POLITIQUE-SOUDAN: Des forces de maintien de la paix, une ''goutte d'eaudans l'océan'' – mais bienvenues quand même

JOHANNESBURG, 16 juin (IPS) – Les rebelles au Sud-Soudan ont accueilli favorablement la décision prise par les Nations Unies le week-end dernier d'envoyer une mission de maintien de paix dans le pays pour superviser les accords qui mettraient fin à la plus longue guerre civile d'Afrique.

Mais, ils croient qu'une présence plus importante de l'ONU est nécessaire – avec un mandat plus fort pour tenir bon dans des points névralgiques.

"Nous ne voulons pas d'une situation pareille à celle de la Sierra Leone, du Liberia ou du Congo où les forces de maintien de la paix de l'ONU croisent les bras ou fuient lorsqu'il y a une attaque", a déclaré à IPS Barnabas Benjamin Marial, le représentant en Afrique australe de l'Armée populaire de libération du Soudan (SPLA), dans un entretien téléphonique avec IPS.

Il y a quelques semaines, les troupes onusiennes ont regardé en spectateurs impuissants les rebelles au moment où ces derniers attaquaient et occupaient la ville de Bukavu, dans l'est de la République démocratique du Congo, qui sort d'une guerre civile de cinq ans.

Conformément aux règlements de l'ONU, les activités des forces de maintien de la paix en Afrique et ailleurs sont souvent limitées par quelque chose connu comme mandat du chapitre six. Ceci fait référence au chapitre de la Charte de l'ONU qui expose certaines des options disponibles à l'organisation dans la résolution des conflits. Le mandat du chapitre six peut autoriser les forces de maintien de la paix à utiliser la force pour protéger les personnes qui sont confrontées à un danger imminent, tandis qu'un mandat du chapitre sept permet un plus grand degré d'intervention militaire.

"Nous avons besoin aussi bien du chapitre six que du sept. Ils permettront aux troupes de l'ONU de jouer un double rôle de supervision et d'imposition de la paix au Soudan", a déclaré Marial qui est basé dans la capitale zimbabwéenne, Harare.

Plus de deux millions de personnes sont mortes au Sud-Soudan depuis que le dernier round du conflit y a éclaté en mai 1983.

"Nos populations ont souffert pendant 50 ans. Nous ne voulons plus qu'elles souffrent encore", a déclaré Marial, faisant allusion à la guerre civile – qui a éclaté pour la première en 1955. Un accord de paix signé en 1972 prévoyait un intermède de 10 années d'accalmie.

Toutefois, des espoirs d'une paix durable ont été suscités à présent – ceci après que la SPLA et le régime islamique de Khartoum ont signé plusieurs protocoles de paix dans la ville kényane de Naivasha le mois dernier, et au début de cette année. Ces accords traitent du partage des revenus pétroliers du Soudan et de la dévolution de pouvoir aux différentes régions du pays, entre autres questions. Un accord de paix global devrait être signé avant la fin de l'année.

Les protocoles ont préparé le terrain pour le vote, à l'unanimité, par l'ONU, de la création d'une mission de maintien de la paix au Soudan, samedi (12 juin). Le secrétaire général de l'ONU, Kofi Annan, mènera maintenant des efforts pour planifier la taille, la structure et le mandat des opérations.

"Nous voulons que les forces de maintien de la paix assurent la survie de l'accord. Peut-être que l'armée soudanaise, qui semble ne pas être satisfaite au sujet de l'accord de paix, peut décider de s'emparer du pouvoir à Khartoum et dire qu'elle ne reconnaît pas l'accord de Naivasha", a indiqué à IPS, Jada Y, le président de la communauté soudanaise en Afrique du Sud." "C'est maintenant que le rôle des forces de maintien de la paix de l'ONU deviendra très, très crucial".

Quelque 36 milices pro-gouvernementales et groupes politiques opèrent dans le sud, selon John Joh de l'Université d'Afrique du Sud, basée à Pretoria.

Ces milices pourraient également compliquer les efforts visant à instaurer la paix au Sud-Soudan si la SPLA n'arrive pas à les faire monter à bord après la mise en œuvre de l'accord de paix, avertit-il. Mise à part la supervision du retrait de la plupart des 193.000 soldats gouvernementaux du Sud, qui va durer deux ans, les troupes onusiennes devraient également aider à former la nouvelle armée forte de 24.000 hommes qui inclura des soldats gouvernementaux et rebelles. Cette force sera basée au Sud-Soudan.

Tout ceci sera fait dans des conditions difficiles. "Depuis sa création, il n'y a jamais eu de voie goudronnée au Sud-Soudan, une région de la taille du Kenya, de l'Ouganda, du Rwanda et du Burundi réunis", a déclaré John Garang, le leader de la SPLA, à Nairobi, dans la capitale kényane, le 6 juin, pendant un discours – dont une copie est parvenue à IPS.

"Le taux d'inscription net dans les écoles primaires est de 20 pour cent seulement, et environ 80 pour cent de ceux (qui sont à l'école) n'ont pas de bancs pour s'asseoir… Sept pour cent seulement des enseignants sont formés", a ajouté Garang.

"Par ailleurs, au moins trois adultes sur quatre sont analphabètes, et (seulement) une femme adulte sur dix est alphabétisées. Le niveau d'accès à une source d'eau améliorée est seulement de 27 pour cent, et il y a seulement un médecin pour 100.000 habitants".

L'Egypte, l'Inde, le Yémen, la Norvège, l'Allemagne, et d'autres Etats ont exprimé leur intérêt pour leur contribution en troupes à la mission de l'ONU au Soudan où, selon des analystes militaires, 10.000 forces de maintien de la paix sont nécessaires". Mais, "nous pensons que 10.000 hommes ne suffiront pas", a souligné Marial. "Ce n'est qu'une goutte d'eau dans l'océan… Nous encouragerons les Nations Unies à envoyer plus d'hommes".

Marial a ajouté que la liste des pays qui contribueront en troupes sera débattue par la SPLA et le gouvernement soudanais lorsqu'ils reprendront les discussions à Naivasha le 22 juin.

Avec l'aide des médiateurs, les deux groupes identifieront les pays qui pourraient être invités à apporter une assistance, avant de faire parvenir leurs choix au Conseil de sécurité de l'ONU, a-t-il dit à IPS.