ZIMBABWE: Un avenir sombre pour les vendeurs d’habits d’occasion

BULAWAYO, 10 août (IPS) – Il devient de plus en plus difficile pour les vendeuses de vêtements d’occasion au Zimbabwe, comme Susanne Jabavu, de faire des affaires à cause de l’augmentation des frais d’importation des balles d’habits des pays voisins.

Pendant que le gouvernement tente de relancer l’industrie textile défaillante du pays au milieu d’une pression des syndicats des vendeurs de vêtements de réduire l’importation des habits d’occasion bon marché, les nombreuses femmes qui gagnent leur vie grâce à ce commerce connaissent des difficultés dans leurs affaires. Un an après l’introduction des droits de douane prohibitifs, Jabavu a de la peine à réaliser un bénéfice à partir de son commerce après avoir payé les taxes. Les droits d’importation et de douane sont devenus une énorme pierre d’achoppement pour Jabavu, dont le revenu provient uniquement de la vente de vêtements d’occasion et d’autres marchandises qu’elle achète dans des pays voisins.

Elle paie environ 20 dollars par kilogramme pour importer des habits d’occasion, et une balle peut peser jusqu’à 60 kg. Jabavu déclare qu’elle payait, avant, environ le quart de ce qu’elle est obligée de payer désormais et qu’à tout moment, elle importe jusqu’à cinq balles pour un coût estimé entre 1.000 et 1.500 dollars.

Jabavu est l’une des nombreuses femmes zimbabwéennes qui ont installé des étals dans des marchés aux puces à travers la ville, où elles vendent des habits d’occasion bon marché et des produits chinois préférés par les personnes à faible revenu du pays. Mais ce secteur est confronté à un avenir incertain puisque les efforts pour une relance économique du Zimbabwe se poursuivent à la vitesse de l’escargot. “L’argent qu’on nous demande à la frontière avant d’amener les balles (d’habits) est trop élevé et il ne sert à rien de faire ces longs voyages en Zambie et au Mozambique si vous ne pouvez pas payer ce droit”, indique Jabavu. Jabavu préfère voyager très moins cher par le train, mais elle affirme que cela revient à passer de longs moments à faire le voyage, ce qui est mauvais pour les affaires; alors elle choisit d’aller par la route.

“Si j’ai de la chance, je peux me faire prendre par ces camionneurs qui demandent 100 dollars quand je viens du Mozambique. Mais d’autres transporteurs privés exigent plus”, observe Jabavu. “Nous avons essayé (parmi les commerçants) de mettre en commun (nos) ressources afin de nous aider à payer (les frais d’importation et de douane), mais cela s’est avéré difficile parce que ce n’est pas nous tous qui avons toujours d’argent”, déclare-t-elle.

Les droits de douane prohibitifs introduits en 2010 sont perçus par beaucoup de personnes au Zimbabwe comme faisant partie de l’effort du gouvernement de promouvoir la transformation locale puisque l’attention du pays sur la relance économique est de plus en plus tournée vers l’industrie textile locale, un ancien gros employeur. Le ministre des Finances, Tendai Biti, a fait de la relance de l’industrie textile du pays l’une de ses premières priorités.

Les cadres du gouvernement et de l’industrie textile disent que le secteur connaît un effondrement total puisque de grandes entreprises à Bulawayo ont fermé. La concurrence “insupportable et déloyale”, occasionnée par les habits d’occasion et les produits chinois, figure parmi les principales causes de cette situation. Selon le ministère de l’Industrie et du Commerce, plus de 100 sociétés ont fermé à Bulawayo en 2011 puisque l’économie zimbabwéenne continue de s’effondrer. Cela comprend plusieurs industries textiles et d’anciens gros employeurs, comme 'Printers' et 'Security Mills'. “Des commerçants que je connais ont décidé de faire entrer clandestinement des balles de vêtements parce qu’ils ne peuvent pas payer la taxe”, confie Janet Sibamba, une autre vendeuse de vêtements d’occasion.

“Mais bon nombre de ces balles ont été saisies par les douaniers, alors cela rend nos efforts pour travailler très difficiles”, dit-elle, ajoutant qu’elle est toujours obligée de se contenter des coûts de transport élevés atteignant 200 dollars pour amener ses balles des pays voisins au Zimbabwe. Des commerçants comme Sibamba achètent des habits d’occasion et des produits chinois bon marché en Zambie, au Mozambique et en République démocratique du Congo. Cependant, c’est devenu fréquent pour le 'Zimbabwe Revenue Authority' (Trésor public du Zimbabwe – ZIMRA) de vendre aux enchères dans les villes frontalières des balles de vêtements d’occasion saisies. Le ZIMRA fait des descentes dans les marchés aux puces, exigeant la preuve que les habits d’occasion et d’autres produits en vente ont été légalement introduits dans le pays. Les douaniers qui ont parlé à IPS ont dit que leurs entrepôts sont remplis d’habits d’occasion parce que les importateurs n’ont pas pu payer le droit imposé sur les produits. “Nous savons que pour beaucoup de femmes, c’est l’un des moyens de gagner leur vie, mais parce que ces produits sont à revendre dans le pays, elles doivent payer les impôts exigés”, a déclaré un douanier. Pendant que le ministère des Affaires féminines et de l’Egalité de genre ainsi que le ministère des Petites et Moyennes Entreprises font pression pour l’autonomisation économique des femmes, les taxes d’importation élevées rendent cela difficile. “Il y a manifestement de graves implications pour les femmes qui ne peuvent pas continuer de gagner une vie décente à cause de ces impôts. Et pour nous, en tant que pays, qui avons déjà un taux d’emploi très faible, il est difficile d’imaginer comment les femmes vont (être) intégrées dans cette économie dominante”, souligne Johnson Samuriwo, un économiste.