ETATS-UNIS: Des tribunaux confirment la divulgation des "minéraux de conflits"

WASHINGTON, 27 juil (IPS) – Un juge fédéral américain a confirmé une disposition clé de réglementation visant à assurer que les bénéfices issus des produits extraits en Afrique centrale ne soient pas utilisés pour profiter aux groupes armés, en particulier en République démocratique du Congo (RDC).

Des groupes de défense des droits saluent la décision, affirmant que la soi-disant disposition sur les “minéraux de conflits” a déjà produit des effets positifs sur le terrain, à la fois au Congo et dans les salles de conférence américaines.

“C'est une grande victoire, et cela montre l'importance de cette règle pour tenir responsables les entreprises et veiller à ce qu'elles assument la responsabilité des impacts de leurs achats”, a déclaré à IPS, Corinna Gilfillan, chef du bureau des Etats-Unis de 'Global Witness', un groupe de veille qui a déposé un dossier au tribunal dans cette affaire.

“Cette disposition a généré des niveaux sans précédent d'attention vers l'est du Congo, augmentant sensiblement l’examen autour des chaînes d'approvisionnement. Après tout, quelle entreprise veut être associée au financement des violations des droits humains en Afrique?”.

La règle, appelée Article 1502 ou la disposition sur les “minéraux de conflits”, a été initialement signée comme loi en 2010 dans le cadre d'une pièce massive de la législation sur le secteur financier appelée Loi Dodd-Frank. Deux ans plus tard, en août 2012, les instances américaines de contrôle ont finalisé les détails sur la façon dont les sociétés cotées aux Etats-Unis seraient tenues d’appliquer cette disposition.

Conformément à l'article 1502, à partir de début 2013, les compagnies, qui utilisent l'un des quatre minéraux – or, étain, tungstène ou tantale, largement employés dans l'électronique moderne – provenant de la RDC ou des pays voisins, auraient besoin d'apporter la preuve qu'elles avaient suivi la diligence requise pour s’assurer que ces produits ne profitaient pas à des groupes armés.

Pourtant, la règle est immédiatement confrontée à un procès de la part de puissantes associations professionnelles représentant des entreprises et fabricants américains. Elles ont affirmé que la disposition sur les minerais de conflits imposerait des coûts exorbitants que les instances américaines de contrôle n'avaient pas pleinement analysés, parmi plusieurs autres plaintes.

Une autre disposition de la Loi Dodd-Frank, exigeant que les grandes compagnies extractives divulguent tous les paiements effectués aux gouvernements étrangers, a été invalidée par des tribunaux américains au début du mois.

Toutefois, mardi (23 juillet), le juge Robert Wilkins a rejeté chacune de ces affirmations, trouvant l'analyse économique de la Commission sécurité & échange (SEC) “d’éminemment appropriée”.

“Prenant ensemble tous ces éléments du régime de divulgation, la cour trouve un 'ajustement raisonnable' entre les dispositions pertinentes de l'article 1502 et la Règle finale ainsi que les objectifs du Congrès de promouvoir la paix et la sécurité en RDC et autour du pays”, a écrit le juge Wilkins dans une opinion détaillée de 63 pages.

La Chambre de commerce des Etats-Unis, l’une des principales parties dans cette affaire, a indiqué à IPS dans un communiqué qu'elle est encore en train “d’examiner la décision du tribunal et nos options avancent. Nous continuons de croire que cette règle, quoique bien intentionnée, n'est pas étayée par le rapport personnel de l'agence”.

'Une grande opportunité' Pour l'instant, cette décision assez retentissante prise le 23 juillet ouvre la voie à une application totale de l'article 1502, sans un autre procès sur la question actuellement en suspens.

Toutefois, malgré l'incertitude juridique, cette règle a déjà entraîné d'importantes mesures de la part du gouvernement congolais ainsi que de plusieurs grandes sociétés américaines – y compris celles qui sont techniquement partie au procès.

“Il y a eu effectivement une déconnexion assez forte entre ces grands groupes industriels et leurs positions extrêmes et ce que nous voyons chacune des entreprises faire pour se conformer”, note Gilfillan de 'Global Witness'. “Bon nombre ne comptent pas sur les procès pour les sortir de cette situation, mais travaillent plutôt de façon proactive pour se conformer”.

'General Electric' (GE), un géant des services, par exemple, a déclaré en mai qu'il “partage… un engagement à assumer la responsabilité d'alléger les souffrances causées par les conflits en RDC”, et a noté que bien qu'il soit membre de la Chambre de commerce des Etats-Unis, “les points de vue et positions exprimés par la chambre n’engagent qu’elle, et non le GE”.

Microsoft et Motorola figuraient parmi les autres grandes sociétés de l'électronique qui ont rompu avec la chambre sur cette question ces derniers mois. Des initiatives internationales dans le secteur – telles que le Programme d’une fonderie libre de conflit – ont été également lancées ou renforcées à la suite de l’adoption de l'article 1502.

“Donc, nous demandons maintenant à toutes ces entreprises de faire tout ce qu'elles peuvent pour s'assurer que les minéraux qu'elles utilisent n'alimentent pas les violations des droits de l'Homme”, ajoute Gilfillan. “Nous avons une situation très difficile dans l'est du Congo, alors nous ne pouvons pas permettre d’autres retards”.