MALAWI: L’initiative de la ceinture verte prend forme

BLANTYRE, 14 jan (IPS) – Que les pluies ne tombent pas, même pendant plusieurs saisons successives, et le Malawi devrait toujours être en mesure de produire suffisamment pour se nourrir.

C'est la motivation pour le concept de la ceinture verte du pays. Il est renforcé par des souvenirs douloureux de la grave sécheresse commençant au début de 2002 qui a déclenché trois années de famine. En 2005, cinq millions de personnes ont été touchées par la famine, tout cela pendant que de grandes quantités d'eau sortaient du pays pour les océans du monde.

Des experts locaux de l’agriculture expliquent que deux districts dans la partie méridionale du pays pourraient nourrir tout le pays toute une année si le fleuve Shire, qui traverse la longueur de cette plaine du sud, était utilisé pour une agriculture intensive par irrigation.

Pourtant, les deux districts, souvent troublés par des inondations, sont parmi les plus désespérément pauvres au Malawi, et leurs habitants survivent des distributions de vivres du gouvernement et des donateurs.

'Nous avons commencé' Le programme vise à rendre le Malawi indépendant de l'agriculture pluviale. Pour tous les succès de subventions tant médiatisés pour les petits fermiers au cours des quatre dernières années, le Malawi doit également remercier les bonnes pluies pour l’augmentation de la production.

Ce projet consiste à protéger les acquis en matière de sécurité alimentaire, réduire la vulnérabilité à la sécheresse et accroître davantage la production en irrigant un million d'hectares de terres dans un périmètre s’étendant sur 20 kilomètres entre les trois lacs du pays et 13 fleuves intarissables.

La saison dernière, le Malawi a produit 3,5 millions de tonnes de maïs, l’aliment de base du pays. Ceci fait 1,1 million de tonnes plus que la consommation annuelle totale du pays. Sur la récolte totale, seulement 300.000 tonnes provenaient de l'agriculture irriguée.

L'agriculture irriguée est pratiquée actuellement sur seulement un tiers du million d'hectares de terres réservées pour le programme de la ceinture verte.

Ce projet tentera également de diversifier les cultures, ciblant la production accrue de blé, de riz, de mil, de coton, des lentilles et des haricots pour l'exportation.

L’étendue entre le lac Malawi et le fleuve Shire est la plus importante dans le projet. Une section de la vallée du Rift en Afrique de l’est, le cours d'eau s'étend sur un millier de kilomètres du sommet au pied du Malawi – du point le plus septentrional à celui le plus méridional.

Outre l'identification de nouveaux sites pour l'irrigation, le développement de la ceinture comprendra également la restauration de l’infrastructure qui est devenue désuète. En février 2009, dans le cadre du programme, le gouvernement a lancé des appels d’offres auprès des entreprises de construction pour créer, réhabiliter et gérer 12 projets d'irrigation.

Des questions foncières Mais qu'en est-il des questions foncières, probablement l'un des facteurs les plus délicats dans la mise en œuvre du programme? La plupart des terres dans la région désignée pour la ceinture sont coutumières. La vice-ministre de l'Agriculture et de la Sécurité alimentaire, Margaret Mauwa, affirme que le gouvernement n’expropriera pas les terres.

“Notre intérêt porte particulièrement sur les petits fermiers. Nous les regrouperons et nous pensons que cela aidera à faire face au problème de possession des terres à travers la création de la propriété des projets d’irrigation”, déclare Mauwa.

La politique nationale d'irrigation indique que la gestion des projets sera de l'entière responsabilité des bénéficiaires à travers leurs organisations locales d’agriculteurs légalement constituées.

A travers leurs organisations, les fermiers seront encouragés à présenter une demande de bail des terres coutumières. Alternativement, les agriculteurs peuvent faire une demande d’inscription de terres comme étant des terres privées possédées par un groupe d'agriculteurs, indique le projet de loi sur l'irrigation.

Au cours de ses visites au Brésil et aux Etats-Unis, en septembre 2009, le président Bingu wa Mutharika a invité les investisseurs étrangers à venir au Malawi pour participer à la mise en œuvre du projet.

L’invitation des étrangers dans le programme a souvent suscité des critiques de la part des organisations, telles que le Réseau agricole de la société civile (CISANET), qui estiment que le gouvernement est en train d’alimenter la saisie des terres par les étrangers au détriment du bien-être des populations locales.

“Nous devons être prudents sur cette question. Cela n'apporte rien de mal à avoir des étrangers dans le programme tant qu'ils ne viennent pas saisir des terres et déplacer les populations locales”, souligne Victor Mhoni, coordinateur national du CISANET.

Mhoni affirme que les promesses de création d'emplois et les gains de devises étrangères pour le Malawi grâce aux investissements étrangers ne devraient pas se substituer au besoin pour des politiques qui augmenteraient l'investissement national.

“Si nous permettons aux étrangers de saisir des terres dans la région, nous allons perdre sur le marché parce qu'ils produiront ce dont ils ont besoin pour leurs pays au lieu que nous produisions et leur vendions ce dont ils auraient besoin”, dit-il.

Mais Mauwa calme les craintes des saisies des terres par les étrangers dans le programme.

“Ces terres sont pour les Malawiens. Ces personnes qui sont là sont celles qui doivent être en train de travailler sur les projets. Mais, nous avons besoin des autres pour nous aider en termes financiers, matériels et techniques”, a-t-elle déclaré.

L’appui au fermier Le gouvernement supportera le coût de la création ou de la réhabilitation des projets avant le chiffre d'affaires. Par la suite, toutes les opérations, les coûts de l'entretien et de remplacement dans les projets doivent être gérés par les agriculteurs eux-mêmes.

“La politique générale pour le financement du développement de l'irrigation est qu'elle se produise avec une subvention minimum de l'Etat”, indique le document national sur l'irrigation.

Les projets seront situés sur des terres publiques et le gouvernement les transmettra ensuite aux groupements légalement reconnus de petits fermiers pour irrigation, de préférence les coopératives ou associations.

Mais, le gouvernement ne se séparera pas totalement des activités dans les projets. En plus de fournir des conseillers agricoles, le gouvernement étudiera également les moyens d'assurer des crédits aux agriculteurs grâce à la création et la croissance des coopératives d'épargne et de crédit ainsi que des banques villageoises.

Les marchés Le CISANET estime que le projet de ceinture verte pourrait être un appui durable pour l’économie fragile du Malawi.

Toutefois, le CISANET s'inquiète de la commercialisation. Le boom agricole des quatre dernières années a soulevé des problèmes pour les agriculteurs cherchant des marchés pour leurs produits. Bien que le gouvernement ait fixé les prix auxquels les commerçants devraient acheter les produits agricoles, les cultures telles que le tabac, le maïs et le coton ont échoué sur le marché, amenant certains fermiers à décider de ne pas produire ces cultures cette saison.

S’exprimant au cours d’un entretien accordé à IPS, après que Mutharika a reçu le prix 2009 'Driver Change Award', le professeur Richard Mkandawire, directeur de l'agriculture au Nouveau partenariat pour le développement de l'Afrique, a dit que là où des demandes de subvention ont été faites pour les petits fermiers, ces agriculteurs n'ont pas eu un accès adéquat aux marchés.

Les récoltes exceptionnelles n'ont pas conduit en ligne droite vers la réduction de la pauvreté.

Mkandawire a mis en garde les gouvernements africains contre “les dangers de glorifier le rôle des petits agriculteurs dans leur quête pour mettre fin à la pauvreté et pour la réduction de la faim”.

“Les subventions des engrais et des semences, qui ont été au fil des années élargies aux petits agriculteurs, n'ont pas réussi à les mettre dans une économie de marché. Ces subventions ont plutôt simplement atténué leur pauvreté. Il y a un danger évident de traiter simplement la pauvreté avec condescendance au lieu de la réduire”, a-t-il déclaré.

Mauwa reconnaît que le Malawi lutte avec les marchés, mais elle estime que le programme de construction de la ceinture verte a impliqué des experts économiques du secteur privé et des ministères du Transport et du Commerce pour élaborer un plan pertinent.

Elle affirme que le gouvernement est en train d'évaluer la mise en place des commissions de commercialisation et de transformation. Ces commissions pourraient être mises en place au début par le gouvernement et privatisées plus tard.

D’autre part, le service de l'irrigation fournira aux agriculteurs une formation sur la façon de négocier efficacement de meilleurs prix pour les produits agricoles.

Le ministère encouragera également les fermes des propriétés plus grandes à assumer un rôle de coordination dans l'entreposage, la transformation et la commercialisation des produits agricoles.