront à travers leurs propres diverses organisations. Les peuples indigènes se représentent également dans les branches régionales et communautaires de la Plateforme de la REDD et des changements climatiques”, a déclaré Unusa.

“Une feuille de route pour l'intégration de genre dans le processus de la REDD+ a été développée et sera renforcée dans le cadre de l'élaboration de la stratégie. Les femmes sont également représentées dans les organes nationaux – en fait, l'un des postes de direction de la coordination nationale est réservé à une femme”, a souligné ce responsable.

Unusa a ajouté que la stratégie de communication dans la phase de mise en œuvre inclura l'utilisation des langues locales et des formes visuelles de communication telles que les affiches et les panneaux publicitaires. Des traducteurs et interprètes seront également utilisés pour faciliter la communication entre les animateurs de la REDD+ et les populations locales.