POLITIQUE-KENYA: Exit les anciens, bienvenus les vieux (pour la plupart)

NAIROBI, 9 déc (IPS) – Le nouveau gouvernement du Kenya a prêté serment ce vendredi à Nairobi, mais la cérémonie a été plus courte que d'habitude : deux ministres et 21 vice-ministres ont déjà décliné l'invitation de rejoindre le cabinet.

La nouvelle équipe ministérielle doit remplacer le gouvernement qui a été dissous le 23 novembre, après que des électeurs ont rejeté un projet de constitution que le président Mwai Kibaki avait soutenu. L'issue du référendum constitutionnel (tenu le 21 novembre) a été largement perçue comme un vote de défiance à l'égard de l'administration de Kibaki, qui a vu sa Coalition nationale Arc-en-ciel (NARC) voler en éclats sur le projet de constitution. Sept anciens ministres, qui se sont désolidarisés du président à propos de la constitution, ont été exclus du nouveau cabinet, nommé le 7 décembre; l'équipe devait inclure 29 ministres et 45 vice-ministres. La plupart des loyalistes ont été maintenus, à l'exception de l'ancien ministre des Transports Chris Murungaru, qui a été éclaboussé par des accusations de corruption.

"Au cours des deux dernières semaines, j'ai eu de larges consultations pour essayer de reconstituer un gouvernement cohésif, équilibré, efficace et mieux indiqué à présenter aux Kényans", a déclaré Kibaki dans un discours télévisé.

Toutefois, un certain nombre de partis politiques qui constituent la NARC se sont demandé si ces consultations étaient aussi étendues que l'a indiqué le président.

"Ford-Kenya espérait une approche consultative lorsque le président formait le gouvernement, mais ceci n'a pas eu lieu", a indiqué Musikari Kombo, président de Ford-Kenya (Forum pour la restauration de la démocratie au Kenya). Kombo a refusé le portefeuille du gouvernement local.

"Ford-Kenya n'occupera pas des postes dans le cabinet nouvellement constitué. Faire cela constituera à souscrire à une espièglerie et à une injustice flagrante faite au parti et à ses membres", a-il dit aux journalistes. Comme Kombo, Orwa Ojode du 'Liberal Democratic Party' (LDP) a refusé un poste au gouvernement. Ojode s'est vu offrir le poste de ministre de l'Environnement. En outre, l'incertitude plane sur l'ancien ministre de la Santé Charity Ngilu, qui a décliné jeudi le même poste qui lui a été réservé, déclarant qu'elle devrait consulter les membres du 'National Party of Kenya' — qu'elle préside — avant d'accepter l'invitation de Kibaki à rester dans le nouveau gouvernement. Mais elle ne s'est pas présentée à la cérémonie de prestation de serment vendredi matin. Ce refus de postes ministériels est sans précédent au Kenya.

"Les gens ont réalisé que le président n'est pas populaire, et pour eux, refuser des postes dans le gouvernement en ce moment peut probablement leur valoir une popularité auprès des masses", souligne le reporter politique Elly Wamari.

"Ils sont également en train de se repositionner pour les élections générales de 2007, où la popularité auprès des masses comptera".

Ce qu'on craint, c'est que cette froideur délibérée à l'égard du cabinet ne conduise à une rébellion plus grande de la part du LDP, qui a joué un rôle capital dans les pressions pour que la constitution proposée soit rejetée.

Les sept anciens ministres qui ont été mis à la porte du nouveau gouvernement sont tous des membres du LDP.

"Même si cela était absolument inévitable, l'action a donné au LDP une autorisation de révolte. (Le parti) fonctionnera à pleins gaz, y compris essayer d'obtenir un vote de défiance contre Kibaki", a dit à IPS, le politologue Mutahi Ngunyi.

"Ceci nécessite (le soutien de) 51 pour cent des députés. Il est possible d'atteindre ce pourcentage parce que la possibilité existe que le nouveau gouvernement mécontente beaucoup de gens".

Il est également à craindre que des membres irrités du LDP n'essayent de contrecarrer les efforts de Kibaki pour gouverner en argumentant contre des projets de loi au parlement.

Les relations du LDP avec Kibaki se sont détériorées au milieu des tentatives ayant réussi, orchestrées par le 'National Alliance Party' du président pour s'assurer que la constitution présentée aux électeurs prévoit une présidence forte. Une version précédente de la charte avait proposé que l'autorité exécutive soit partagée entre la présidence, et le poste de Premier ministre nouvellement créé. Ce poste aurait été promis au leader du LDP Raila Odinga en échange de son soutien à la NARC durant l'élection de décembre 2002 qui l'a portée au pouvoir. Toutefois, certains sont plus préoccupés par ceux qui sont dans le gouvernement que ceux qui en ont été exclus.

"Nous espérions que le président allait céder aux exigences des Kényans en faveur de la re-dynamisation de la lutte contre la corruption en se séparant de ceux dont les noms figuraient dans ces scandales. Seul Murungaru est parti. Le président devrait renouveler sa résolution d'extirper la corruption", a déclaré Geoffery Birundu, coordonnateur de la 'Name and Shame Corruption Networks Campaign' (Campagne pour nommer et honnir les réseaux de corruption), une alliance de groupes œuvrant pour l'éradication de la corruption.

Alors que Kibaki est arrivé au pouvoir avec la promesse de s'attaquer à la corruption, son règne a été entaché par un certain nombre de scandales — certains impliquant des sommes substantielles.

Au nombre de ceux-ci, figure le paiement de quelque 95 millions de dollars à Anglo-Leasing, une compagnie étrangère de réputation douteuse. L'argent devait financer un système de fabrication de passeports qui ne pourraient pas être utilisés par des terroristes, et la construction d'un laboratoire médico-légal pour des enquêtes criminelles.

Une partie des 95 millions de dollars a été récupérée. Toutefois, personne n'a été poursuivi pour l'affaire, qui a été découverte l'année dernière.