MALAWI: Le gouvernement devient un spectacle

LILONGWE, 6 sep (IPS) – Depuis près de trois semaines, le président du Malawi dirige seul les 22 ministères du pays après avoir renvoyé tout son gouvernement. Mais des analystes politiques et économiques affirment que son retard pour former un nouveau gouvernement est préjudiciable au développement du pays.

Certains analystes estiment que le gouvernement est paralysé à cause de cela, tandis que d'autres déclarent que cette situation montre que le président a perdu le contrôle.

Le Malawi fonctionne sans gouvernement suite à une décision sans précédent du président du pays, Bingu wa Mutharika, de le dissoudre le 19 août.

On ne sait pas quand Mutharika formera un nouveau gouvernement. Hetherwick Ntaba, porte-parole du parti de Mutharika au pouvoir, le 'Democratic People's Party' (Parti démocratique populaire (DPP), a déclaré à IPS que le président a le pouvoir de dissoudre le gouvernement.

“Le président peut nommer et limoger les ministres quand bon lui semble, et c'est son droit”, a indiqué Ntaba. Il a confirmé que Mutharika dirigeait tous les 22 ministères.

Toutefois, cette décision vient peu après des manifestations populaires sans précédent contre Mutharika en juillet, au cours desquelles 20 personnes ont été tuées par la police. Les manifestants exigeaient, entre autres, que Mutharika réduise la taille de son gouvernement, qui était passé à 42 ministères contre 29 en 2004 quand il accédait au pouvoir.

Les manifestants ont déclaré que les salaires mensuels de ce gouvernement pléthorique s'élèvent à 100.000 dollars – un montant qui pourrait payer les salaires mensuels de 428 infirmiers ou de 1.000 enseignants. Jusqu'à 60 pour cent des 13,1 millions d’habitants du Malawi vivent en dessous du seuil de pauvreté.

Noël Mbowela, un analyste politique à l'Université Mzuzu, a affirmé à IPS que Mutharika a probablement limogé ses ministres parce qu'il a perdu confiance en eux.

“Il a mis trop de temps pour remplacer le gouvernement et cela seul montre qu'il a des difficultés à diriger le pays et son propre parti. Toutefois, c’est malheureux qu'il tienne tout le pays en otage et retarde le progrès alors qu'il a du mal à décider des personnes à nommer dans le prochain gouvernement”, a déclaré Mbowela.

Il a dit que Mutharika semble avoir perdu le contrôle pour gouverner le pays depuis quelque temps et que les manifestations sans précédent ont seulement confirmé ce fait.

“Le président est allé à la radio et a demandé aux Malawites pourquoi ils doutaient de lui. Il sait qu'il a perdu le contrôle et il a vraiment du mal à résoudre cela”, a indiqué Mbowela à IPS.

En juin, Mutharika s’était adressé au pays sur la radio d’Etat et avait supplié les citoyens du Malawi de lui faire confiance, car il savait ce qu'il faisait. Les Malawites ont une fois félicité Mutharika d’avoir transformé ce pays d'Afrique australe en un grenier de l'Afrique grâce à ses politiques économiques, qui ont profité aux petits agriculteurs.

Mustapha Hussein, un analyste politique à l'Université du Malawi, a dit à IPS que Mutharika est en train de rouler le pays. Il a ajouté que le gouvernement est paralysé à cause de l'absence de ministres.

“L’élaboration des politiques est désormais entre les mains d'un seul homme – le président. Il ne reçoit pas du tout de conseils et c’est dangereux pour le développement du pays”, a déclaré Hussein.

Selon la constitution du Malawi, les ministres sont censés non seulement conseiller le président, mais aussi diriger, coordonner et superviser les activités des ministères, initier des projets de loi à soumettre au parlement et élaborer le budget de l'Etat ainsi que ses programmes économiques.

Mutharika a aussi un différend avec la vice-présidente, Joyce Banda. Il ne travaille plus avec elle et refuse de lui assigner des missions. En décembre dernier, il a expulsé Banda du parti au pouvoir, l'accusant d'insubordination – c’était la dernière fois qu’elle avait travaillé comme membre du gouvernement.

Banda avait refusé de soutenir le frère de Mutharika, Peter, comme candidat du parti au pouvoir pour les élections présidentielles en 2014. Depuis, elle a créé son propre parti, mais demeure toujours la vice-présidente du pays. La fonction de vice-président est un poste électif et constitutionnel.

Toutefois, Hussein espère que Mutharika formera bientôt un nouveau gouvernement plus réduit.

“Le pays ne peut pas dépenser de l'argent sur 42 ministres. Le travail qu'ils font peut être fait par 15 ministres au maximum”, a affirmé Hussein.

Il a dit que dans le passé, le président avait nommé certaines personnes comme ministres pour des raisons politiques.

L'analyste économique, Dalitso Kubalasa, qui dirige le 'Malawi Economic Justice Network' (Réseau pour une justice économique au Malawi), une coalition de plus de 100 organisations de la société civile qui font la promotion de la gouvernance économique, a été d'accord avec Hussein. Il a demandé également que les ministres soient nommés sur mérite, et tôt.

“Nous espérons que le président est en train de prendre son temps pour former un nouveau gouvernement puisqu’il fait des consultations pour choisir les personnes qu’il faut.

“Le président a besoin d'assistance pour maîtriser la turbulence sociale et économique que traverse le pays”, a déclaré Kubalasa.

Le Malawi connaît une crise économique et est confronté à des pénuries de carburant et d'eau, à des coupures d’électricité et à un manque de devises étrangères.

Les relations du pays avec ses bailleurs de fonds traditionnels ont aussi beaucoup pris un coup dur suite aux accusations de mauvaise gouvernance.