ECONOMIE-AFRIQUE DE L'OUEST: Approfondir le marché financier pour plus d'investissement et d'intégration régionale

LOME, 14 juin (IPS) – La Bourse régionale des valeurs mobilières de l'Afrique de l'ouest a fait la preuve de son utilité en tant qu'instrument de mobilisation de l'épargne et de financement des économies des pays membres de l'Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA), selon des spécialistes.

La Bourse régionale des valeurs mobilières (BRVM) est basée à Abidjan, la capitale économique de la Côte d'Ivoire, et elle gère le marché financier de l'UEMOA qui regroupe huit pays : Bénin, Burkina Faso, Côte d'Ivoire, Guinée-Bissau, Mali, Niger, Sénégal et Togo. Le marché financier de l'espace UEMOA a démarré ses opérations en 1997.

Les spécialistes affirment que la BRVM a, après six ans de fonctionnement, offert aux opérateurs économiques de nouvelles opportunités de financement de leurs activités, en complément aux financements traditionnels du système bancaire.

Le public a pu souscrire aux capitaux de plusieurs sociétés de la sous-région. Ce qui a permis de mobiliser 526 milliards de francs CFA (environ 974 millions de dollars US), soit une moyenne annuelle de 88 milliards (environ 163 millions de dollars US), selon Pascal Koupaki, conseiller spécial du gouverneur de la Banque centrale des Etats de l'Afrique de l'ouest (BCEAO) – la principale institution financière de l'UEMOA, basée à Dakar, au Sénégal.

"La Bourse fait des cotations, diffuse des informations sur le marché", a indiqué à IPS, Nadège Blokpo, agent commercial à Lomé, la capitale du Togo.

(La cotation à la bourse, c'est le fait d'indiquer le cours d'une valeur ou d'une marchandise). Mélanie Atisso, étudiante en gestion à l'Université de Lomé, déclare qu'elle "apprécie beaucoup l'idée de lancer cette bourse sous régionale".

Selon elle, la bourse "doit doper l'économie des pays de la sous-région et permettre à la population d'en tirer profit".

L'organisation du marché financier régional s'organise autour de structures chargées d'assurer la régulation et la surveillance du marché, mais également des structures commerciales dont le rôle est d'animer son fonctionnement. Il existe, par exemple, le Conseil régional de l'épargne publique et des marchés financiers. Il a pour attributions la réglementation et l'organisation de l'appel public à l'épargne.

En vue d'instaurer une plus grande concurrence au sein du système financier, des structures privées légères ont été également agréées en qualité d'intervenants commerciaux. Il s'agit des Sociétés de gestion et d'intermédiation (SGI), des apporteurs d'affaires, des Conseils en investissements boursiers et des démarcheurs.

La réalisation d'un marché financier unique, pour les huit Etats membres de l'UEMOA, vise le renforcement et la diversification du système financier dans les pays de l'union et une meilleure allocation des ressources financières dans la zone.

Mais, Koupaki a déclaré à IPS que "malgré les progrès, des efforts restent encore à accomplir". C'est ce qui justifie le lancement, au début de ce mois à Lomé, par les pays membres de l'UEMOA, d'un projet dénommé "Le chemin de l'espoir". Il vise un approfondissement du marché financier régional.

"Ce projet a pour objectif d'aider les pays de la sous-région à se doter d'un marché fonctionnel car le marché, qui existe déjà, se heurte à un obstacle", indique Noël Tsiani, chef de mission à la Banque mondiale à Lomé. Le projet sera mis en ouvre sur une période de cinq ans et constituera un moyen d'aider chacune des institutions de l'UEMOA dans le marché financier.

L'approfondissement du marché financier régional permettra également de mettre à la disposition de la Banque ouest-africaine de développement (BOAD) – une autre institution financière de l'UEMOA – des ressources à long terme, suffisantes pour financer des projets de développement dans le domaine de son mandat. Ces projets portent sur la réalisation des infrastructures routières, le transport, la promotion de petites et moyens entreprises, l'énergie, les télécommunications, et l'agriculture.

Boni Yayi, président de BOAD – basée à Lomé – estime que le projet d'approfondissement du marché financier régional "est destiné à assurer la croissance économique dans les pays de la région". Selon Yayi, "il renforcera les moyens d'intervention de la BOAD en faveur des Etats, en mettant en place, au profit de la banque, une ligne de crédit en vue d'accroître sa contribution à la réalisation du programme d'actions communautaires des infrastructures et des transports routiers". Yayi précise que ce programme d'infrastructures routières répond aux priorités du Nouveau partenariat pour le développement économique de l'Afrique (NEPAD). Il s'agit notamment du programme d'action communautaire pour le secteur des transports routiers, qui est un grand projet exécutable sur dix années, selon l'UEMOA. L'UEMOA s'est engagée en 2002, avec la BOAD, à réhabiliter et à réaliser un réseau routier long de 13.300 kilomètres. Selon les prévisions, ce projet routier coûtera 1.254 milliards de francs CFA (environ 2,3 milliards de dollars US). La zone UEMOA dispose de deux axes routiers : le trans-côtier et le trans-sahélien. L'axe trans-côtier va de Nouakchott (Mauritanie) à Lagos (Nigeria), en passant par Banjul (Gambie), Bissau (Guinée), Conakry (Guinée), Abidjan (Côte d'Ivoire), Lomé (Togo) et Cotonou (Bénin). Il est long de 4.560 km dont 3.800 km sont bitumés et 760 km ne le sont pas encore.

L'axe trans-sahélien va de Dakar (Sénégal) à Ndjaména (Tchad), en passant par Bamako (Mali), Ouagadougou (Burkina Faso) et Niamey (Niger). Cet axe routier fait 4.460 km dont 3.900 km sont bitumés et 560 km non encore bitumés.

Le projet d'approfondissement du marché financier régional est donc destiné à dynamiser le marché financier ouest-africain, à accroître les capacités d'investissement et à appuyer les efforts d'intégration économique des pays de la sous-région, explique Yayi à IPS.

Le coût total du projet est de 408 millions de dollars qui sont essentiellement financés par la Banque mondiale, l'Agence multilatérale de garantie (MIGA) – une structure du groupe de la Banque mondiale basée, à Washington -, l'Agence française de développement (AFD) et l'Agence canadienne pour le développement international (ACDI).

Les promoteurs du projet se disent confiants malgré les différentes crises socio-politiques que connaît la sous-région, notamment celle qui prévaut en Côte d'Ivoire.

"Nous traversons une période économique difficile due à des remous socio-politiques, mais d'une manière générale, l'environnement économique se porte assez bien", rassure Koupaki, citant l'exemple du franc CFA – la monnaie de l'UEMOA – qui est toujours apprécié malgré les conditions politiques parfois instables dans la zone.

La situation de crise en Côte d'Ivoire pénalise l'ensemble de la zone, selon des analystes financiers. Ce pays traverse, depuis septembre 2002, une crise politique persistante qui a divisé le territoire en deux parties, créant des obstacles à la production agricole, et en particulier, au transport des produits récoltés vers les ports d'exportation.

Pour Frédéric Korsaga, commissaire chargé des politiques économiques à la commission de l'UEMOA, la Côte d'Ivoire pèse pour 40 pour cent dans le produit intérieur brut de l'union.

La Bourse régionale des valeurs mobilières de l'UEMOA et le conseil régional sont domiciliés en Côte d'Ivoire; et 37 des 39 entreprises cotées en bourse à Abidjan sont ivoiriennes.