CULTURE-ZIMBABWE: Pas plus que des ''chiens et des cochons''?

BULAWAYO, 25 mai (IPS) – "Pire que des chiens et des cochons", est la manière dont le président zimbabwéen Robert Mugabe a décrit les homosexuels il y a une décennie environ, lorsque la communauté gay a tenté d'attirer l'attention sur l'aversion généralisée pour les homosexuels dans ce pays d'Afrique australe.

Cette déclaration, rapportée dans le monde entier, résonne encore dans le pays, jetant une ombre pesante sur l'exercice de la liberté sexuelle.

Conformément à la loi zimbabwéenne, l'homosexualité n'est pas en tant que telle illégale. Mais la sodomie – définie strictement comme des relations sexuelles anales entre hommes – l'est.

Toutefois, de façons subtiles, les choses sont également en train de changer. L'intolérance, particulièrement au niveau officiel, semble s'être adoucie et être devenue de l'indifférence. Les arrestations aveugles et trop fréquentes semblent avoir cessé, tandis que la dernière perquisition du bureau de l'Association des gays et lesbiennes du Zimbabwe (GALZ) par la police remonte à 1996.

"Nous avons de bonnes relations avec notre police locale", affirme Keith Goddard, qui préside l'organisation de 400 membres. "Ils nous traitent avec beaucoup de professionnalisme".

En outre, en juillet dernier, après des années de lutte, les gays ont été autorisés à installer leur propre stand à la Foire internationale annuelle du livre du Zimbabwe – pas un petit exploit, étant donné que leur présence à l'événement en 1995 avait provoqué un fiasco.

"Nous avons pensé que c'était un développement positif et que nous pouvons maintenant enterrer toute cette campagne", a indiqué Goddard à IPS.

Revigorée par une confiance nouvellement retrouvée, la communauté gay fait maintenant pression pour une plus grande reconnaissance de la part de la société.

"Je ne dirais pas qu'il y a une acceptation complète, mais il y a de plus en plus de compréhension autour de ce que c'est qu'être gay ou lesbienne", constate Goddard.

Ironie du sort, l'impulsion pour une telle transformation a été le procès sensationnel du premier président post-indépendance du Zimbabwe, Canaan Banana, pour sodomie, en 1998.

Des témoignages au cours du procès de 17 jours ont révélé que l'ex-président était un homosexuel refoulé qui abusait de ses subordonnés hommes lorsqu'il était au State House (la présidence). Banana a été plus tard reconnu coupable de sodomie et a été emprisonné pendant une année. En novembre 2003, il est décédé – une figure publiquement déshonorée.

Selon Goddard, bien que le procès de Banana soit plus lié à un abus qu'à la recherche de la liberté sexuelle, "il a fallu du temps pour convaincre les gens que le fait d'être gay n'est pas une chose importée de chez les Blancs".

Depuis lors, Goddard et plusieurs autres membres importants de la GALZ ont souvent été invités à prendre la parole devant plusieurs groupes.

L'organisation elle-même dirige régulièrement des ateliers sur des questions comme l'identité sexuelle et le chantage exercé contre les gays – quelque chose qui, heureusement, a diminué considérablement.

Dans son travail de sensibilisation et d'éducation, la GALZ met l'accent sur la plus jeune génération, ignorant les pairs du président âgé de 80 ans. La croyance est que les idées de ces individus sont arrêtées – et que pas grand-chose ne peut être fait pour changer leurs opinions sur l'homosexualité.

En 1999, lorsque le gouvernement a essayé de rédiger une nouvelle constitution, la GALZ a fait pression pour l'inclusion d'une clause sur l'orientation sexuelle. Ceci a été repoussé et l'avant-projet de constitution a été lui-même rejeté dans un référendum, quoique pour différentes raisons.

Un représentant de la GALZ, qui se fait appeler Chesterfield, a pris part au processus. Un des premiers homosexuels à déclarer ouvertement son orientation sexuelle, l'homme âgé de 29 ans, dit que sa famille était confuse et effrayée par le discours dur du président.

Craignant un opprobre officiel, son père l'a affronté sur la question pour la première fois de sa vie et a menacé de le signaler à la police.

Heureusement, le vieil homme a depuis assoupli sa position et a même réussi à s'informer sur le partenaire de Chesterfield. Le reste de la famille semble également avoir développé une plus grande compréhension. "Mais c'était différent pour ma sœur", remarque Chesterfield, "peut-être à cause de la compétition, parce que j'ai arraché ses copains".

Ironie du sort, l'une des lois les plus répressives enregistrées au Zimbabwe – l'Accès à l'information et à la protection de la vie privée de 2002 – protège l'orientation sexuelle des citoyens. Mais dans un pays où la loi est souvent appliquée de façon sélective, Goddard se demande si ce n'est pas juste destiné à couvrir ceux qui sont plus haut placés dans le gouvernement.

Depuis les années 1990, la priorité de la GALZ a été d'empêcher la propagation du VIH/SIDA parmi les homosexuels – ceci malgré les craintes qu'une étroite association avec les efforts de sensibilisation sur le SIDA amènera les gens à percevoir la maladie comme un 'fléau de gay'.

Le groupe est descendu dans l'arène parce qu'il était préoccupé par le fait que l'information sur la prévention de la transmission du VIH semblait être destinée aux hétérosexuels. "Notre problème, le problème des gays et des lesbiennes, est complètement ignoré", affirme Goddard.

Toutefois, en 2000, l'association a été agréablement surprise de recevoir du Conseil national de lutte contre le SIDA, une institution gouvernementale, une petite partie de l'argent des contribuables. Un audit a révélé plus tard que "Nous sommes l'une des organisations qui fait bon usage de l'argent", estime Goddard.

Actuellement, la GALZ est l'un des rares groupes de pression au Zimbabwe qui a un plan de traitement opérationnel pour des gens souffrant du SIDA déclaré. "Nous ne voulons pas que nos membres meurent du SIDA – ils peuvent mourir d'accidents", souligne le médecin de la GALZ, Martha Tholanah.

Avant la fin de l'année, l'association a l'intention de mettre des paquets de condoms à la disposition des gays et des lesbiennes – et d'afficher des pancartes qui avertissent les gens sur les voies par lesquelles les gays pourraient être vulnérables au SIDA.

Portant son programme à une étape supérieure, la GALZ a également fait une demande pour présenter un exposé à la conférence nationale sur le SIDA prévue le mois prochain.

Chesterfield dit que la sensibilisation sur l'homosexualité aurait pu progresser, mais que le sujet indispose toujours plusieurs Zimbabwéens.

"Les gens savent, mais ne veulent pas être confrontés 'à la face visible' des homosexuels", a-t-il indiqué à IPS.