SWAZILAND: Des chefs traditionnels empêchent les femmes d’aller au parlement

MBABANE, 22 août (IPS) – Des pratiques archaïques et machistes sont utilisées pour empêcher les femmes du Swaziland de participer aux prochaines élections primaires, bien que le pays ait une constitution qui garantit leurs droits, déclare Dr Sikelela Dlamini, un analyste politique.

“La discrimination [contre] les femmes en les empêchant de participer à la vie politique est une conséquence de notions profondément enracinées de la domination masculine et de la subordination des femmes”, a indiqué Dlamini à IPS.

Il réagissait à un récent avertissement émis par le chef de Ludzibini, le prince Magudvulela, qui a dit à ses sujets qu'ils ne doivent pas voter pour les femmes en deuil lors des élections primaires du 24 août dans le pays.

C’était clair lors d’une rencontre que Magudvulela faisait allusion à l'ancienne députée et candidate pour la circonscription électorale de Timphisini, Jennifer Du Pont. Elle a perdu son mari, Bheki Shiba, en mai et a fait son deuil pendant un mois au lieu de deux ans normalement. Elle se présente pour un second mandat.

Lors d'une réunion le 17 août à 'Ludzibini Royal Kraal' dans le nord du Swaziland, Magudvulela a affirmé à ses partisans que selon la pratique coutumière, les femmes en deuil ne sont pas autorisées à l'intérieur du parlement, des résidences royales et près du roi. Magudvulela a affirmé que l'élection des femmes en deuil au parlement serait une honte pour la chefferie.

Le Swaziland, un pays enclavé d'Afrique australe, avec une population d'un peu plus d'un million d’habitants, est gouverné par un monarque polygame, le roi Mswati III. Ici, les partis politiques ne sont pas autorisés à se présenter pour le pouvoir, mais les gens sont élus au parlement dans 55 circonscriptions électorales appelées “Tinkhundla”. Les circonscriptions électorales sont subdivisées en 385 chefferies ou districts à travers le pays. Dans les élections primaires, les électeurs choisissent les candidats de leurs chefferies, qui se présenteront ensuite pour les élections secondaires pour rivaliser avec d'autres candidats dans leur circonscription électorale pour un siège au parlement.

“Vous devez voter pour quelqu'un que le roi pourra utiliser”, avait déclaré Magudvulela.

Magudvulela a indiqué à ses disciples que bien que, selon la constitution du pays, Du Pont ait le droit de décider de suivre la coutume de deuil ou pas, le droit coutumier est encore supérieur à la constitution.

Du Pont, qui a assisté au meeting, a été dévastée par la conduite du chef mais a déclaré qu'elle était toujours déterminée à gagner les élections.

“Je déposerai une plainte au près de la Commission des élections et de délimitations territoriales (EBC)”, a-t-elle dit à IPS.

Les chefs locaux jouent un rôle important dans le processus électoral dans le pays. L'EBC du Swaziland leur donne la responsabilité de décider de là où organiser les élections dans leurs districts locaux.

Depuis le début du processus électoral, certains chefs ont indiqué à leurs sujets de ne pas élire des homosexuels ou ceux qui appartiennent à des partis politiques.

Le roi Mswati III, lors de la dissolution du parlement le 2 août, a demandé à la nation d’élire des gens qu'il serait “en mesure d'utiliser”. Cette déclaration avait été critiquée par le mouvement progressiste.

“Il pourrait paraître que c'est juste un conseil des autorités, mais c'était une façon de dire aux gens ce qu'il faut faire”, a souligné à IPS, Nonhlanhla Vilakati, directeur du département de théologie et des pratiques religieuses à l'Université du Swaziland (UNISWA).

Du Pont n'était pas la seule femme à être victime de discrimination en prélude à ces élections.

Quand Mana Mavimbela a été désignée à se présenter pour un siège au parlement dans la circonscription électorale de Lusabeni, le président de l’EBC, Lindiwe Sukati, l’a disqualifiée parce qu'elle portait un pantalon.

“Le président a juste demandé au public si une femme portant un pantalon [devrait être] autorisée à l'intérieur d'une étable pour bétail”, a déclaré Mavimbela à IPS au sujet de l'incident du 4 août. “Quand les gens ont dit “non”, elle a seulement continué son chemin”.

Elle a depuis lors déposé une plainte auprès de l’EBC.

“J'ai été désignée et je n'ai rien fait de mal en termes de loi qui m'aurait disqualifiée”, a indiqué Mavimbela. Elle était la seule femme sur quatre candidats choisis dans sa région.

Mavimbela a été également citée à comparaître devant la chefferie de Lusabeni où le chef local, Zephaniah Dlamini, a déclaré que c'était inacceptable pour les femmes du district de porter des pantalons.

“Les femmes ne paraissent pas belles dans les pantalons et la chefferie leur interdit de porter de pantalons”, a indiqué Dlamini au journal local, 'Times of Swaziland'.

Mavimbela a expliqué qu'elle avait présenté des excuses au conseil 'Royal Kraal' le 10 août, parce qu'elle craignait pour sa famille démunie qui vit dans la zone rurale de Ncandvweni, dans le sud du Swaziland.

Mais Vilakati a déclaré que la conduite des chefs n'était pas étonnante dans un pays où les gens sont censés vivre selon les normes publiques.

“Nous n'avons pas de politiques sur le genre dans le pays et les gens réagissent de façons différentes en fonction de leurs réalités de vie”, a souligné Vilakati.