RD CONGO: «Les enfants risquent de mourir» au Nord-Kivu

BUKAVU, 24 nov (IPS) – «La situation est vraiment précaire. Il n'y a pas de médicaments, pas de nourriture. Les enfants risquent de mourir. Des gens passent la nuit dehors. Chacun à côté de ses bagages et il fait très froid», raconte Roger Manegabe, un père de famille qui a réussi à atteindre Bukavu en provenance du Nord-Kivu.

«Nous n’étudions pas, nous avons faim, il n'y a pas d'eau potable, pas d’électricité. J'ai 16 ans et depuis ma naissance jusqu'aujourd'hui, je ne vis que de la guerre. Que deviendrons-nous alors?», se plaint Fiston, fils de Manegabe.

Les humanitaires intervenant sur le terrain dans la crise de l’Est de la République démocratique du Congo (RDC) sont débordés suite à un mouvement massif des déplacés, fuyant de la nuit du dimanche 18 au lundi 19 novembre, les combats, notamment entre les Forces armées de la RDC (FARDC) et le M23, un mouvement de dissidents de l’armée régulière congolaise au Nord-Kivu, et entre milices elles-mêmes au Sud-Kivu.

Plus de trente mille déplacés originaires du secteur de Kanyaruchinya (Nord-Kivu), réfugiés depuis quelques jours au camp Mugunga, désirent retourner dans leurs villages d’origine. Ils l’ont fait savoir jeudi 22 novembre au chef du Haut commissariat pour les réfugiés (HCR) du Nord-Kivu, Lazard-Etienne Kouassi, qui était sur place à Mugunga.

Ces réfugiés ont demandé au HCR de mettre ses véhicules à la disposition des plus vulnérables, comme les enfants et les vieux, afin qu’ils atteignent rapidement leur milieu.

Kouassi a promis de répondre, dans la mesure du possible, à leur attente. Le camp Mugunga, fait-il savoir, accueille plus de quarante mille déplacés, dépourvus de ration alimentaire depuis leur arrivée, dimanche 18 novembre.

A Sake, 27 km au sud de Goma, les conditions de vie des déplacés surtout des enfants, sans assistance humanitaire, sont précaires. Certains de ces déplacés occupent des salles de classe ou des églises et d’autres passent la nuit à la belle étoile. Ils quémandent ou travaillent pour les habitants de Sake afin de survivre.

Depuis le début de l'année, les conflits dans les deux provinces du Kivu exacerbent une situation humanitaire déjà catastrophique et déracinent près de 650.000 personnes, a indiqué, à la mi-novembre, aux journalistes de Goma, Adrian Edwards, porte-parole du HCR.

Parmi ces personnes, on compte quelque 250.000 civils nouvellement déplacés au Nord-Kivu, et 339.000 autres au Sud-Kivu depuis le mois d'avril. Selon Edwards, durant cette période, plus de 40.000 personnes ont fui en Ouganda et 15.000 autres au Rwanda et depuis août dernier, le Burundi accueille chaque mois près de 1.000 nouveaux Congolais.

L’organisation Vision mondiale (World vision), estime le nombre d'enfants en danger à 200.000 dans la seule ville de Goma. Cette organisation reçoit des rapports de ses partenaires indiquant que des enfants ont été séparés de leurs parents dans la confusion et que les effets de cette situation sont dangereux.

Des enfants se font exploiter par certaines familles de Goma, explique à IPS, Junior Alimasi, chargé de coopération au parlement d’enfants du Nord-Kivu. «Ils vont travailler dans ces familles en échange de subsistance. Nous venons d’enregistrer ce mois de novembre des plaintes d’une vingtaine d’enfants abusés», raconte-t-il.

Le Père Piero Gavioli, directeur du centre Don Bosco qui accueille des enfants en situation difficile à Goma, déclare au téléphone à IPS: «Nous avons ouvert les portes à plusieurs milliers de réfugiés: le recensement en cours parle d’environ 2.500 ménages, avec en moyenne deux enfants par ménage, ce qui ferait 6.000 ou 7.000 réfugiés. La plupart des réfugiés sont des femmes et des enfants». Selon le rapport d’octobre dernier du Bureau de coordination des affaires humanitaire (OCHA/Sud-Kivu), «la création de camps improvisés propage le choléra, la rougeole… Les camps surpeuplés comptent de nombreux enfants non vaccinés exposés à de brutales épidémies et au recrutement dans les groupes armés». Maxime Nama, l’assistant à l’information à OCHA/Sud-Kivu, renchérit: «Ils sont embrigadés contre leur gré, utilisés comme porteurs ou même comme combattants, et dans le cas des filles, exploitées sexuellement. La violence et les combats leur font courir de grands risques d'être blessés ou tués».

Selon le rapport de OCHA, la province du Sud-Kivu «est également affectée par la dégradation de la situation sécuritaire qui menace des milliers de civils et [qui] a entraîné la suspension ou la réduction des interventions humanitaires dans la région».

A l’occasion d’une vidéoconférence Skype, le père Piero a déclaré qu'il faudrait accuser les pays occidentaux du délit de non assistance à des milliers de gens en danger. «Aujourd’hui», insiste-il, «je vous renouvelle l'accusation, même si elle tombe dans le vide», dit-il à IPS le 22 novembre.

La progression des combattants du M23, qui a conquis le mardi Goma, la grande ville de la province, puis le lendemain Sake, semblait marquer le pas vendredi autour de Sake.

Le M23, ce mouvement commencé le 23 mars 2012 avec une mutinerie d'officiers et de soldats de l'armée congolaise, a aujourd’hui de multiples revendications d’ordre politique et social et en matière des droits de l'Homme et de la gouvernance. Il réclame maintenant un dialogue direct avec le président Kabila comme préalable à tout retrait de Goma.