SWAZILAND: Le combat pour maintenir gratuit l’enseignement primaire

MBABANE, 6 mars (IPS) – Comme le gouvernement du Swaziland a du mal à garantir un système national d'enseignement primaire gratuit, il se retrouve en train de se disputer avec les directeurs d'école sur la question de savoir si c'est un manque de fonds ou la grande corruption qui bloque sa réussite.

Plus récemment, le gouvernement a demandé aux directeurs/directrices des écoles primaires publiques de retourner un frais de scolarité complémentaire annuel qu’ils prennent aux élèves, sans autorisation du gouvernement, depuis l’introduction du Programme de gratuité de l'enseignement primaire (FPEP) dans le pays en 2009.

C'est une exigence que certain(e)s directeurs/directrices ont refusée, affirmant qu'elle pourrait mettre en faillite beaucoup d’écoles dans ce pays d'Afrique australe. Un directeur d'école, qui a requis l'anonymat, a expliqué à IPS que ce n'était pas possible de rembourser les parents parce que l'argent avait déjà été utilisé pour régler les factures des fournisseurs. C'est un point de vue partagé par l'association nationale des directeurs/directrices d’école.

“Nous dirigerons les écoles comme le gouvernement le voudra et – si elles s'effondrent à cause d'un manque de fonds, ce n'est pas notre problème”, a déclaré à IPS, le président de l'Association des directeurs/directrices d'école du Swaziland (SWAPA), Mduzuzi Bhembe. Il a ajouté que les responsables des écoles étaient frustrés par l'attitude du gouvernement, mais il est resté évasif sur quand exactement ils ont l'intention de rembourser les parents.

Les écoles doivent aux parents un montant non divulgué, estimé à des millions d'emalangeni (10 emalangeni font environ un dollar), pour les frais de scolarité complémentaires annuels que la plupart des 558 écoles primaires dans le pays prennent aux élèves.

Alors que les frais supplémentaires varient d'une école à une autre, certains parents paient jusqu'à 76 dollars par enfant annuellement. Ce montant est considéré comme une somme énorme, puisque 63 pour cent des Swazis vivent en dessous du seuil de pauvreté de deux dollars par jour.

Les écoles prennent ces frais en plus des 62 dollars annuels par enfant que le gouvernement verse pour les élèves du cours d’initiation au cours moyen première année de l’école primaire. En outre, le programme gouvernemental de subvention des orphelins et enfants vulnérables paie aux écoles un montant plus élevé allant de 219 à 280 dollars pour les enfants du primaire et du secondaire qui sont inscrits pour cela.

Mais les directeurs/directrices ont estimé que l'argent versé pour le programme de la gratuité de l’enseignement primaire n'a pas atteint leurs coûts de fonctionnement.

Selon le ministre de l'Education et de la Formation, Wilson Ntshangase, l'argent était suffisant pour payer les fournitures scolaires, les manuels, les cantines et les salaires des enseignants. Son ministère est déterminé à se débarrasser des frais supplémentaires, a-t-il déclaré à IPS, parce qu’ils rendent la scolarité exceptionnellement coûteuse au Swaziland.

Maintenant, “il y a beaucoup d'enfants qui traînent à la maison bien que le gouvernement ait payé leurs contributions scolaires, parce qu'ils ne peuvent pas payer les frais de scolarité complémentaires”, a indiqué Ntshangase à IPS.

“Le gouvernement subventionne largement l'éducation, toutefois, le coût de l'enseignement dans ce pays ne cesse de croître”, a déclaré à IPS, Dumisani Mnisi, directrice de l’organisation internationale non gouvernementale 'Save the Children' au Swaziland.

Elle a reconnu que certaines écoles fonctionnent efficacement avec l'argent que le gouvernement leur a versé.

Les petits-enfants de Regina Masuku fréquentent l'une des quelques écoles primaires dans le pays qui ne prennent pas de frais de scolarité complémentaires.

“Je n'ai pas de quoi me plaindre – sauf qu'ils mangent des haricots à l'école tous les jours”, a affirmé Masuku à IPS, au sujet de l'Ecole primaire de Mnyokane, dans le nord-est du Swaziland.

La corruption Pendant ce temps, Ntshangase a admis que la corruption sévissait dans les écoles publiques. Le gouvernement a suspendu deux directeurs en décembre 2012 et en janvier 2013, suite à des allégations d’escroquerie s'élevant à plus de 680.000 dollars.

“Chaque fois que nous demandons aux directeurs/directrices les états financiers pour justifier les dépenses scolaires, ils n’arrivent pas à nous les donner”, a déclaré Ntshangase.

“Les directeurs/directrices affirment qu'ils élaborent leur budget avec les parents, mais la réalité est que ces parents écoutent seulement ce que le directeur ou la directrice leur dit parce que la majorité d'entre eux sont analphabètes”.

Les parents ont salué la décision du gouvernement.

Thandi Mntshali*, une mère de trois enfants, est soulagée en apprenant qu'elle n'aura plus à obtenir des prêts auprès de micro-prêteurs pour payer les frais de scolarité complémentaires annuels.

“Le directeur m'a dit qu'il renverrait mes enfants de l'école si je refusais de payer les frais de scolarité complémentaires”, a-t-elle indiqué.

Mntshali, qui vend des fruits et des bonbons à l'école que ses enfants fréquentent, n'avait pas d’autre option que de payer 228 dollars de frais de scolarité complémentaires pour tous les trois enfants.

“C’était difficile de réunir cet argent, mais je n'avais pas le choix parce que je ne veux pas que mes enfants soient illettrés comme moi”.