SANTE-AFRIQUE DU SUD: ''Renforcer les agents qui donnent des soins àdomicile''

JOHANNESBURG, 20 déc (IPS) – Nombuso Mdluli, un agent de santé qui donne des soins à domicile aux personnes vivant avec le SIDA, côtoie quotidiennement les souffrances que le VIH inflige à ses victimes. Pour une certaine raison toutefois, c'est le sort d'un patient qui la préoccupe.

"Lorsque je suis arrivée dans la chambre où il était étendu sur le lit, j'ai senti qu'il n'allait pas s'en sortir", a-t-elle déclaré à IPS, décrivant les événements de l'après-midi où elle a été appelée d'urgence au chevet du malade. "Il y avait quelque chose dans ses yeux que je ne peux jamais oublier. Il m'a demandé un verre d'eau, mais alors que j'étais sur le point de lui donner l'eau, il a rendu l'âme", a ajouté Mdluli. "Les membres de la famille qui étaient présents ont voulu me réconforter, alors que j'étais celle qui était supposée leur apporter du réconfort". L'homme était l'un des malades qui lui avaient été confiés par un hospice de Soweto, une cité dortoir principalement occupée par des Noirs dans la capitale économique de l'Afrique du Sud, Johannesburg, qui se débat contre les effets des 21,5 de prévalence à VIH du pays*. Chaque matin, en semaine, elle et 40 autres agents de santé volontaires de l'Hospice de Soweto se mettent en route pour apporter le soutien tant indispensable aux personnes malades des affections liées au SIDA. Comme plusieurs autres agents de santé à travers le pays, elle reçoit un traitement mensuel d'environ 40 dollars — un montant qui, selon certains, n'a aucun rapport avec l'importance de leur rôle dans un pays où les services de santé se battent pour satisfaire les besoins des populations. "Les soins à domicile constituent probablement la seule solution possible dans le contexte sud-africain, mais cela ne devrait pas être considéré comme une solution de facilité. L'Etat ne pourvoit pas aux agents qui donnent des soins à domicile, il devrait alors réellement accorder plus de pouvoir à ces agents qui dispensent des soins à domicile", a indiqué Chloe Hardy, une auxiliaire de justice à 'Aids Law Project', une organisation basée à l'Université de Witwatersrand à Johannesburg, qui aide les personnes séropositives à lutter contre la discrimination. "Le véritable problème est qu'il y a très peu de financement pour les agents de santé. La plupart d'entre eux le font parce qu'ils sont sans emploi, et ont également un sentiment de responsabilité vis-à-vis de leurs communautés, qui sont affectées par le VIH/SIDA", ajoute-t-elle. "Nous pensons que si ceci est la stratégie du gouvernement pour s'attaquer au problème du SIDA, alors il faudra un financement et une rémunération adéquats pour les agents de santé donnant des soins à domicile". Cependant, Solly Mabotha, porte-parole du ministère de la Santé, affirme que la question fait l'objet d'une attention particulière. "Le ministère s'est lancé dans un programme dit des infirmiers communautaires qui vise à créer des plans de carrière pour ces infirmiers à travers une formation détaillée et généraliste", a-t-il dit à IPS. Une fois qu'un infirmier a fini la formation prévue par ce programme, il aura droit à près de 160 dollars le mois jusqu'à ce qu'il trouve un emploi permanent.

"Ce programme de formation leur permettra de donner des soins plus complets… La formation, toutefois, ne fait pas d'eux des pharmaciens et ne les habilite pas non plus à obtenir des autorisations pour prescrire des médicaments. Ceci est laissé à des professionnels comme les infirmières, les médecins et les pharmaciens", explique Mabotha, qui fait remarquer qu'il y a actuellement, dans tout le pays, environ 1.500 organisations donnant des soins dans la communauté et à domicile. Pour Mdluli, une augmentation du traitement serait la bienvenue. "Mais, même s'ils n'augmentent pas cela, je continuerai quand même. Les yeux de cet homme, je ne les oublierai jamais. Vous savez, c'était comme s'il disait : 'Merci d'être ici', ajoute-t-elle. "J'ai vu des gens être très malades et faibles, et se porter beaucoup mieux à nouveau. Ils finissent par être comme un membre de la famille. On développe un attachement pour eux parce que vous les lavez, vous êtes là pour parler et pour les écouter chaque fois qu'ils ont besoin de vous.

Donc, je ne me vois pas abandonner ce que je fais maintenant". Durant les quatre années au cours desquelles Mdluli a travaillé comme volontaire à l'hospice de Soweto, elle a observé un assouplissement des positions vis-à-vis des personnes et familles affectées par la pandémie — même si la stigmatisation contre le SIDA reste préoccupante. "Vous découvrez parfois que lorsqu'une personne révèle son statut à sa famille, ils cachent la personne dans une pièce du fond et refusent de lui donner à manger. Dans certains cas où la personne malade vit avec la famille élargie, ils persécutent également ses enfants", dit-elle. "Mais les choses ont beaucoup changé maintenant. Les gens comprennent bien mieux la maladie et nous enseignons également aux familles comment s'occuper des malades".

Actuellement, Mdluli s'occupe de 13 malades (elle enseigne également dans une garderie pour enfants affectés par le VIH/SIDA pendant une semaine chaque mois).

"Mes visites commencent généralement avec les malades de la 'catégorie trois', ceux qui sont cloués au lit. Je leur fais la toilette, le pansement des durillons et des plaies et je leur prodigue des conseils. La plupart des gens que je visite sont extrêmement pauvres, et dans nombre de cas, ne peuvent même pas payer les frais de taxis pour se rendre dans un hôpital", affirme Mdluli. "Lorsqu'un malade a besoin de soins médicaux ou de prescription médicale, je prends alors contact avec l'une des infirmières à l'hospice qui lui rendra visite à domicile". L'Hospice de Soweto compte cinq infirmières qui, en moyenne, consultent 100 malades par semaine. Le gouvernement d'Afrique du Sud a lancé, en novembre 2003, un programme pour fournir gratuitement des médicaments anti-rétroviraux (ARV).

Toutefois, les autorités ont été accusées de ne pas s'empresser pour s'assurer que ceux qui ont besoin de médicaments pour combattre les maladies opportunistes du SIDA les reçoivent effectivement.

Selon 'Le Rapport actualisé sur l'épidémie du SIDA en 2005', publié par le Programme conjoint des Nations Unies sur le VIH/SIDA (ONUSIDA) et l'Organisation mondiale de la Santé, la grande majorité (85 pour cent) des Sud-Africains ayant besoin d'ARV ne les recevaient toujours pas à la mi-2005. L'Afrique du Sud compte actuellement le plus grand nombre de citoyens séropositifs au monde — plus de six millions. * Cette estimation est de l'ONUSIDA; elle fait référence à la prévalence du VIH parmi les adultes (c'est-à-dire la prévalence au sein des personnes âgées de 15 à 49 ans).