NIGER: Très peu de gens ont accès à l’assainissement

NIAMEY, 14 mars (IPS) – Une vingtaine de villages de la région de Tillabéri, dans l’ouest du Niger, vient d’être certifiée communautés «ayant atteint et maintenu le statut de fin de défécation à l’air libre».

Cette certification a été faite le 5 mars 2013 dans le cadre d’un projet dénommé «Assainissement total piloté par la communauté» (ATPC) lancé en septembre 2010 dans 32 villages de la région, par le bureau local de l’ONG Plan International, à Niamey, la capitale nigérienne. Mais très peu de Nigériens ont encore accès à l’assainissement. Selon Souley Hachimou, technicien de l’assainissement à Niamey, «la défécation en plein air est une pratique néfaste malheureusement très répandue au Niger, surtout dans les zones rurales où les populations ne perçoivent pas la nécessité de disposer de latrines dans leurs concessions, la brousse étant à côté pour faire les besoins». «La construction d’une latrine – même traditionnelle – nécessite de l’argent pour l’achat du ciment et du fer à béton pour la dalle, sans compter la main-d’œuvre. Et puis, l’utilisation de latrines n’est pas dans nos habitudes, c’est pour les gens de la ville qui n’ont pas d’espaces libres pour faire ce genre de besoins», explique à IPS, Salmou Yacouba, 62 ans, habitante de Saga-Gorou, un village non loin de Niamey. Boulkassoum Hamadou, un habitant de Tillabéri, ajoute à IPS: «Des latrines supposent une grande fosse qui est appelée à être vidée une fois remplie pour que l’air que nous respirons dans le village ne soit pas insupportable. Elles supposent aussi un minimum d’entretien par tous, ce qui n’est pas évident même dans une maison, à fortiori un village, ce qui explique la persistance de la défécation à l’air libre».

«Mais, lorsqu’on apprend que des maladies contagieuses, comme le choléra notamment, sont provoquées par un manque d’assainissement et d’hygiène, l’adoption de bonnes pratiques dont l’abandon de la défécation en plein air s’impose, car la santé est un bien précieux», admet Mariétou Boubacar, une paysanne de 31 ans, à Saga-Gorou. «Entre 1990 et 2010, la population nigérienne a augmenté de 7,7 millions d’habitants alors que seulement un million de personnes ont accès à l’assainissement pendant la même période», selon le rapport d’une étude sur l’accès à l’assainissement, menée dans cinq pays d’Afrique – Niger, Sierra Leone, Ghana, Ouganda et Rwanda – publié le 20 février 2013 par l’ONG internationale 'WaterAid' basée en Angleterre. «Sur les 15,5 millions d’habitants du Niger, 14,1 millions (soit 91 pour cent de la population) ne disposent pas actuellement d’un accès à des toilettes appropriées et six pour cent seulement de ces personnes utilisent des latrines, tandis que 79 pour cent pratiquent la défécation en plein air», souligne le rapport, imputant cette situation à la non-tenue d’engagements financiers ultérieurs pris par le gouvernement concernant le secteur de l’assainissement.

Les niveaux d’accès actuels, comparés aux cibles définies en matière d’assainissement par les Objectifs du millénaire pour le développement (OMD), ne sont pas reluisants dans tous les pays couverts par l’étude. Il est de neuf pour cent au Niger dont quatre pour cent seulement en zone rurale, contre 13 pour cent en Sierra Leone, 14 pour cent au Ghana, 34 pour cent en Ouganda et 55 pour cent au Rwanda, indique le rapport. Pourtant, les cibles fixées par les OMD sont respectivement de 60 pour cent pour le Niger, 66 pour cent pour la Sierra Leone, 54 pour cent pour le Ghana, 62 pour cent pour l’Ouganda, et 70 pour cent pour cent pour le Rwanda, selon le rapport intitulé «Des promesses à tenir: Pourquoi les dirigeants africains doivent à présent respecter leurs engagements pris par le passé en matière d’eau et d’assainissement». L’interpellation porte notamment sur le respect de l’engagement de la «Déclaration d’eThkwini» (Afrique du Sud, 2008) de l’Union africaine au regard duquel les gouvernements ont décidé de consacrer, chaque année, au moins 0,5 pour cent du PIB national à l’assainissement. Ceci n’est pas appliqué au Niger où seulement 0,89 pour cent du PIB a été dépensé annuellement dans l’eau et l’assainissement confondus entre 2007 et 2010, soit 19,7 milliards de francs CFA (environ 39,4 millions de dollars US), selon le rapport de WaterAid.

«Il n’y a pas une séparation claire des postes budgétaires consacrés à l’eau et l’assainissement pour mieux apprécier les efforts consentis dans chaque secteur par le gouvernement, mais les investissements doivent être plus faibles dans l’assainissement et l’hygiène», affirme Hachimou à IPS. Soumaïla Hima, un agent de santé à Niamey, souligne que «ce non-accès à l’assainissement et à l’hygiène est à l’origine des pathologies les plus courantes dans notre pays, comme les maladies parasitaires et diarrhéiques…». Selon lui, «l’épidémie de choléra, ayant sévi l’année dernière dans le pays, avec plusieurs milliers de cas dont plus de 300 décès, est due principalement à cela».

Selon la Banque mondiale citée dans le rapport par WaterAid, «ce manque d’accès à l’assainissement coûte à l’heure actuelle au Niger l’équivalent annuel de 2,4 pour cent de son PIB, soit 71,8 milliards de FCFA (143,6 millions de dollars) par an (pour traiter ces maladies), ce qui correspond à environ deux fois et demi le montant annuel dépensé pour l’amélioration de l’accès tant à l’eau qu’à l’assainissement». A ce coût engendré par les consultations médicales, les frais d’hospitalisation et l’achat des médicaments, vient s’ajouter une énorme perte de temps par les Nigériens dans la recherche d’un endroit pour faire leurs besoins, estimée à 2,2 milliards d’heures tous les ans, souligne Hamani Oumarou, responsable local de WaterAid à Niamey. Pour améliorer l’accès à l’assainissement, des partenaires appuient le gouvernement, qui ambitionne de faire passer le pourcentage des populations disposant notamment de latrines, de six pour cent en 2009 à 25 pour cent en 2015, selon le ministère nigérien de l’Hydraulique et de l’Environnement. Le Fonds des Nations Unies pour l’enfance (UNICEF) à Niamey exécute aussi «des projets sur l’approche ATPC dans 225 villages parmi lesquels 140 ont totalement abandonné la défécation à l’air libre», a indiqué à IPS, Togota Sogoba, responsable de eau et assainissement de l’UNICEF.