ZIMBABWE: La réforme constitutionnelle reprend

HARARE, 13 jan (IPS) – Des mois de retard peuvent se révéler avoir renforcé le processus de production d'une nouvelle constitution pour le Zimbabwe. Lorsqu’une consultation publique de 65 jours débutera finalement, les citoyens seront mis au fait et prêts.

“Nous ne ferons pas l'erreur que nous avons faite en 2000, qu’on nous dise de voter simplement oui ou non sans des détails sur ce que cela impliquait”, déclare Jacqueline Manyonga, qui vend des sacs en plastique au marché de légumes de Mbare Musika à Harare, la capitale du Zimbabwe.

“Cette fois, je veux participer à ces réunions et partager mes idées sur ce qui doit être fait. J’ai déjà proposé mes propres idées en ce qui concerne la durée du mandat pour le président, et la reconnaissance de la contribution (du secteur informel) à la croissance économique”.

Ailleurs dans le marché de Mbare à Harare, Shadrack Dube a également un point de vue sur l’élaboration et l’amendement de la constitution.

“Si vous regardez la constitution actuelle et les autres projets qui ont été proposés, ils sont tournés plus vers les politiciens que vers nous, les citoyens ordinaires”, souligne Dube.

“Si vous regardez toutes les choses qui se disent sur le projet de Kariba par exemple, tout porte sur la durée du mandat pour les politiciens, et rien pour la personne ordinaire. Nous avons également besoin de notre espace dans la gestion des affaires dans ce pays”.

Définir le débat La redistribution des terres, les limites des pouvoirs exécutifs, la délégation de pouvoir aux régions; le projet de Kariba, le projet de l’Assemblée nationale constitutionnelle (NCA), le projet de la Commission constitutionnelle: les organisations de la société civile mènent des campagnes de sensibilisation à travers le pays depuis des mois, aidant les Zimbabwéens de tous les horizons à gagner une compréhension des termes du débat.

“Les populations attendent avec impatience les équipes de sensibilisation”, a déclaré Okay Machisa, directeur de l’Association des droits de l’Homme au Zimbabwe.

“Au cours des réunions que nous avons tenues, les gens ont exprimé des points de vue différents sur ce qu'ils aimeraient voir dans la nouvelle constitution et nous lancerons bientôt un rapport sur ces opinions. La plupart des gens ont suggéré qu’un individu devrait avoir deux mandats présidentiels de cinq ans chacun”.

Le président du Programme de la réforme constitutionnelle du Matabeleland, Effie Ncube, a dit que son organisation avait tenu des centaines de réunions dans le Matabeleland Nord et Sud, à Bulawayo et dans les provinces de Midlands.

“Dans les endroits que nous avons visités, les populations veulent que la constitution soit claire sur des questions telles que la délégation de pouvoir, comme c'est le cas dans certains pays africains et européens”, a indiqué Ncube. Un instrument pour les citoyens C'était la société civile qui a établi la NCA en 1997, au cours des protestations et des grèves croissantes contre le parti au pouvoir, l’Union nationale africaine du Zimbabwe-Front patriotique (ZANU-PF), dirigé par Robert Mugabe. Son but était d'accroître la sensibilisation et la participation populaires à l'élaboration de la constitution.

En deux ans, le gouvernement de Mugabe avait commencé un exercice de réforme constitutionnelle en réponse à cette pression. Une commission constitutionnelle – qui a produit un projet qui a été mis au vote dans un référendum en février 2000 – a été créée.

Entre autres choses, ce projet proposait l'acquisition des terres des fermiers commerciaux blancs, avec le gouvernement britannique dédommageant les fermiers. Si le gouvernement britannique a refusé de payer pour acheter des terres à redistribuer, il y avait une disposition pour le gouvernement de procéder à l’expropriation des terres sans dédommagement.

La campagne de la NCA pour le rejet du projet de la Commission constitutionnelle, suggérant une constitution alternative qui, entre autres, proposait des limites aux pouvoirs exécutifs.

“J'avais voté non, simplement parce que j'étais convaincu que c’était une meilleure option que de voter oui, qui était financé par le gouvernement de la ZANU-PF. Et on nous avait dit que le oui signifiait simplement que le gouvernement devrait aller de l'avant et reprendre possession de toutes les fermes commerciales et nous renvoyer dans nos maisons”, explique Dube, un ancien ouvrier agricole de ferme commerciale.

Mais est-ce seulement du papier? Le projet du gouvernement a été dûment rejeté, mais les vétérans de la guerre de libération du Zimbabwe, étroitement alignés sur la ZANU-PF, ont poursuivi et ont violemment saisi beaucoup de fermes des agriculteurs commerciaux blancs. La ferme où travaillait Dube a été saisie en 2002, et il dit qu'il n'avait pas d'autre option que de se diriger vers Harare, où il a commencé une nouvelle vie en tant que vendeur.

“Je n'ai pas compris lorsque les gens ont commencé à affirmer que personne n’a voté pour les problèmes constitutionnels que nous avons rencontrés plus tard dans le pays. Ils ont dit que les choses auraient été meilleures si les populations avaient voté pour le projet parrainé par le gouvernement. Cette fois, je soutiendrai seulement une constitution que je sais contiendra et respectera également mes propres points de vue”.

Les projets en circulation en 2000 ont été tous écrits par quelques individus, et les membres du public n'ont été impliqués que lorsqu’on leur a demandé de voter pour ou contre la version du gouvernement.

Essayer encore Cette année, les choses sont censées être différentes. La Commission parlementaire pour la constitution (COPAC) envisage d'utiliser des extraits de divers projets existants. Ceux-ci, affirme le co-président de la commission, Douglas Mwonzora, guideront les citoyens à apporter une contribution constructive au processus.

“Notre programme de sensibilisation ne va pas se baser sur un projet de document. Nous allons utiliser des sujets de discussion”, dit-il.

Les commissions thématiques présenteront des questions aux membres du public, et leurs réponses seront rassemblées dans les sujets de discussion, qui seront ensuite débattus. Les individus, au cours de milliers de réunions à travers le pays, seront en mesure de tirer leurs suggestions à partir de n’importe quel document de leur choix – y compris le projet rejeté de la Commission constitutionnelle en 2000, le projet alternatif présenté à l'époque par la NCA, ou le projet de Kariba élaboré par les équipes de négociation qui ont produit l'Accord de politique global qui a mis fin à une rude bataille post-électorale en septembre 2008.

Les parlementaires et les membres de la société civile ont participé aux séances préparatoires les 5 et 11 janvier, les informant sur leurs rôles au cours de ce programme de sensibilisation à travers le pays, prévu pour durer un peu plus de deux mois.

L’application de l’Accord de politique global a été entachée par une série de querelles très médiatisées sur les nominations clé, la réforme des services de sécurité et la révision de la législation.

Les progrès dans l'élaboration d'une nouvelle constitution pourraient être perçus comme un signe positif selon lequel les partis au pouvoir sont tous disposés à respecter leurs engagements de 2008, ainsi qu’à donner au peuple du Zimbabwe l’opportunité de décider de la façon dont lui-même souhaite être gouverné.

“C’est le moment que nous attendons, et je ne peux pas me permettre de rater cette occasion”, déclare Manyonga dans sa boutique à Mbare Musika.