POLITIQUE-SOUDAN: Des chefs d'église se joignent au concert depréoccupations sur le Darfour

NAIROBI, 24 mai (IPS) – Une délégation de la Conférence des églises de toute l'Afrique (CETA) a apporté tout son soutien aux efforts visant à régler la crise humanitaire dans la province occidentale du Soudan le Darfour – provoquée par ce que certains décrivent comme une campagne d'épuration ethnique.

Ceci intervient après un voyage d'une semaine effectué par une délégation du groupe d'églises (ou CETA) dans le pays. Après avoir visité le Soudan à la mi-mai, l'organisation a également demandé une enquête sur les atrocités liées aux droits humains dans le Darfour. "La CETA croit que ce serait dans notre intérêt et dans celui du monde qu'un tel processus soit lancé, pour que tout le monde comprenne et fasse des pressions afin que de tels actes inhumains cessent", a dit, aux journalistes, le chef de la délégation et président de la CETA, Mvume Dandala, dans la capitale kényane, Nairobi, jeudi (20 mai).

Dandala a poursuivi en décrivant la situation dans le Darfour comme "un énorme chaudron, une marmite bouillant, brûlant, saignant et faisant mal à la fois".

Il a également indiqué que la violence s'était emparée de la région du Haut Nil, au Sud Soudan. Dandala a ajouté que des sources oecuméniques dans la région lui avaient dit que les maisons de quelque 23.000 villageois dans la zone avaient été rasées, déplaçant 150.000 personnes. Des milices arabes, soutenues par le gouvernement du Soudan, sont tenues pour responsables de cette destruction.

Des milices arabes ont été également accusées de mener les attaques dans le Darfour, causant le déplacement massif et la fuite d'environ 120.000 personnes vers le Tchad voisin.

Ces milices, connues sous le nom de "Janjaweed" (ce qui signifie "des cavaliers") ont pris pour cible des Soudanais noirs des groupes ethniques Fur, Masalit et Zaghawa – avec le soutien présumé des forces gouvernementales.

Une récente étude de Médecins sans frontières (une agence internationale d'aide) constate : "Il y a environ un million de personnes déplacées par les attaques, dont la plupart sont sans ressources et dans la crainte constate, avec peu de soins médicaux et de vivres, de l'eau et des abris insuffisants".

Le conflit du Darfour a débuté il y a plus d'un an après que deux groupes rebelles, l'Armée de libération du Soudan (SLA) et le Mouvement pour la justice et l'égalité ont commencé par mener des attaques pour protester contre l'incapacité du gouvernement à les protéger contre les Janjaweed, qui appartiennent à un groupe nomade.

Les Fur, Masalit et Zaghawa sont des populations sédentaires – bien qu'elles soient elles-aussi musulmanes. Les mouvements rebelles protestaient également contre ce qu'ils percevaient comme la négligence des besoins de développement dans le Darfour.

La CETA a demandé aux gouvernements africains de prendre position sur les événements au Soudan.

"Nous disons que la situation au Soudan est critique et que le pays a besoin de la compassion et de la solidarité du monde entier – y compris de l'Afrique", a souligné Dandala.

Le Conseil des églises du Soudan aurait écrit des lettres de demande d'intervention aux ambassades étrangères à Khartoum. Tandis que celles des gouvernements du Nord ont répondu, la plupart des diplomates africains auraient paru indifférents au sort des populations de l'ouest du Soudan.

Dandala a ajouté : "Nous travaillons avec les conseils nationaux des églises pour faire en sorte que leurs gouvernements s'impliquent activement dans les questions pouvant faire déboucher les négociations de paix en cours sur une paix durable".

Les négociations en question ont commencé au Kenya en 2002, en vue de mettre fin à un autre confit vieux de 30 ans au Sud Soudan entre le gouvernement islamique et les rebelles du Mouvement/Armée populaire de libération du Soudan (SPLM/A). Les populations vivant au Sud Soudan sont majoritairement chrétiens ou animistes.

Les pourparlers, qui ont repris le 29 avril dans un lieu hors de Nairobi, se déroulent sous la médiation de l'Autorité intergouvernementale sur le développement (IGAD), un regroupement régional. Bien qu'on soit parvenu à un accord sur le partage des revenus provenant des ressources pétrolières de la région, des disputes continuent sur le contrôle de trois zones litigieuses : Abyei, les Monts Nuba et le Nil bleu du sud.

La question de savoir si la loi islamique, ou la charia, devrait s'appliquer à tous ceux qui vivent à Khartoum est également un point de désaccord.

"Nous voyons la capitale comme un endroit neutre qui reflète la diversité culturelle et religieuse des peuples du Soudan. Nous demandons alors que la capitale soit à l'abri de la charia parce que les lois islamiques représentent une seule religion en dehors des nombreuses religions au Soudan", a indiqué le porte-parole du SPLM/A, Yasir Arman, à IPS, dans un entretien téléphonique depuis Naivasha, le lieu où se déroulent les pourparlers.

"Mais pour la sauvegarde de la paix, nous pouvons vivre avec des lois islamiques pourvu que les non-musulmans et les chrétiens soient exemptés de l'application de ces lois. C'est le minimum que nous pouvons espérer", a-t-il ajouté.

Toutefois, le gouvernement est opposé à cette position, au motif qu'un précédent traité – le Protocole de Machakos de 2002 – stipule que la charia s'appliquera aux Etats septentrionaux du Soudan.

"Puisque la capitale, Khartoum, est dans le nord, elle doit être régie par la loi islamique. La loi s'appliquera à tout le monde dans la capitale, qui est une entité du nord", a indiqué Neimat Bilal, un responsable du gouvernement soudanais, dans un entretien avec IPS.

Une source proche des pourparlers a observé que certains perçoivent la querelle relative à la charia comme un stratagème du gouvernement "pour ralentir le processus de paix et se donner le temps d'amasser autant de revenus pétroliers que possible".

"Il s'est rendu compte (que) après l'accord sur le partage de la richesse au début de cette année, il n'aura plus autant d'argent des recettes comme il en recevait auparavant", a indiqué la source, qui ne pouvait être identifiée.

Les Etats-Unis ont également ajouté tout leur poids à la recherche de la paix au Soudan.

Pendant des visites à Nairobi en avril et en mai, le sous-secrétaire adjoint aux Affaires africaines, Charles Snyder, a demandé aux parties en négociation de conclure leurs pourparlers en urgence. Les Etats-Unis, la Grande-Bretagne et la Norvège jouent le rôle d'observateurs dans les négociations.

Plus de deux millions de personnes sont mortes, tandis qu'environ quatre millions ont été déplacées par les combats au Sud Soudan.