POLITIQUE: Travail humanitaire international, un métier à haut risque

NATIONS UNIES, 14 nov (IPS) – Le travail humanitaire international est l'une des professions les plus risquées au monde. Le personnel humanitaire est constamment menacé ou victime d'enlèvements, de harcèlements, de privations de liberté ou de violences, selon les Nations Unies.

D'après les chiffres du département américain du Travail, sur les dix professions civiles les plus risquées au monde, celle de travailleurs humanitaires arrive en cinquième position, derrière les bûcherons et les pilotes (qui comptent chacune 92,4 décès sur 100.000 travailleurs), les pêcheurs (86,4 décès) et les ouvriers de l'industrie du fer et de l'acier (47 décès).

Selon un rapport publié par les Nations Unies, des centaines de travailleurs humanitaires et de membres de son personnel affrontent chaque jour des situations extrêmement risquées dans des régions du monde soumises à des troubles graves, comme c'est le cas en Irak, en Afghanistan, en Somalie, au Soudan, en Ethiopie, en Erythrée, en Israël ou en Haïti.

“A tous points de vue, travailler pour l'aide internationale est une profession dangereuse”, estime le secrétaire général des Nations Unies, Kofi Annan. Ces dernières années, l'ONU et son personnel humanitaire” se sont mis en situation de danger extrême pour pouvoir accomplir leurs mandats”, note-t-il.

L'an dernier, l'ONU a perdu 15 membres de son personnel, décédés dans l'exercice de leurs fonctions, et ce chiffre ne prend pas en compte les casques bleus morts en service ou les travailleurs ayant trouvé la mort dans des accidents d'avion.

Les risques qui pèsent sur le personnel des Nations Unies vont des menaces aux attaques physiques, en passant par le vol à main armée, et le nombre d'actes de violence à leur égard est plus important dans des régions d'Afrique et d'Amérique latine.

Sur le continent africain, 97 incidents ont ainsi été recensés, principalement au Soudan (29), en Côte d'Ivoire (24) et au Liberia (9). En Amérique latine, 84 faits de violence ont été commis à l'égard des travailleurs onusiens, dont les plus graves ont eu lieu en Haïti (25) et au Pérou (15).

“La sécurité du personnel de l'ONU et des travailleurs humanitaires n'est pas assurée dans des pays comme l'Afghanistan, la Somalie et le Soudan”, note le rapport des Nations Unies, intitulé “La sécurité et la sûreté du personnel humanitaire et la protection du personnel de l'ONU”.

“Les gouvernements d'Erythrée et d'Ethiopie et les autorités israéliennes maintiennent toujours en détention du personnel onusien, leur refusant le droit de l'ONU à la protection, et ce en violation des conventions (internationales)”, indique-t-il.

En Corée du Nord, en Ethiopie, au Sri Lanka et au Yémen, les autorités persistent à retenir des équipements essentiels de communication et de sécurité, et à imposer des restrictions sur le mouvement des biens et des moyens de communication qui sont indispensables aux opérations de l'ONU”, souligne le rapport.

Au Sri Lanka, par exemple, le gouvernement entrave le travail de l'organisation en imposant des restrictions et des retards à l'importation de matériel de communication et de sécurité. Celles-ci “ont des conséquences désastreuses pour les bénéficiaires des programmes de l'ONU, mais également sur la sécurité de son personnel”, rapporte ce document.

Une autre étude, qui doit être publiée prochainement et qui reprend la plupart des incidents intervenus entre 1997 et 2005, conclut que les actes de violence à l'égard des travailleurs humanitaires sont en constante augmentation.

L'an dernier, l'Assemblée générale de l'ONU a adopté le “Protocole facultatif à la Convention sur la sécurité du personnel des Nations Unies et du personnel associé”. Ce texte de huit articles renforce l'application de la Convention de 1994, qui couvre le personnel engagé dans des opérations de maintien de la paix, et élargit ses dispositions au personnel de l'ONU engagé dans des activités d'aide humanitaire, politique et d'aide au développement dans le cadre de la consolidation de la paix ou de l'aide humanitaire d'urgence.

Manuel Bessler, du Bureau de coordination des affaires humanitaires de l'ONU, avait alors indiqué que ce protocole serait sans doute étendu au personnel des organisations humanitaires travaillant en partenariat avec les Nations Unies, comme ‘l'International Rescue Committee’, Oxfam ou certaines sections nationales de Médecins sans frontières, par exemple.

“Après 60 années de travail sur le terrain, dans des régions du monde où sévissent les pires conflits, Oxfam a l'habitude des environnements difficiles et, dans certains cas, des menaces directes”, explique Jane Cocking, directeur adjoint des affaires humanitaires pour cette organisation non gouvernementale (ONG) basée à Londres.

Pour y faire face, l'ONG mise sur plusieurs stratégies : être acceptée par les communautés locales, mettre en avant sa neutralité humanitaire, instaurer des politiques équitables, des couvre-feux, utiliser des gardes non armés, etc.

“Dans les endroits où nous estimons que le risque est trop élevé pour nos équipes — au regard de l'impact de l'aide humanitaire qui pourrait y être apportée — nous déciderons occasionnellement d'évacuer notre personnel”, explique-t-elle à IPS.

“Mais si nous considérons que nous pouvons avoir une influence positive sur la vie des populations, nous revenons dès que la situation en terme de sécurité le permet”, ajoute-telle.