NIGERIA: La pénurie de pétrole raffiné continue

LAGOS, 9 août (IPS) – “Nous souffrons au milieu de l'abondance”. C'était ainsi que Nelson Ilemchi avait résumé sa situation puisqu’il a passé une journée entière à faire la queue pour acheter du pétrole à Lagos, la capitale économique du Nigeria.

Depuis janvier, le premier producteur de pétrole brut en Afrique est confronté à une pénurie prolongée, à l'échelle nationale, de ce produit raffiné.

“Nous produisons cette chose, mais nous souffrons pour l'obtenir”, a-t-il déclaré pendant qu'il était debout dans une longue queue à l'une des rares stations-service de Lagos, qui avaient vraiment de stock de pétrole.

Beaucoup de personnes dans la queue sont arrivées à la station-service dès quatre heures du matin et à la tombée de la nuit, elles étaient encore loin de la pompe de distribution de pétrole. Cela a tant duré parce qu'il n'y avait qu'une seule pompe de distribution desservant environ 500 personnes qui avaient chacune plusieurs bidons à remplir.

Et il n'y a aucun signe que cette pénurie prenne fin de sitôt avec le gouvernement et les vendeurs de pétrole, ou promoteurs comme on les appelle ici, s’accusant pour cette rupture prolongée. Le gouvernement importe du pétrole, tandis que les entreprises privées de commercialisation du produit le vendent au public.

Le Nigeria est le sixième plus grand exportateur de pétrole brut au monde. Selon le Bulletin annuel 2010-2011 des statistiques de l'Organisation des pays exportateurs de pétrole, publié en juillet, le Nigeria exportait 2,464 millions de barils par jour en 2010.

Mais en dépit de ses immenses ressources pétrolières, il importe des produits pétroliers raffinés comme le pétrole, l'essence et le diesel parce que les raffineries du pays ne sont capables de fonctionner qu’à une capacité très faible. C'est parce que des décennies de corruption ont laissé la plupart des services publics dans un état de délabrement.

Les derniers chiffres publiés par la 'Central Bank Monetary Policy Committee' (Commission de la politique monétaire de la Banque centrale) du pays indiquent que le Nigeria a dépensé 1,34 milliard de dollars pour importer de pétrole entre janvier et mars 2011.

La ministre nigériane du Pétrole, Diezani Allison-Madueke, a déclaré au parlement le 7 juillet que bien que le Nigeria ait besoin de huit millions de litres de pétrole par jour, son ministère fournit quotidiennement 11 millions de litres dans un effort pour remédier à la pénurie du produit.

Allison-Madueke, qui n'a pas dit quand le ministère a augmenté la production, a indiqué que la pénurie persiste parce que le produit est vendu à des prix élevés ailleurs.

“Le pétrole est en train d’être stocké et envoyé illégalement dans d'autres pays”, a-t-elle dit, ajoutant qu’une partie du produit est également vendue aux compagnies aériennes à des prix plus élevés.

Mais le président de la 'Independent Petroleum Marketers Association of Nigeria' (Association des promoteurs indépendants de pétrole), Abdulkadir Aminu, a déclaré que la demande nationale quotidienne pour le pétrole a dépassé les huit millions de litres par jour que la ministre a indiqué.

“Ce que nous vivons aujourd'hui, c’est que l'offre ne répond pas à la demande”, a-t-il affirmé.

Normalement, il devrait exister du pétrole dans toutes les stations d'essence, mais Aminu affirme que cela n'est pas le cas parce que les promoteurs de pétrole n'ont pas un approvisionnement suffisant.

Cette pénurie a entraîné un marché noir florissant où le produit se vend à trois fois le prix officiel.

Le prix du pétrole fixe est de 50 nairas (33 cents) le litre. Mais sur le marché noir, il se vend à 300 nairas (environ 1,98 dollar) le litre.

Les Nigérians croient que le pétrole est vendu plus sur le marché noir que sur le marché officiel.

C’est ironique que le premier producteur de pétrole en Afrique connaisse une pénurie du produit. Mais, en fait, cette rupture de pétrole est assez fréquente au Nigeria.

La population vit une situation insupportable pendant que la pénurie de tous les produits pétroliers persiste. Des automobilistes passent la nuit dans des stations-service puisqu’ils font la queue pour le carburant.

“Dans un pays riche en pétrole, les Nigérians ne devraient pas souffrir pour obtenir les produits pétroliers”, a confié à IPS, Adetokunbo Mumuni du 'Socio-Economic Rights and Accountability Project' (Projet pour les droits socio-économiques et la reddition des comptes).

“Dans des circonstances normales, l'argent utilisé pour importer des produits pétroliers pourrait être déployé pour gérer les trois raffineries du Nigeria et même en construire de nouvelles”, a-t-il souligné.

Mumuni, dont l'organisation cherche à promouvoir la transparence et la reddition des comptes dans les secteurs public et privé, a déclaré que les raffineries ne sont pas pleinement opérationnelles à cause de la corruption systémique qui a vu la plupart des infrastructures du pays se délabrer.

“C'est pourquoi un pays producteur de pétrole a été réduit en un importateur du même produit qu'il possède en abondance”, a-t-il indiqué.