KENYA: Les pauvres se décarcassent alors que l’inflation augmente

RIFT VALLEY, Kenya, 8 sep (IPS) – Puisque le taux d'inflation au Kenya a atteint 15,53 pour cent, comparativement aux 3,18 pour cent en octobre 2010, les pauvres du pays ont du mal à acheter les denrées de base les plus essentielles.

Dans certaines régions du pays, des familles n’arrivent plus à avoir des repas réguliers et les ont réduits à un par jour, d'autres se nourrissent essentiellement de pommes de terre pour s'en sortir, et dans une banlieue de la Rift Valley, dans l’ouest du Kenya, des familles pauvres achètent désormais du dentifrice à la goutte.

Jane Wabwire, une habitante de la banlieue de Kwa-Rhonda, à Nakuru dans la Rift Valley, affirme que “la plupart des produits de base sont maintenant devenus un luxe en raison de la hausse des prix des marchandises”.

L'augmentation du prix des aliments et du carburant – notamment le pétrole, le diesel et le kérosène – a été considérée comme étant à la base de la hausse de l'inflation. Le chef du Département d'économie à l'Université Egerton, Njeri Muhia, a déclaré à IPS que la détermination des prix et l'offre ont entraîné le taux d'inflation actuel.

“Après la chute de la production de vivres pendant trois années consécutives, il y a une pénurie nationale, d’où l’augmentation des prix. Cela ne se (produit) pas seulement au Kenya; une réduction de la production (s’observe) également en Ouganda et en Tanzanie, des pays à partir desquels le Kenya importe des aliments. Beaucoup de pays dans le monde sont également touchés; la Tanzanie a interdit l'exportation de maïs en raison de l'insécurité alimentaire là-bas”, souligne Muhia.

Elle indique que l'impact de l’augmentation du taux d'inflation pourrait persister et être toujours ressenti pendant un délai de six mois. Muhia affirme que tant que le shilling kenyan est sous la pression du dollar, le prix du carburant et des aliments continuera à monter. En août, le shilling a atteint un niveau record faible de 95,05 shillings pour un dollar.

“Les couches à faible revenu sont durement touchées par cette situation”, observe Muhia. Le pétrole lampant, une nécessité pour la cuisson et l'éclairage dans une grande partie de la population du Kenya, se vend désormais à 101 shillings kényans (1,08 dollar) le litre, comparativement aux 60 shillings (64 cents) en juin. Ceci, en dépit des efforts du gouvernement d’alléger la hausse des coûts du carburant en réduisant jusqu’à 30 pour cent les taxes sur ce produit.

'Ugali', un repas à base de maïs, est devenu de plus en plus inabordable pour beaucoup. C’est un aliment de base pour plus de 80 pour cent des Kenyans. Le prix d'un sac de deux kilogrammes de cet aliment à base de maïs continue d'augmenter – de 130 shillings (1,4 dollar) en juin à 136 shillings en juillet, puis à 140 shillings (1,5 dollar) en août.

“Je lave les habits pour les gens et gagne 150 shillings (1,60 dollars) par jour, ceci, lorsqu’il y a du travail”, explique Wabwire. Elle dit que son mari est un ouvrier occasionnel et travaille quand il trouve un emploi.

Quand elle trouve du travail, elle utilise son salaire pour acheter un quart de litre de pétrole lampant pour 50 shillings, de la matière grasse pour la cuisine à 10 shillings, du chou frisé, communément appelé 'Sukuma wiki' (qui signifie “tenir la semaine” en kiswahili) pour 10 shillings et un kilogramme de farine de maïs non-tamisée pour 50 shillings.

“A plusieurs occasions, je n’épargne rien, à d'autres moments, j’économise 20 ou 30 shillings pour une urgence et le loyer”, dit-elle.

IPS a rattrapé Wabwire pendant qu’elle faisait la queue avec des centaines d'autres personnes, attendant dans l'expectative leur part de maïs et de haricots offerts par une église locale.

“Je suis obligée de faire la queue, le temps que cela durera importe peu. Je dois attendre jusqu'à ce que j'obtienne une part. Cela permettra à ma famille de tenir pendant quelques jours”, indique Wabwire.

Elle ajoute que certains enfants de son quartier souffrent de malnutrition parce que leurs familles ne peuvent les nourrir que de pommes de terre tous les jours.

Sylvia Meltina, une habitante de la banlieue de Kivumbini – un mot qui signifie en Kiswahili “dans la poussière” – est l’un des parents qui n'ont pas d'autre choix que de nourrir leurs enfants de pommes de terre la plupart du temps. Sa famille de cinq personnes ne dispose plus de repas réguliers, parce qu'elle est incapable d'acheter de la nourriture.

“Pommes de terre et 'githeri' (un mélange de maïs et de haricots) sont devenus désormais fréquents dans ma maison les soirs. Une fois en passant, nous achetons la farine non tamisée, qui est moins coûteuse que la farine tamisée, pour préparer le 'Ugali', puisque les enfants en demandent”, explique Meltina.

Meltina vend des fruits et légumes dans un kiosque pour gagner sa vie.

“Avec l’augmentation du coût de tout pratiquement, vous vous retrouvez dans la dette à la fin du mois parce que vous ne pouvez pas couvrir toutes vos dépenses avec un revenu journalier d'environ 30 shillings”, souligne-t-elle.