ZIMBABWE: Voter dans un test crucial pour la liberté

HARARE, 31 juil (IPS) – “Nous ne pouvons certainement pas rater cette grande occasion de voter. C'est comme si le Zimbabwe est en train de gagner son indépendance; l'enthousiasme de voir un nouveau gouvernement arriver au pouvoir est tout simplement incroyable”, a déclaré à IPS, Saungweme Mildred, 38 ans.

“Et nous espérons que nous aurons un nouveau Zimbabwe qui marchera de nouveau”, a ajouté cet homme originaire de la banlieue de Hatfield, à Harare, la capitale de ce pays d’Afrique australe.

Ce mercredi, 31 juillet, le pays est prêt à choisir un président. C’est la troisième fois que le Premier ministre, Morgan Tsvangirai, leader du Mouvement pour le changement démocratique-Tsvangirai (MDC-T), dispute le pouvoir avec le président Robert Mugabe. Mugabe, leader de l’Union nationale africaine du Zimbabwe – Front patriotique (ZANU-PF), est au pouvoir depuis 33 ans.

Toutefois, avant le scrutin de mercredi, les observateurs de l'Union africaine (UA) et de la Communauté de développement d'Afrique australe (SADC) avaient émis des doutes sur la crédibilité du scrutin.

“Je crains [que] l’enthousiasme actuel des électeurs ne puisse être entravé par certaines forces déterminées à voler cette élection”, a indiqué à IPS, un observateur de l'UA s'exprimant sous le couvert de l'anonymat.

Quelques heures avant l’ouverture, à 5 heures du matin, des bureaux de vote à travers le pays, les électeurs avaient encore du mal à savoir là où ils pouvaient vérifier leurs noms sur la liste électorale.

Ceux qui savaient là où ils allaient voter, comme Tambudzai Gavi, 73 ans, dans la banlieue de Mabvuku, à Harare, ont dit qu'ils étaient disposés à attendre toute la nuit dans les files d'attente afin de voter.

“Nous avons eu un seul parti, la ZANU-PF, qui n'a pas réussi à tenir ses promesses depuis 33 ans. Je dormirai dans la file d'attente pour m'assurer que personne n’aura d’excuse pour me priver de l'occasion de voter”, a souligné Gavi à IPS. Les résultats sont attendus au plus tard le 5 août.

La Commission électorale du Zimbabwe (ZEC) a été critiquée par les partis politiques et les organisations de la société civile pour n’avoir pas rendu disponible la liste électorale avant le scrutin. Il y a environ 6,4 millions d'électeurs inscrits, mais des inquiétudes ont été soulevées au sujet du nombre de personnes mortes qui figurent encore sur la liste.

Selon le Code électoral, la ZEC est tenue de fournir une copie imprimée ou électronique de la liste électorale à tous les partis politiques en lice et aux observateurs qui en demandent.

“Nous nous demandons comment les noms sur la liste électorale vont être vérifiés si la liste électorale électronique n'a pas encore été rendue publique”, a indiqué à IPS, Tawanda Chimhini, directeur du Centre des ressources sur les élections, une organisation indépendante axée sur l’organisation des scrutins au Zimbabwe.

Tsvangirai a déclaré à une foule estimée à 40.000 partisans, lors d'un rassemblement sur la Place de la Liberté à Harare, le 29 juillet, que son parti n'avait pas pu vérifier les noms sur la liste électorale. “A environ un jour des élections, la ZEC ne nous a pas présenté la liste électorale électronique, ce qui met en cause sa crédibilité à organiser cette élection”, a-t-il dit.

Daniel Bekele, directeur pour l'Afrique du groupe international de défense des droits, 'Human Rights Watch' (HRW), a expliqué à IPS que les réformes tant juridiques et institutionnelles, y compris celles visant à réformer le secteur de la sécurité et la ZEC, n'avaient pas été mises en œuvre, et n’ont pas créé un espace pour des élections libres et équitables.

“En dépit de l’environnement difficile des droits de l'Homme, les élections se tiennent comme un test crucial à la fois pour le Zimbabwe et les observateurs régionaux, la SADC et de l'UA en particulier, pour démontrer l’engagement réel de refléter la volonté du peuple zimbabwéen”, a déclaré Bekele.

“Si les élections sont truquées, le Zimbabwe risque de plonger dans une crise politique compliquée et le risque de violence et d'autres violations des droits humains est élevé”, a ajouté Bekele.

Déjà, avant les élections, il y a eu des informations faisant état de violences, d’enlèvements et d'intimidation. IPS a rapporté des affirmations indiquant que des chefs traditionnels locaux déconseillaient aux villageois de voter pour le MDC-T afin d’éviter des violences postélectorales de la part de la ZANU-PF. Il y avait également des informations indiquant la saisie des cartes d'identité des électeurs par des responsables présumés de la ZANU-PF.

Le 30 juillet, les reportages des médias locaux indiquaient que la police anti-émeute avait été déployée dans les zones de troubles potentiels dans le centre du Zimbabwe.

La directrice de HRW pour l'Afrique australe, Tiseke Kasambala, a déclaré à IPS qu'il serait difficile pour les électeurs de voter librement à la lumière de ces violations.

“Le gouvernement d'union nationale du Zimbabwe, composé de la ZANU-PF, le parti au pouvoir, et des deux factions du MDC, n’a pas réussi à mettre en œuvre les réformes juridiques et institutionnelles pour aborder les divers problèmes politiques, institutionnels et des droits humains avant les élections”, a souligné Kasambala.

Elle a affirmé que bien que la nouvelle constitution du Zimbabwe, qui a été proclamée comme loi en mai, ait mis en œuvre certaines réformes, celles-ci étaient insuffisantes pour niveler le terrain de jeu politique puisqu’il n'y a eu aucune abrogation ou modification de la législation répressive.

Le pays a encore besoin de modifier les lois répressives telles que la Loi sur l'accès à l'information et la protection de la vie privée, qui stipule que les journalistes doivent s'inscrire chaque année auprès de la Commission des médias et de l'information du Zimbabwe, et la Loi sur l'ordre public et la sécurité, qui criminalise la publication des mensonges et laisse les journalistes exposés au procès.

“Le risque d'escalade de violence et d'autres violations des droits humains après l’annonce des résultats des élections, reste élevé parce que les infrastructures de violence demeurent intactes, et aucune responsabilité n'a été située pour les précédentes violations des droits humains, y compris les violences politiques de 2008”, a ajouté Kasambala.