MALAWI: S’attaquer au manque de médecins

BLANTYRE, Malawi, 24 avr (IPS) – Au Malawi, où le système de santé fait souvent les manchettes pour ses manques de médicaments et de personnel médical, un fait souvent négligé est que deux hôpitaux centraux sur quatre ne disposent pas d’un médecin spécialiste en service.

“Beaucoup de conditions ne sont pas correctement diagnostiquées parce qu'elles sont examinées par des cliniciens qui ne sont pas informés du spectre plus grand de diagnostics qui sont possibles”, explique Dr Theresa Allain, professeur agrégé et directrice de la médecine interne à la Faculté de médecine de l'Université du Malawi à Blantyre. “Quand les choses ne sont pas convenablement diagnostiquées, elles ne sont pas correctement traitées”.

“Il y a donc un besoin de spécialités de niveau supérieur, mais nous n'avons pas encore assez de médecins pour occuper ces postes”, déclare-t-elle à IPS.

Et alors qu’une grande partie de la responsabilité pour la lenteur du développement du système de santé du Malawi incombe à la “fuite des cerveaux” vers l’extérieur, où le personnel médical qualifié quitte le Malawi pour de meilleures opportunités de formation et des salaires plus attrayants à l'étranger, Allain explique que les enjeux vont bien au-delà de ce seul facteur.

“Nous devons examiner la situation dans le contexte du tableau plus grand parce que la Faculté de médicine a seulement 20 ans”, dit-elle au sujet de cet institut de formation médicale naissant du pays. “La première phase de la vie d'une école de médecine consiste simplement à avoir des médecins qualifiés”.

Dans un rapport publié en 2010, l'Organisation mondiale de la santé a constaté que le Malawi disposait seulement de 257 médecins pour une population de plus de 15 millions d'habitants.

Il y a actuellement 459 médecins généralistes agréés au Conseil médical du Malawi.

Cependant, malgré l’augmentation du nombre, il existe seulement 177 spécialistes dans le pays et le ratio médecin-patient reste de façon alarmante élevé à 1:33.300.

Au Kenya, il y a 1.654 spécialistes agréés et le ratio médecin-patient est de 1:5.190, nettement inférieur. Et au sud du Malawi, l'Afrique du Sud compte plus de 9.600 spécialistes agréés et se vante d'un ratio médecin-patient de 1:1.320.

“C'est un service de santé en développement”, déclare Allain. “Mais chaque année, nous donnons de diplômes à davantage de médecins, et ce qui est intéressant maintenant, c'est que les nouveaux diplômés commencent à demander de meilleures opportunités postdoctorales”.

Andrew Mataya, 28 ans, est un étudiant de cinquième année du programme de licence en médecine à la Faculté de médecine et il réfléchit actuellement à la possibilité de se spécialiser.

“J'aimerais vraiment me spécialiser, mais je ne suis pas encore sûr du domaine à poursuivre”, dit-il à IPS, expliquant que quand il s'agit de prendre cette décision, il tiendra compte de la nature du travail de cette spécialité, ses relations avec ses instructeurs et ses superviseurs, ainsi que les besoins du Malawi.

“Ma carrière professionnelle, bien sûr, dépend de la spécialité que j'aurai finalement choisie, et des opportunités disponibles le moment venu”.

Dans son discours sur l’état de la nation au début de l'année, la présidente Joyce Banda a exprimé l'engagement du gouvernement à créer “un Malawi qui a une population en bonne santé, et une main-d'œuvre bien formée et qualifiée”.

Mais comme beaucoup de pays donateurs du Malawi sont confrontés à une récession mondiale, le financement dans plusieurs secteurs gouvernementaux – pas seulement les soins de santé – a diminué, affectant indirectement les programmes de formation en médecine.

“Le ministère de la Santé a bien financé un certain nombre de postes de formation spécialisée il y a quelques années”, explique Allain. “Mais il est à court d'argent et notre service de santé est aux prises avec des choses très simples, comme les médicaments, donc mettre vraiment de côté un budget pour la formation de spécialistes n'occupe pas une place de choix sur leur liste de priorités pour le moment”.

Mais cela ne veut pas dire que des progrès n’ont pas été faits.

La Faculté de médicine a récemment intégré deux nouveaux programmes pour des spécialisations supérieures en médecine: un en néphrologie (médecine rénale) et l'autre en médecine d'urgence.

Il serait toujours demandé aux étudiants de terminer une partie de leur formation à l'étranger dans des pays comme l'Afrique du Sud ou la Tanzanie où le système de santé est plus développé. Mais comme le dit Allain, l'objectif à long terme est de créer plus d'opportunités postdoctorales pour ceux qui cherchent à rester et travailler au Malawi.

Dr Francis Kamwendo, directeur adjoint du département d’obstétrique et de gynécologie (OB/GYN) et un consultant en OB/GYN à l'Hôpital central Queen Elizabeth à Blantyre, a noté une différence sensible dans son domaine de spécialisation au cours de la dernière décennie.

“Les développements sont lents”, indique Kamwendo à IPS, qui a terminé à la fois sa formation en médecine de base et de spécialité en Suède. “Mais nous pensons que nous évoluons, nous nous développons et nous nous améliorons dans la fourniture de soins spéciaux”.

Et Kamwendo envisage des services OB/GYN encore plus complets dans l'avenir.

“Le département se développera de manière à ce qu’il y aura des sous-spécialités”, projette-t-il. “Nous aurons l’oncologie gynécologique, la médecine maternelle et fœtale, et nous serons également en mesure de prendre en charge d'autres maladies qu’une femme peut avoir avant qu'elle ne tombe enceinte, comme les diabètes et l'hypertension”.