Q&R: La météo pour éviter les AVC et les crises d’asthme à Cuba

LA HAVANE, 21 juin (IPS) – Un modèle de prévision bio-métrologique développé à Cuba, pour tirer la sonnette d'alerte sur les conditions météorologiques qui exacerbent des maladies chroniques comme l'asthme, l'hypertension et les troubles vasculaires, pourrait également aider à prédire les impacts du changement climatique sur la santé.

Des études ont montré que des changements significatifs de la densité de l'oxygène de l’air sont liés à une augmentation de la fréquentation des centres de santé par les personnes souffrant de maladies chroniques.

Ce service, disponible sur Internet, a commencé à être utilisé dans le Centre provincial de l'hygiène et de l'épidémiologie de la Direction de la santé de la province centrale de Villa Clara.

Luis Lecha, un chercheur au Centre provincial d'études et de services de l’environnement, explique dans cette interviewe accordée à IPS, que le projet visant à étudier les effets que la météo pourrait avoir sur la santé des gens, a démarré dans les années 1990.

Voici quelques extraits de l’interview: Q: De quoi est composé ce modèle de prévision, qui fait qu’il est possible de mettre en place un système d'alerte précoce dans le domaine de la santé? R: L'étude a été menée dans la période 1991-1995 dans 17 hôpitaux, où pendant cinq ans, des informations ont été quotidiennement compilées sur les visites des malades chez le médecin pour des affections différentes.

Les données ont été comparées avec les bulletins météorologiques afin d’étudier la relation entre le climat et l'augmentation de l’apparition des maladies.

La densité atmosphérique de l'oxygène s'est avérée être l’indicateur… qui reflète le mieux l'influence de la météo sur l’apparition quotidienne des maladies étudiées.

Alors, le modèle de biométéorologie PronBiomet est composé d'un ensemble d'algorithmes physico-mathématiques programmés pour être utilisés dans les ordinateurs et calculer quotidiennement à l'avance les variations de la teneur en oxygène de l'air dans de grandes régions géographiques.

Q: Les changements de la teneur en oxygène de l'air, au-delà d'un certain seuil, activent les mécanismes de réaction du corps humain et affectent sa santé. Pourquoi cela se produit-il? R: Nous sommes tous exposés aux actions des facteurs externes, y compris ceux de l'environnement et la météorologie.

Notre capacité d'adaptation, d'autorégulation à travers l'homéostasie, nous permet de nous adapter, d'assimiler ce changement. Tant que l'organisme peut faire face à l'intensité et à la durée de l'impact de ce facteur externe, votre état de santé reste stable.

Mais si pour une raison quelconque, l'intensité ou la durée de l'impact dépasse la capacité de l'individu à s'adapter, la personne peut souffrir de n’importe quoi, allant d'un simple mal de tête ou d’éternuement aux pires conséquences, comme une crise cardiaque, un accident vasculaire cérébral, ou même une mort subite.

Q: Quelles maladies ce système d’alerte couvre-t-il? R: Jusque-là, les effets de la météo ont été étudiés pour certaines maladies chroniques comme l'asthme bronchique, l'hypertension, les maladies cardio-vasculaires et vasculaires cérébrales, les maux de tête et certains types d'infections respiratoires aiguës.

Q: En quoi les prévisions se sont-elles avérées efficaces? R: L'efficacité a été calculée en utilisant les données issues des fréquentations des services de santé dans la municipalité de Playa à La Havane et dans la municipalité de Sagua la Grande à Villa Clara, entre 2007 et 2011.

L'asthme est la maladie qui présente les résultats les plus clairs, avec 94 pour cent de précision dans les prévisions de l'augmentation du nombre de personnes en quête d'aide les jours où il y a des effets météorologiques tropicaux, suivi de l'hypertension, avec 87 pour cent d'efficacité.

L’efficacité dans le cas des accidents vasculaires cérébraux (AVC) et les maux de tête a atteint 83 et 81 pour cent, respectivement, alors que les prévisions étaient correctes à 75 pour cent dans le cas des maladies cardiaques – en d'autres termes, trois jours sur quatre.

Q: Le système fonctionne-t-il dans un centre de santé quelconque? R: En février 2012, le service a commencé à être offert dans le Centre provincial d'hygiène et d'épidémiologie de la Direction de la santé de la province de Villa Clara.

Pour introduire le système dans la pratique, les autorités ont sélectionné des centres de référence à Sagua la Grande, Santa Clara et Ranchuelo, où des centres de santé appliquent de nouvelles procédures pour tirer le meilleur parti de ces prévisions et atténuer les conséquences des variations climatiques tropicales pour la population locale.

Q: Quels ont été les avantages ou impacts obtenus avec ce service? R: Si les médecins savent à l'avance que les conditions météorologiques pourraient se produire (et) affecter la santé de certains de leurs malades, des mesures préventives pourraient être prises. Il s'agit de l'optimisation de l'utilisation et la distribution des médicaments nécessaires et d'autres matériaux rares.

En outre, nous savons que plus de 10 pour cent de la population cubaine est asthmatique et que la mortalité associée à des crises aiguës d'asthme bronchique est en hausse.

Alors, si grâce au service de prévision bio-métrologique, seulement 20 pour cent des crises d'asthme, qui pourraient survenir en raison des effets climatiques tropicaux significatifs, ont été évités ou minimisés, cela contribuerait à l'amélioration de la santé de plus de 200.000 personnes.

Un raisonnement similaire peut être fait pour d'autres maladies, ce qui signifie que le plus grand impact de ce service réside dans sa capacité à contribuer, efficacement et relativement de façon rapide, à réduire la morbidité et la mortalité associées à certaines maladies qui sont fréquentes dans le pays, dont l'apparition est étroitement liée à la variabilité du temps.