SOMALIE: La violence extrémiste de retour à Mogadiscio

MOGADISCIO/NAIROBI, 13 août (IPS) – Alors que le gouvernement somalien a annoncé qu'il mettrait en place un garde-côte pour combattre la piraterie dans ce pays de la Corne de l'Afrique, l'insécurité devient le plus grand défi auquel le gouvernement est confronté – et elle ne fait que s'aggraver.

Osman Dahir Aweis, directeur de la section locale de 'Dr. Ismail Jimale Human Rights Organisation' (Organisation des droits humains Dr Ismail Jimale), a déclaré que le groupe militant somalien Al-Shabaab a renouvelé sa campagne visant à créer l'instabilité à Mogadiscio, la capitale du pays.

“Le peu de stabilité que la ville avait connue depuis le retrait d'Al-Shabaab semble avoir été rompue”, a indiqué Dahir à IPS depuis Mogadiscio. Le groupe extrémiste islamiste a été chassé de ses bases à Mogadiscio le 6 août 2011 par les forces de maintien de la paix de l'Union africaine et de la Somalie. Jusqu'à ce retrait, le gouvernement contrôlait seulement la moitié de la ville.

Mais au cours des dernières semaines, il y a eu une augmentation du nombre d'embuscades, d’assassinats et d’attentats suicides dans la capitale somalienne.

“La ville a connu ses plus meurtrières attaques ces derniers temps au cours de ces dernières semaines”, a déclaré Dahir. Plus de 60 personnes, essentiellement des civils, ont été tuées dans plusieurs incidents à travers Mogadiscio. C'est un revers pour les espoirs croissants pour un retour à une sécurité relative”.

Le 30 juillet, un officier de l'Agence nationale de renseignements et de la sécurité (NISA) de la Somalie a été assassiné par Al-Shabaab. Son nom a été ajouté à la liste croissante des responsables du gouvernement tués au cours de ces dernières semaines. Figure sur cette liste la commissaire adjointe du quartier de Yaqshid, à Mogadiscio, Rahma Dahir Siad, qui a été tuée devant son domicile le 17 juillet.

Même les diplomates étrangers ne sont pas en sécurité dans la ville. Le 27 juillet, Al-Shabaab a revendiqué la responsabilité d'une attaque contre l'ambassade turque qui a tué trois personnes.

C'était la deuxième attaque ce jour-là. Quelques heures plus tôt, une bombe placée à l'intérieur du véhicule d'un député a explosé au nord de la ville.

Le 24 juillet, le Sheikh Abdou Aziz Abu Musab, porte-parole militaire d’Al-Shabaab, a déclaré que son groupe a mené plus de 100 attaques entre le 10 et le 24 juillet. La moitié d’entre elles, a-t-il dit, a eu lieu à Mogadiscio.

“La forte hausse de ces attaques coordonnées est plutôt un témoignage clair de la force des moudjahidines et de leur capacité opérationnelle”, a souligné une station de radio pro-islamiste en Somalie.

Le Premier ministre somalien, Abdi Farah Shirdoon, a reconnu sa déception face à la faiblesse de la maîtrise de la situation sécuritaire dans le pays par le gouvernement. “Nous sommes très préoccupés [par] la question de la sécurité et elle n'a pas été traitée comme nous le voulions”, a déclaré Shirdoon aux journalistes à Mogadiscio le 18 juillet. Il a promis d'améliorer la sécurité dans la ville.

Mais Jama Ahmed Siad, un expert en sécurité basé à Mogadiscio, a affirmé que le gouvernement a fait preuve de négligence et manque de stratégie claire pour contrer la transformation du groupe extrémiste islamiste en un style de guérilla.

“La sécurité est la clé de tous les problèmes en Somalie et quand vous la maîtrisez, vous avez résolu la moitié du problème”, a déclaré Siad à IPS, ajoutant que le gouvernement n'a pas encore compris cela.

“Par exemple, les agents de la NISA ont réduit leur présence sur les routes qui mènent à Mogadiscio au cours des trois derniers mois. Ils avaient l’habitude de contrôler les véhicules et les personnes qui entrent dans la ville à ces points de contrôle, où ils ont précédemment capturé des membres d’Al-Shabaab qui tentaient de s'infiltrer dans la ville”, a expliqué Siad.

Un officier supérieur de la NISA a déclaré à IPS que l'agence avait transféré le contrôle de ces points de contrôle à la police et l’armée somaliennes, “mais il y a un plan visant à y redéployer très bientôt les agents de la NISA”.

Mohamed Elmi, un activiste de la société civile à Mogadiscio, a affirmé que le principal défi du gouvernement était de savoir comment combattre les attentats à la voiture piégée. Il a indiqué à IPS que les forces gouvernementales ne disposent pas de l'armement, la technologie et de la formation avancés pour ce travail.

Le président Hassan Sheikh Mohamud a déclaré aux journalistes le 29 juillet: “Les forces de sécurité sont en guerre… mais il n'est pas facile de retrouver une voiture piégée en déplacement dans une ville de deux millions d'habitants”.

Le porte-parole de la présidence, Abdirahman Omar Osman, et celui du Premier ministre, Ridwan Haji Abdiweli, ont refusé de faire des commentaires à IPS sur la situation sécuritaire dans la ville.

Mais un responsable du gouvernement a déclaré à IPS que le gouvernement avait, le jour de l'attentat contre l'ambassade turque, déployé une force anti-terrorisme de 1.000 hommes dans les rues de Mogadiscio. “La force d'élite portant des uniformes uniques, dotée des armes de pointe et ses véhicules peints avec une couleur distinctive est chargée de nettoyer la ville des membres d'Al-Shabaab”, a expliqué ce responsable qui a requis l'anonymat parce qu'il n'était pas autorisé à parler aux médias. Siad a affirmé qu’une telle force était peu susceptible de contrer les attaques terroristes croissantes des islamistes. “Il n'existe pas une seule base islamiste dans la ville, mais plusieurs bases secrètes qu'ils utilisent. Par conséquent, un tel déploiement est inutile”, a-t-il dit.