SWAZILAND: Les soins contre la tuberculose passent à la communauté

HOSEYA, Swaziland, 17 déc (IPS) – Ntombikayise Mabelesa est une patiente convalescente de la tuberculose multirésistante (MR), originaire de Hoseya au sud du Swaziland.

Chaque jour, elle devait faire un voyage de plus de 30 kilomètres pour aller à la clinique de Mhlosheni afin de recevoir une injection. Le voyage aller-retour lui coûtait un équivalent de trois dollars, et l’arrêt du bus lui laissait cinq kilomètres à parcourir à pied pour aller à la clinique.

“Ça été difficile pour moi de voyager vers le centre chaque jour parce que j’étais au chômage”, a déclaré Mabelesa. Elle recevait également sa livraison mensuelle de médicaments contre la tuberculose de la même formation sanitaire.

“Parfois, j’étais trop faible pour marcher et je demandais à dormir dans les fermes proches de la formation sanitaire mais les gens n’étaient pas toujours accueillants parce qu’ils avaient peur que je leur transmette la tuberculose”, a déclaré Mabelesa.

En conséquence, elle a commencé à rater son traitement. Elle est devenue plus malade et elle a compliqué une maladie qui était déjà difficile à traiter.

“A un moment, j’ai perdu l’espoir parce que c’était difficile pour moi d’accéder au traitement étant donné mon chômage et le fait que je n’avais personne à qui m’adresser”, a-t-elle déclaré.

A la fin de l’année dernière, selon le rapport 2010 du programme national pour l’éradication de la tuberculose, il y avait plus de 11.000 cas de tuberculose dans le pays, dont plus de 300 sont des malades de tuberculose multirésistante. Cinq cas de tuberculose extrêmement résistants au médicament ont été confirmés à la fin de 2009.

Jusqu’en 2007, au moment où l’ONG (organisation non gouvernementale) internationale médicale Médecins sans frontières (MSF) est venue au Swaziland pour aider le ministère de la Santé dans sa réponse au VIH/SIDA et à la tuberculose dans la région de Shiselweni, le traitement du VIH/SIDA et celui de la tuberculose n’étaient disponibles dans aucune des 21 cliniques de la région.

Les patients devaient voyager soit vers l’hôpital public de Hlathikhulu soit vers les centres de santé de Matsanjeni et de Nhlangano. Ces centres étaient situés dans chacune des villes des différentes régions du pays. Un centre de santé est un établissement qui est plus petit qu’un hôpital avec quelques lits et qui n’a pas de bloc opératoire pour la réalisation des opérations.

MSF a travaillé avec le gouvernement pour apporter des services aux cliniques, mais ceci n’était pas suffisant parce que certains malades étaient soit trop faibles soit trop pauvres même pour atteindre les cliniques.

MSF a formé 80 membres du personnel soignant communautaire qui restent très proches des patients concernant la façon d’administrer l’injection contre la tuberculose MR. Mabelesa fait partie des quelque 25 patients injectés à la maison. Les experts de MSF visitaient de temps en temps les patients et leur personnel soignant contrôlait si le médicament est bien administré.

“Je n’ai connu aucune complication au moment où j’étais injectée à la maison jusqu’à la fin de mon traitement contre la tuberculose en juillet”, a déclaré Mabelesa. “J’ai juste subi les effets secondaires habituels tels que l’instabilité mentale”. Mabelesa est aussi infectée par le VIH et elle est sous traitement anti-rétroviral.

Il s’agit d’un cas où MSF est en train de promouvoir le transfert des tâches du personnel médical qualifié aux laïcs formés dans les communautés pour aider à administrer le traitement.

Depuis son avènement dans le pays il y a trois ans, le transfert de tâches a aidé à la décentralisation des services du VIH/tuberculose dans la région, là où des laïcs formés assistent avec des responsabilités de base telles que la collecte des crachats, les conseils et l’éducation.

Mais la disponibilité des services dans les cliniques n’est pas suffisante, a déclaré Aymeric Péguillan, le chef de mission de MSF au Swaziland, parce que certains patients sont encore très loin des formations sanitaires et qu’ils doivent être traités à leurs domiciles.

“Les patients peuvent maintenant recevoir leur traitement au sein de leurs communautés à travers le transfert de tâches des praticiens médicaux qualifiés aux laïcs”, a déclaré Péguillan.

Bien que cette initiative ait rapproché les services des communautés dans la région, le directeur du programme contre la tuberculose, Themba Dlamini, a déclaré qu’il n’est pas sûr que l’administration des injections par les laïcs, au lieu des infirmiers, soit une voie à suivre.

Dlamini a soutenu que l’injection contre la tuberculose MR est difficile à administrer parce qu’elle est injectée sur les fesses, là où il y a des nerfs très sensibles qui, si on s’y prend mal, pourraient conduire à une invalidité permanente.

“Une personne peut réagir à l’injection et le médicament de contre-réaction est seulement disponible au centre de santé”, a déclaré Dlamini.

Sibusiso Lushaba, le Secrétaire général de l’Association des infirmières et infirmiers du Swaziland (SNA) en a convenu, ajoutant que le personnel laïc ne peut pas tenir devant un tribunal pour expliquer ce qui est arrivé à un patient lorsque des complications se développent.

“Nous avons besoin d’une politique de transfert de tâches dans le pays afin que les ONG travaillent conformément dans ce cadre”, a déclaré Lushaba. “Le gouvernement a demandé à MSF d’aider le pays à mettre en œuvre le transfert de tâches mais il n’y a pas de directives devant être suivies par l’organisation”.

Mais Péguillan a déclaré que MSF est en train de suivre les directives nationales contre la tuberculose résistante au médicament et sur l’appui au traitement communautaire. Il a déclaré que ces directives permettent au personnel soignant communautaire de porter assistance dans l’administration du traitement dans le pays.

“L’injection des patients au niveau communautaire n’est pas considérée comme la première option”, a déclaré Péguillan. “Mais lorsque vous êtes confronté à une patiente comme celle-ci [Mabelesa], vous devez prendre une décision entre participer à la non observation du traitement par le patient et rechercher une solution pratique”.

Etant donné le grand nombre de personnes ayant la tuberculose résistante au médicament dans le pays, qui ont besoin d’être hospitalisées, l’hôpital de traitement de la tuberculose MR de Manzini ne peut pas faire face à la charge parce qu’il a la capacité de 50 personnes seulement, a-t-il déclaré. Par conséquent, a-t-il ajouté, certains patients n’ont aucun autre choix que de recevoir le traitement à domicile.

Il a déclaré que les partisans du traitement communautaire ne travaillent pas seuls mais qu’ils sont étroitement supervisés chaque jour par des infirmiers de proximité de MSF. “Les complications ne sont pas spécifiques à ceux qui reçoivent le traitement à domicile”, a déclaré Péguillan. “Tous les patients ne subissent pas les effets secondaires. Je dois aussi mentionner que nous avons obtenu 100 pour cent d’adhésion au traitement”.

Mabelesa en témoigne.