AFRIQUE: Progrès lent dans la réduction de la mortalité maternelle

NAIROBI, 14 sep (IPS) – Le médecin d’Agnès Kalunda craignait qu'en raison de sa petite carrure, il y avait une forte chance qu’elle développe des complications pendant l'accouchement.

Alors, il l'a renvoyée à 'Pumwani Maternity Hospital' (Maternité de Pumwani) à Nairobi, la capitale du Kenya, pour qu’elle accouche de son premier enfant. Mais Kalunda aurait pu également bien avoir son bébé à domicile dans la banlieue de Dandora parce que dans la maternité, des infirmières indifférentes l’ont abandonnée et elle a accouché seule.

“Mon bébé allait presque tomber du lit quand une femme en travail sur le lit voisin a crié pour attirer l'attention de l'infirmière. D'autres femmes dans la salle criaient pour l’aide”, a déclaré à IPS, Kalunda, 19 ans, ajoutant que les infirmières ne se sont pas gênées pour s’occuper des femmes en travail. “Une infirmière est venue pour s’occuper de moi alors que j'avais déjà accouché”.

C'est ce manque d'engagement des agents de santé, affirment des experts, qui figure parmi les raisons pour lesquelles l'Afrique ne peut pas réussir à atteindre le cinquième Objectif du millénaire pour le développement (OMD 5) relatif à l'amélioration de la santé maternelle d'ici à 2015 par la réduction de la mortalité maternelle de trois quarts.

Les OMD sont huit objectifs assortis de délais abordant la pauvreté et ses différentes dimensions que les Etats membres des Nations Unies se sont fixés en 2000.

L’OMD 5 est l'une des questions examinées au cours du 'Multi Stake Holders Policy Dialogue' (Dialogue sur les politiques de plusieurs acteurs) organisé par des décideurs africains, des experts médicaux et des partenaires au développement, qui s’est déroulé à Nairobi du 31 août au 2 septembre.

Des études menées par le 'African Institute for Development Policy' (Institut africain des politiques de développement – AFIDEP) en Afrique orientale, occidentale et australe, ont révélé que la plupart des pays ont du mal à fournir un accès universel à la santé de la reproduction et que seuls trois pays dans ces régions sont en bonne voie pour atteindre l'OMD 5.

“Nous pouvons dire que seuls trois pays africains pourraient être sur la bonne voie pour atteindre l'objectif d'assurer une maternité sans risque dans la région. Il s’agit de l'Erythrée, du Rwanda et de l'Ethiopie”, a indiqué Dr Eliya Zulu, le directeur exécutif de l'AFIDEP.

L'Erythrée, un pays dans la Corne de l'Afrique, avait le taux de réussite le plus élevé et a réduit la mortalité maternelle de 70 pour cent, de 930 décès pour 100.000 femmes en 1990 à 280 décès pour 100.000 femmes en 2008.

L'Ouganda a enregistré des progrès acceptables dans le sens de la réalisation de l'OMD 5, réduisant le taux de mortalité maternelle de 670 décès pour 100.000 femmes en 1990 à 430 décès pour 100.000 femmes en 2008.

Cependant, au Kenya, la mortalité maternelle a augmenté, passant de 380 décès pour 100.000 femmes en 1990 à 530 décès pour 100.000 femmes en 2008.

“Contrairement à d'autres pays en Afrique de l’est, le Kenya n'a pas manifesté une volonté politique pour les soins de santé en général. Cela a fait que les chiffres sont allés dans une direction négative”, a déclaré Zulu à IPS.

Le succès de l'Ouganda dans la réduction de la mortalité maternelle a été attribué à l'implication directe du président Yoweri Museveni et de la Première dame, Janet Museveni.

En outre, depuis 2006, des fonds sont alloués dans le budget national pour atténuer la mortalité maternelle, et il y a une initiative législative et de plaidoyer de la part du parlement ougandais.

“Nous avons également un audit sur la mortalité maternelle, où tous les décès sont signalés au ministère de la Santé… cela est utilisé pour comprendre comment ces décès peuvent être évités à l'avenir”, a expliqué à IPS, Dr Collins Tusingwire, le principal responsable médical en charge de l'intégration des services de la santé de la reproduction et du VIH/SIDA au ministère de la Santé de l’Ouganda.

Au Kenya, cependant, les résultats d'une enquête réalisée par la 'Kenya Service Provision Assessment' (Evaluation des prestations de services au Kenya – KSPA) en juin, a révélé que 64 pour cent de toutes les femmes qui ont accouché dans des centres de santé publics à travers le pays n'ont pas reçu les médicaments nécessaires. Plus d'un tiers de l’ensemble des femmes, qui voulaient accoucher dans des installations médicales, se sont plaintes d'avoir été négligées ou maltraitées par des praticiens médicaux.

Aussi, seuls 43 pour cent de toutes les femmes enceintes au Kenya accouchent sous la supervision d'un professionnel de la santé.

Au Rwanda, les accoucheuses traditionnelles jouent un rôle important lors de l'accouchement, notamment dans les zones rurales. Cela a toutefois contribué à la mortalité maternelle, en particulier lorsque les accoucheuses traditionnelles tentent de traiter des cas compliqués au lieu de les envoyer vers des sages-femmes professionnelles.

Mais Dr Odette Nyiramilimo, une femme médecin et politicienne rwandaise, a affirmé à IPS que des accoucheuses traditionnelles offrent certains services aux femmes enceintes qu'elles ne reçoivent pas à l'hôpital, comme prendre soin du confort personnel des mères.

“Toutes ces petites choses, mais très importantes, sont parfois ignorées dans beaucoup d’installations de santé publiques”, a déclaré Nyiramilimo à IPS.

En Afrique de l'ouest, le Ghana a réduit la mortalité maternelle de 44 pour cent, de 1990 à 2008.

Des experts affirment que cela est dû à l’engagement du gouvernement à une politique efficace, à la gratuité des soins prénatals et aux services d’accouchement, ainsi qu’à l’extension des programmes nationaux d'assurance maladie, qui couvrent à la fois des travailleurs formels et informels.

Le pays dispose d’une politique nationale appelée 'Community-based Health Planning Initiative' (Initiative communautaire de planification en santé) – qui vise à fournir des soins de santé aux populations des zones rurales.