Q&R: L’implication des communautés locales, la clé de l’adaptation au changement climatique

LA HAVANE, 24 juil (IPS) – Pour préserver l'environnement et s'adapter aux changements climatiques, des alliances doivent être établies avec les communautés des populations locales en vue de les sensibiliser, plutôt que de leur imposer quoi que ce soit.

C'est la maxime défendue par ngel Quirs à Los Caimanes, une aire protégée économiquement et écologiquement importante pour Cuba et les Caraïbes. Quirs est biologiste marin et directeur du Parc national de Los Caimanes, à Cuba. “Nous soutenons les connaissances, les solutions durables et la préservation. Travailler avec les établissements humains qui entourent le parc est un aspect essentiel”, a déclaré Quirs à IPS, dans un entretien, décrivant sa stratégie de travail qui vise également l'adaptation à l'impact prévisible des changements climatiques sur la vie marine.

Q: Qu’est-ce que c’est que le Parc national de Los Caimanes, et où est-il situé? R: Il s'agit d'une zone marine, d’une superficie de près de 300 kilomètres carrés, dont seulement 0,04 pour cent est au-dessus du niveau de la mer. Elle est située dans le centre-nord de Cuba, et est parmi les eaux territoriales qui se trouvent plus au nord dans le pays.

Q: Quelle est son importance environnementale et économique pour le pays? R: Sa principale attraction, c’est la richesse de sa biodiversité, vue dans une variété d'aspects. L'écosystème de Los Caimanes est une frayère pour cinq espèces de vivaneaux (de la famille des Lutjanidae) et de quatre espèces de mérous (de la famille des Serranidae), un phénomène extraordinaire dans les îles des Caraïbes.

Q: Ce ne sont pas les seules espèces rencontrées dans le parc. Constituent-elles le principal centre d’attention des efforts de protection? R: Il existe plusieurs autres espèces, des centaines d'entre elles, mais celles-ci sont les plus connues parce qu’elles sont très prisées sur les marchés locaux et internationaux.

Ce sont des poissons de récif ayant une viande blanche maigre, qui sont privilégiés par rapport aux poissons gras. Par conséquent, nous avons concentré notre attention sur les mérous et les vivaneaux, parce qu'ils sont très appréciés et sont des espèces commerciales importantes.

En termes de protection, ils constituent ce qu'on appelle les “espèces faîtières”. En d'autres termes, lorsque ces espèces sont protégées, d'autres espèces dans le même habitat sont également protégées, comme si elles étaient sous l'égide des espèces protégées. C'est le jargon de la préservation.

Q: Quelle est l'importance du Parc national de Los Caimanes pour l'ensemble des Caraïbes? R: La protection de ces espèces est importante pour toute la côte nord de Cuba, parce qu'elles éparpillent leurs larves dans toute cette région, et même un peu au-delà. Il est possible que bon nombre de mérous et de vivaneaux dans les Bahamas et l'Etat américain de Floride aient été produits à Los Caimanes. Cela signifie que nous avons une portée internationale qui appelle à une plus grande responsabilité et un effort supplémentaire.

Lorsque les poissons forment des concentrations pour la reproduction, ce qu'ils font sur le même site et au même moment chaque année, ils constituent des proies vulnérables. La pêche dans ces zones est fréquente, mais c'est une pratique non viable. D'autres solutions doivent être recherchées.

Q: Quels sont les défis que les changements climatiques posent pour les stratégies de protection et de préservation de Los Caimanes? R: La montée du niveau de la mer est un énorme défi pour les nations insulaires. C'est le risque le plus fréquemment abordé. Mais l'augmentation des températures de l'océan est également préoccupante.

Toutes les espèces vivent dans une gamme de températures donnée. Il existe une température minimale et maximale qu'elles peuvent supporter.

Tout changement dans la gamme de températures signifie que la composition des espèces de l'écosystème change. Certaines espèces risquent de disparaître de leur habitat habituel, tandis que d'autres peuvent se développer en grands nombres, causant un dommage grave à la stabilité de la chaîne alimentaire. Les processus de reproduction sont également associés à des températures particulières.

Les températures de l'océan ont des effets indirects sur les animaux marins aussi, parce qu'elles affectent d'autres facteurs environnementaux, tels que la salinité ou la concentration des gaz dissous dans l'eau de mer.

Q: Il semblerait qu'il existe encore une certaine incertitude sur la façon dont les changements climatiques affecteront Los Caimanes.

R: Eh bien, nous devons savoir ce qui va arriver à la frayère de Los Caimanes. Conservera-t-elle toutes ses espèces actuelles? Est-ce que certaines ou toutes ses espèces disparaîtront? Seront-elles remplacées par d'autres? Quelle valeur commerciale les nouvelles espèces utilisant la frayère pourraient-elles avoir? Et combien sera-t-il perdu lorsque les espèces que nous avons maintenant disparaîtront? Aucune mesure ne peut être prise dans un écosystème, ou sur un phénomène comme la répartition des poissons, si on ne sait pas comment ceux-ci fonctionnent. Pour l'instant, nous visons plus de connaissances, de solutions durables et la préservation. Un aspect clé de cette stratégie, c’est la collaboration avec les communautés vivant autour du parc marin.

Q: Comment comptez-vous impliquer ces gens? R: Tous nos parcs nationaux ont des règlements très stricts sur les utilisations autorisées. Pratiquement rien n'est autorisé par la loi. Si les problèmes des communautés environnantes peuvent être résolus, il y aura moins de pression sociale et économique sur le parc.

Alors, à Los Caimanes, nous recherchons des solutions afin d'éviter le braconnage et la déprédation, de même qu’à promouvoir la préservation. Cette stratégie comprend également l'adaptation aux changements climatiques.

Q: Quelles sont les solutions qui sont en train d’être considérées? R: Nous estimons que plus de 50.000 personnes ont une influence sur Los Caimanes, directement ou indirectement. Nous avons commencé par des études sociologiques, environnementales et économiques de la région afin d’identifier les attentes de ces communautés côtières, et comment elles espèrent y répondre. Elles ont un sentiment élevé d'appartenir à la zone dans laquelle elles vivent.

En janvier 2013, nous lancerons un projet de culture d’éponges avec les pêcheurs et les travailleurs indépendants à Punta Alegre, une ville côtière de près de 7.000 habitants dans la province de Ciego de vila, à environ 420 kilomètres de La Havane. Nous commencerons avec quatre équipages de pêche de deux personnes.