RD CONGO: Des populations abandonnent leurs villages aux éléphants au Katanga

LUBUMBASHI, 13 août (IPS) – Des troupeaux d’éléphants sortent du parc Upemba et investissent depuis la mi-juillet les villages des territoires de Bukama et Malemba-Nkulu dans la province du Katanga, dans le sud-est de la République démocratique du Congo (RDC).

Ces pachydermes, qui seraient à la recherche du pâturage, on déjà tué une dizaine de personnes, détruit des habitations, ravagé des champs et provoqué des déplacements de populations.

«Nous n’avons plus ni toit ni sources de revenus», se plaint Alphonse Kilambwe, cultivateur au village Nkimba dans le territoire de Bukama. La famille Kilambwe est réfugiée depuis la mi-juillet à Bukama le chef-lieu du territoire, près de 80 kilomètres de son village, fuyant l’invasion des éléphants.

«Ces bêtes ravagent des champs de manioc, d’arachides, de canne à sucre; des bananeraies, palmeraies… dans ces deux territoires», affirme à IPS, Chirac Monga, le chef du bureau des affaires humanitaires du territoire de Bukama.

Plusieurs villages de ces territoires, dont Mangi, Kabanza, Tshibinda, Kabenda… sont restés déserts. La situation humanitaire des populations poussées à l’errance, se détériore au jour le jour, ajoute Monga.

A la mi-juillet, ces pachydermes étaient une cinquantaine à envahir les villages, explique à IPS, Louis Bokalanagana, l’administrateur du territoire de Bukama. Mais leur nombre augmente progressivement. Aujourd’hui, ils sont plusieurs troupeaux qui sillonnent les plantations et les villages.

«Ils ne laissent rien à leur passage», ajoute Bokalanagana. Tous viennent du parc Upemba situé entre les territoires de Bukama et Malemba-Nkulu à la recherche des herbes pour leur alimentation.

Selon le bureau des affaires humanitaires du territoire de Bukama, l’invasion de ces bêtes a déjà fait d’importants dégâts matériels et humains. Les populations y ont perdu également des habitations et d’autres biens, en plus de leurs champs.

«Ces bêtes ont déjà tué dix personnes et ravagé plus de 3.000 hectares de champs», indique Monga. Et comme les éléphants ne sont pas encore retournés dans leur milieu naturel, il craint une forte crise alimentaire pour les habitants de ces territoires dans les jours à venir.

Dans le territoire de Malemba-Nkulu, les éléphants ont ravagé plusieurs hectares de cultures dans les groupements de Mondo et Bangwe. Les habitants des villages de ces groupements fuient dans tous les sens. Les gardes du parc, impayés pendant des années, ne veillent plus sur ces bêtes et se sont reconvertis en agriculteurs.

«A Bukama [ville], l’afflux des villageois est important. Ceux qui n’ont pas de parent habitent dans les églises et les écoles, d’autres dorment à la belle étoile. Mais tous n’ont rien à manger», affirme à IPS, Jean Pierre Mukenge, responsable d’une église de réveil.

Trois missions composées des délégués de l’Institut congolais pour la conservation de la nature (ICCN), du Service provincial de l’environnement, du gouvernement et du parlement provinciaux sont déjà descendues sur place le 23 juillet. Elles ont évalué l’ampleur des dégâts et promis aux victimes l’intervention imminente du gouvernement pour retourner les éléphants dans leur habitat naturel.

L’ICCN qui gère les parcs nationaux de la RDC, déclare avoir déjà mis en place un plan pour retourner au parc les éléphants en divagation. Il attend cependant que le gouvernement lui donne des moyens de mettre en œuvre ce plan.

«Organiser le refoulement de ces bêtes demande des moyens. Si le gouvernement met à notre disposition ces moyens maintenant, les éléphants vont rentrer tranquillement chez eux», assure le directeur du département technique et scientifique de l’ICCN, Martin Mbayima.

Selon Mbayima, ces pachydermes constituent le patrimoine national. Et pour leur permettre de vivre en bonne intelligence avec l’autre patrimoine qu’est la population, les autorités doivent agir de manière urgente. Le ministère de l’Environnement, dont dépend l’ICCN, rassure que le dossier est bien suivi. Intervenant sur la radio Okapi de l’ONU, le 19 juillet, le ministre national de l’Environnement, Bavon Samputu, avait promis de donner une suite à cette question dans les prochains jours.

Mais, Mbayima affirme que l’ICCN continue d’attendre le geste du gouvernement.

Pourtant, le temps que l’attente prend suscite des inquiétudes chez les victimes, les défenseurs des droits de l’Homme et des droits de la nature.

«Nos décideurs ne devaient pas prendre autant de temps pour simplement retourner les éléphants au parc», s’indigne François Mubenga, coordonnateur de l’Union paysanne des activistes des droits de l’Homme, une organisation non gouvernementale locale.

Toutefois, les parcs nationaux devaient d’eux-mêmes faire face à ces situations, estime Jean-Pierre Mirindi, responsable du parc de Kundelungu. Mais, ils ne peuvent le faire cependant faute de recettes. «Les touristes qui craignent pour leur sécurité, ne voudraient plus visiter nos parcs et les recettes nous échappent», regrette-t-il.