CHALLENGES 2005-2006: Encore une année, encore une crise alimentaire enAfrique australe

JOHANNESBURG, 19 déc (IPS) – Depuis plusieurs années maintenant, l'Afrique australe est confrontée à des pénuries alimentaires graves qui pourraient bien perdurer en 2006.

Selon les Nations Unies, nombre des 14 pays membres de la Communauté de développement d'Afrique australe (SADC), continueront à dépendre des distributions de vivres l'année prochaine pour éviter que des millions de leurs citoyens ne meurent de faim. Entre 2002 et 2004, quelque 14 millions de personnes ont reçu l'aide alimentaire d'urgence des agences d'aide, selon le Programme alimentaire mondial (PAM).

Environ cinq millions de ces personnes demeurent extrêmement vulnérables..

"La saison sèche, qui a détruit des récoltes au début de 2005, a porté ce nombre à plus de 12 millions dans sept pays – sur une population totale de 70 millions", selon une note du PAM parue en 2005.

La question qui mérite d'être posée est de savoir si on ne peut rien faire pour éviter que cette situation ne se répète chaque année. "Il y a des choses que nous pouvons faire à court terme. Nous pouvons cultiver des plantes plus résistantes à la sécheresse comme le sorgho, le mil et le manioc", a déclaré à IPS le porte-parole du PAM, Mike Sackett.

"Les agriculteurs devraient être moins dépendants du maïs".

Le maïs, aliment de base en Afrique australe, résiste mal à la sécheresse – qui a causé un désastre dans certaines parties de la région ayant connu des pluies irrégulières ces dernières années.

"A long terme, il faudra moins compter sur la pluie et compter plus sur l'irrigation", a indiqué Sackett, qui vit dans la capitale économique de l'Afrique du Sud, Johannesburg. Toutefois, l'irrigation nécessite beaucoup d'investissements, ce qui la rend inaccessible à plusieurs Etats. A l'exception de l'Afrique du Sud, du Botswana et de la Namibie, les nations de la SADC auraient probablement besoin du financement des donateurs pour mettre en place des systèmes d'irrigation viables.

Sackett a remarqué que la distribution de semences et d'engrais devait également être mieux gérée : "Par exemple, l'année dernière, les agriculteurs ont tardivement reçu les engrais". Pour mettre fin au cycle actuel de pénuries alimentaires et aux problèmes qui l'accompagnent, les autorités agricoles de la SADC se sont lancées dans un programme global pour aider les agriculteurs. "Un de nos rôles sera d'examiner attentivement les contrats pour nos agriculteurs analphabètes. Nous les soutiendrons pour que leurs contrats (comme pour la fourniture de vivres aux agences de l'ONU) soient respectés..

Nous allons également les aider à comprendre la nécessité de rembourser les dettes pour leur éviter d'être mis sur la liste noire", a déclaré à IPS, Nelson Chisenga, spécialiste des questions agricoles à la Fédération des syndicats agricoles d'Afrique australe (SACAU).

Tôt ce mois, la SACAU a invité environ 20 délégués de six de ses pays membres – la Zambie, le Zimbabwe, l'Afrique du Sud, la Namibie, le Malawi et Madagascar – dans la capitale sud-africaine, Pretoria, pour les informer des questions clés qui affectent l'agriculture, telles que le commerce et le marketing. "Le niveau de prise de conscience au sein des agriculteurs est cruellement faible. Par exemple, ils croient que le commerce ne les concerne pas", a dit à IPS, Ajay Vashee du Syndicat national des agriculteurs de Zambie, basé à Lusaka. La Zambie compterait 800.000 petits fermiers sur une population d'environ huit millions d'habitants. "Nous voulons que nos agriculteurs voient au-delà de nos frontières et même sur le plan international", a-t-il ajouté. "Le principal problème est de leur inculquer des notions de marketing. Nous aimerions amener les agriculteurs à comprendre la dynamique du commerce".

Avec cela à l'esprit, le syndicat a l'intention de former les agriculteurs aux négociations commerciales et les familiariser avec l'Organisation mondiale du commerce (OMC). L'OMC vient de se réunir actuellement à Hong Kong, où les tarifs et les subventions agricoles octroyés par les pays riches ont été débattus. Ces aides agricoles donnent aux agriculteurs du monde développé un avantage considérable sur leurs homologues des nations plus pauvres. La Zambie récolte déjà des récompenses pour avoir adopté un certain nombre de politiques sensibles sur l'agriculture. "La Zambie avait obtenu de très bons résultats en 2003 et en 2004", a indiqué Sacket. "Le pays avait dégagé un surplus alimentaire bien qu'ayant été touché par la sécheresse". Toutefois, en octobre de cette année, le gouvernement du président Levy Mwanawasa a demandé une aide alimentaire d'urgence pour 1,7 million de personnes. Le PAM dit qu'il est en train de satisfaire les besoins alimentaires de 1,1 million de personnes, alors que le Fonds des Nations Unies pour l'enfance envisage de s'attaquer aux problèmes de fourniture d'eau et d'installations sanitaires, de santé infantile, d'alimentation et d'éducation. Plus au sud, au Zimbabwe, la situation est beaucoup plus grave – avec les agences d'aide qui accusent le gouvernement du président Robert Mugabe d'alimenter la famine à travers de mauvaises politiques. "La situation humanitaire au Zimbabwe est extrêmement grave et est train de se détériorer", a déclaré aux journalistes, Jan Egeland, sous-secrétaire des Nations Unies aux Affaires humanitaires et coordonnateur de l'aide d'urgence, à Johannesburg le 7 décembre, de retour du Zimbabwe. "Le PAM nourrit actuellement deux millions de personnes au Zimbabwe. Cela pourrait aller à quatre millions". L'agence a fait un appel de fonds de 276 millions de dollars pour aider à atténuer les pénuries alimentaires au Zimbabwe où le SIDA aggrave la crise humanitaire. "Quelque 3.000 personnes meurent du SIDA chaque semaine; il y a un million d'orphelins du SIDA. C'est une situation grave", a déclaré Egeland. Malgré la sécheresse, il y a assez de vivres en Afrique australe pour répondre à la demande. Le problème est que les vivres sont envoyés ailleurs. "Dans la région, nous avons le marché, mais les agriculteurs visent le marché international. Je pense que les petits fermiers devraient satisfaire le marché régional avant de regarder ailleurs", a souligné Chisenga, adoptant une position différente de celle de Vashee. Toutefois, les fermiers estiment que les barrières douanières les empêchent de faire justement cela. Par exemple, le Zimbabwe peut exporter les produits de volaille au Malawi, (mais) le Malawi n'est pas autorisé à exporter des produits de volaille au Zimbabwe", a noté Chisenga. Les conditions d'obtention de visas constituent également un autre casse-tête, comme le sont les retards à la frontière. "Les camions passent, par exemple, beaucoup de temps à Chirundu : cela peut prendre en moyenne cinq jours. A Beitbridge, cela peut prendre au maximum une journée si vos documents sont à jour", a affirmé Chisenga. Chirundu est le principal poste frontalier entre la Zambie et le Zimbabwe, et Beitbridge le principal poste frontalier entre le Zimbabwe et l'Afrique du Sud. "Beitbridge est ouvert 24 heures sur 24. Vous le traversez et arrivé à Churundu, vous trouvez que la frontière est fermée. Vous comptez alors cette journée comme perdue – et vous vous alignez derrière les véhicules qui sont arrivés avant vous", a-t-il ajouté. Les retards aux frontières affectent beaucoup les agriculteurs.