RWANDA: Femmes députées nombreuses, mais une budgétisation sensible au genre est nécessaire

KIGALI, 9 août (IPS) – Le Rwanda est le premier pays au monde où les femmes sont majoritaires au parlement, occupant 45 des 80 sièges. Mais malgré cela, des experts disent que le pays a encore besoin d'une perspective d'égalité de genre sur la façon dont les ressources et programmes nationaux sont mis en œuvre.

“Cette mesure permettra d'assurer que les dépenses publiques répondent équitablement aux besoins des femmes et des hommes”, a déclaré Susan Mutoni, se référant à la situation au Rwanda. Mutoni est la coordinatrice du projet d’une budgétisation sensible au genre au ministère des Finances et de la Planification économique du Rwanda.

Depuis 2009, le pays fait partie d'un programme pilote de trois ans, le 'Gender Equitable Local Development' (Développement local équitable entre les sexes – GELD), qui est organisé par l'Entité des Nations Unies pour l'égalité de genre et l'autonomisation des femmes (ONU-Femmes) et le Fonds d’équipement des Nations Unies.

Ce programme est destiné à améliorer l'accès des femmes aux ressources et services au niveau local grâce à une planification et une budgétisation sensibles au genre. Le GELD est en cours dans quatre autres pays africains, notamment le Mozambique, le Sénégal, la Sierra Leone et la Tanzanie.

Mais deux ans plus tard, malgré les efforts du Rwanda pour rendre le budget sensible au genre, les militants de la société civile disent que les normes sociales affectent toujours l'égalité des sexes, notamment dans les zones rurales.

Cela comprend la capacité des femmes rurales à trouver un emploi. Dans plusieurs régions, les communautés croient que la femme doit seulement jouer un rôle conjugal et “rendre service” à son mari, et ne devrait pas être employée.

“Des cas liés (aux) normes culturelles dans des zones rurales où les jeunes filles sont parfois exclues de l'héritage sont toujours rapportés”, a indiqué Zaina Nyiramatama, la secrétaire exécutive de 'Haguruka', une organisation non gouvernementale (ONG) locale défendant les droits des femmes et des enfants.

Alors que priver une femme ou une fille du droit d'hériter est illégal – passible d’une amende ou d’une peine d’emprisonnement – des femmes et des filles sont toujours privées de ce droit à cause de leur sexe.

Toutefois, le gouvernement et la société civile œuvrent pour sensibiliser les communautés locales sur l'importance de cette situation.

La question d'amener une perspective de genre vers la façon dont les ressources et programmes gouvernementaux sont mis en œuvre était le point central d'une réunion internationale de haut niveau tenue à Kigali du 26 au 28 juillet. Cette réunion a été organisée conjointement avec l'ONU-Femmes et l'Union européenne.

De hauts cadres d'un certain nombre de pays en développement dans le monde et des experts de l'ONU ont discuté des subtilités de leurs stratégies nationales pour s'assurer que le développement local est plus équitable entre les sexes et appuie les groupes socio-économiques les plus marginalisés.

Nyiramatama a indiqué que bien que la participation politique des femmes et le leadership féminin soient visibles au Rwanda, il y a aussi un besoin de chercher à promouvoir l'autonomisation économique des femmes en accordant aux femmes rurales l'accès aux services de la microfinance.

Bien que la politique nationale du Rwanda indique que les programmes de microfinance pour les femmes devraient être décentralisés vers les zones locales, les détails sur leur gestion quotidienne sont toujours restés sombres.

En juillet 2009, le gouvernement a créé le Fonds des femmes, un projet de crédit pour les femmes au Rwanda. Depuis ce temps, au moins 7.000 femmes ont bénéficié de la part du gouvernement, des donateurs internationaux et des ONG, d’une aide d'environ 900.000 dollars pour la création de micro et petites entreprises, selon la Banque centrale.

Toutefois, la directrice régionale de l'ONU-Femmes au Rwanda, Diana Ofwona, estime que l'affectation des fonds devrait être faite avec la dotation des dirigeants administratifs locaux de compétences sur la budgétisation sensible au genre. Cela, parce que la budgétisation sensible au genre ne concerne pas que l'accès aux services financiers, elle prote également sur le rôle capital que les femmes devraient jouer dans la gestion et l'allocation de ces ressources.

Ofwona et Nyiramatama conviennent que la budgétisation sensible au genre est un paradigme sur la façon dont les femmes peuvent jouer un rôle important dans la transformation sociale et économique dans un pays comme le Rwanda, où 57 pour cent de la population vit en dessous du seuil de pauvreté.

Selon des statistiques gouvernementales, 52 pour cent de la population rwandaise est constitué de femmes, et la plupart d'entre elles sont des veuves et/ou célibataires, principalement engagées dans des activités génératrices de revenus à plein temps.

“L’appropriation des coopératives de microfinance (par des communautés locales) est encore un défi majeur pour renforcer le leadership des femmes rurales dans l'agriculture et d'autres projets générateurs de revenus”, a expliqué Ofwona.

Les habitants de Bishenyi, un village situé à 25 kilomètres au sud de Kigali, la capitale rwandaise, affirment qu'il y a deux ans, un programme de microfinance a été créé pour offrir des prêts à l’ensemble de la population, mais en ciblant essentiellement les femmes agricultrices du milieu rural. Toutefois, il a échoué au bout de six mois à cause de la mauvaise gestion.