OUGANDA: La loi sur "L’assassinat des homosexuels" sème la terreur

KAMPALA, 13 déc (IPS) – Gerald Ssentongo, un activiste homosexuel de l'Ouganda, a peur de parler ouvertement pour sa cause. En dehors de cela, il est terrifié à l’idée de se faire “prendre” en compagnie des personnes gays et ne rencontre ses amis que la nuit dans des endroits hors de portée.

“La peur de perdre nos vies est partout, mais elle s’est accrue ces derniers temps. Je suis maintenant verbalement agressé et le mois dernier, mon amie a été agressée simplement parce qu'elle a dit qu'elle était une lesbienne. Les attaques peuvent se produire de n'importe quelle manière”, a déclaré l’homme âgé de 35 ans à IPS.

Ses inquiétudes surviennent à un moment où le parlement de cette nation d'Afrique de l’est a relancé le projet de loi infâme anti-homosexualité, connue également sous le nom de la Loi sur “l’assassinat des homosexuels”.

David Bahati, un député a présenté le projet de loi en 2009. A ce moment, la loi avait proposé la peine de mort pour les personnes engagées dans des relations sexuelles avec des gens du même sexe, des mineurs ou des handicapées. Un séropositif coupable qui se livre à des relations homosexuelles serait également condamné à mort.

En outre, le projet de loi avait proposé une condamnation à perpétuité pour une personne reconnue coupable d’attouchement envers une autre personne du même sexe “avec l'intention de commettre un acte d'homosexualité”.

Cependant, les menaces des pays occidentaux de réduire l'aide humanitaire et le plaidoyer des groupes internationaux des droits humains ont contraint le gouvernement ougandais à suspendre ce projet de loi.

L'homophobie s’est accrue dans ce pays conservateur au début de l’année 2011 lorsque David Kato, l'un des leaders des activistes homosexuels, a été assassiné après que son nom et ceux de 99 autres présumés “gays et lesbiennes connus” ont été publiés dans un journal local (tabloïde), “Rolling Stone”, sous le titre “Tuer les homosexuels”.

Sa mort a entraîné une condamnation internationale. En conséquence, le président Yoweri Museveni a suspendu ce projet de loi et a autorisé son expiration pour mai 2011.

Mais le gouvernement l'a relancé en novembre 2012. Rebecca Kadaga, la présidente du Parlement ougandais, a récemment déclaré que la culture du pays n’avait “aucune place pour les homosexuels” et elle a promis de lutter pour que ce projet de loi soit voté “comme un cadeau de Noël.” Cependant, le projet de loi actuellement présenté devant le parlement est légèrement différent de la version de 2009.

“La peine de mort a été supprimée”, a déclaré à IPS, Meldad Lubega Sseggona, l'un des membres de la commission parlementaire qui a révisé le projet de loi. “Les peines vont maintenant de quelques années de prison à la condamnation à perpétuité pour les condamnés. Le projet de loi est maintenant entièrement entre les mains du président du parlement”.

Mais, il demeure encore beaucoup de points du projet original. Les condamnations à vie seront toujours prononcées contre les personnes reconnues coupables de s'engager dans des relations homosexuelles. Et le projet de loi actuel propose également une peine de trois ans pour une personne reconnue coupable de n'avoir pas signalé une infraction homosexuelle.

“Il a été adopté par la commission et sera présenté bientôt au parlement pour débat”, a indiqué Sseggona.

Ssentongo et d'autres activistes homosexuels ont affirmé qu’une législation contre les gays ne peut que les mettre en danger dans la communauté, qui peine encore à accepter leur existence.

“En dehors d’une petite élite, beaucoup de gens pensent que le projet de loi a déjà été promulgué. Nous sommes déjà des criminels aux yeux du public”, a-t-il affirmé.

Julian Pepe Onziema, une activiste du groupe de défense des droits des homosexuels et des minorités sexuelles en Ouganda, a déclaré à IPS que les membres de l'ONG ont essayé de sensibiliser le public sur les dangers du vote du projet de loi. “Le projet de loi devrait être retiré dans son intégralité. C'est une mauvaise loi. D’abord, elle ne devrait pas exister. La suppression de la peine de mort est inutile parce que la condamnation à perpétuité est déjà assez mauvaise”, a-t-elle indiqué.

“Nous faisons des plaidoyers vers la communauté internationale. Nous essayons de sensibiliser autant que possible malgré les difficultés auxquelles nous sommes confrontés. Nous disons au monde que les parlementaires s’empressent pour promulguer une loi que beaucoup de gens ne comprennent pas. Ils n'ont pas abordé les dangers qui peuvent surgir (pour les homosexuels) par la suite”, a-t-elle souligné.

Les activistes craignent que la révision du projet de loi ne crée une tension entre les gays et le grand public, dans une coexistence déjà difficile. Les activistes qui se sont précédemment engagés dans des campagnes de défense des droits sont devenus clandestins, craignant pour leur vie, a déclaré Ssentongo.

“Lorsque nous sommes dans un groupe où nous commençons par parler de l'homosexualité, les gens commencent par chuchoter. Nous craignons que cela n’inspire d'autres et ne conduise à une vindicte populaire.

“Notre mouvement s’est rapidement développé en 2009, mais seules quelques personnes sont actives à présent. Ces derniers jours, beaucoup ont même complètement disparu de la circulation. Les choses sont pires aujourd'hui. Je ne peux même pas avoir une voiture car avec cela, je peux être facilement identifié”, a affirmé Ssentongo.

“Les questions de violations des droits de l'Homme ne devraient pas être laissées à l’Afrique seule. Nous appelons la communauté internationale à faire tout ce qui est en son pouvoir pour que le projet de loi soit annulé”, a-t-il dit.

Ces derniers mois, plusieurs pays européens, y compris le Royaume-Uni, la Norvège, le Danemark et l'Irlande, ont suspendu leur aide à l'Ouganda à cause d’une affaire de corruption impliquant le détournement de millions de dollars dans l’aide irlandaise.

L'Allemagne a également suspendu son aide budgétaire au pays, affirmant que sa décision est relative au projet de loi anti-homosexualité.