Les Filles de l’Afghanistan Ont Besoin de notre Soutien Indéfectible en Matière d’Éducation

NEW YORK, 9 septembre 2021 (IPS) – La prise de pouvoir des Talibans à Kaboul ne date que de quelques jours, et les yeux des Afghans et du monde entier sont prudemment attentifs et espèrent les voir tenir leur parole et s’assurer que l’éducation des filles soit promue et protégée.

Yasmine Sherif

Il y a vingt ans, sous le régime des Talibans qui a régné de 1996 à 2001, la scolarisation des filles était interdite, même si des cours privés à domicile étaient autorisés dans certaines régions du pays. À partir de 2001, la scolarisation des filles et des garçons a connu une progression constante en Afghanistan, accompagnée d’un important recrutement d’enseignantes. Pourtant, malgré les progrès réalisés au fil des ans, 3,4 millions d’enfants afghans, en particulier dans les zones rurales, ne sont toujours pas scolarisés, et 60 % d’entre eux sont des filles.

De nombreuses femmes afghanes instruites et actives, craignant l’avenir, ont, à juste titre, tenté de quitter le pays au mois d’août. Dans un cas, un internat entier pour filles a été évacué. Cela ne doit pas devenir la norme. Chaque Afghan sait que l’éducation des filles – qui représentent la moitié de la population – est essentielle pour que l’Afghanistan se remette de plus de 40 ans de conflit et se réunifie. Tout Afghan croyant connaît la première sourate du Coran, qui dit “Lis” – et que cela s’applique aussi bien aux filles qu’aux garçons – et sait également que la connaissance est au cœur de l’Islam.

Il y a quelques raisons d’espérer que nous pourrons préserver les progrès réalisés ces dernières années, grâce à une combinaison de diplomatie et de soutien internationaux, et à la compréhension apparente de cette nouvelle administration talibane, et de sa possible maturité politique, qu’elle a besoin à la fois de légitimité et de bonne volonté pour gouverner un pays frappé par la sécheresse et fortement dépendant de l’aide étrangère, avec 14 millions de personnes à court de nourriture. Les responsables des Nations Unies font preuve d’un optimisme prudent. La reprise des vols humanitaires de l’ONU est un premier signe encourageant.

Depuis plus d’un an, l’éducation en Afghanistan et ailleurs a été perturbée par la pandémie de COVID-19. Il faudra donc du temps pour que les déclarations des Talibans, selon lesquelles l’éducation des filles se poursuivra, soient clarifiées. Le type d’éducation et l’âge des filles sont des critères importants. Le 23 août, le porte-parole des talibans, Suhail Shaheen, a tweeté une vidéo montrant des filles allant à l’école d’un village. Le monde espère qu’il s’agit là d’un signal indiquant que le nouveau régime est prêt à respecter l’accord conclu avec l’UNICEF en décembre dernier.

Dans le cadre du “Plan de travail Helmand Sangin”, l’UNICEF a obtenu l’accord des Talibans pour étendre les cours d’éducation communautaire (CBE) aux “zones difficiles d’accès et de conflit” dans les provinces de Helmand, Kandahar, Uruzgan et Faryab. Le modèle CBE, qui utilise des bâtiments communautaires – parfois des mosquées – permettrait de créer environ 4 000 classes qui accueilleraient entre 100 000 et 140 000 enfants.

Éducation Sans Délai (ÉSD), le fonds mondial des Nations Unies dédié à l’éducation dans les situations d’urgence et les crises prolongées, s’efforce depuis 2016 d’aider les communautés du monde entier – y compris en Afghanistan – à surmonter les obstacles à l’éducation pour tous, en particulier pour les filles qui sont souvent les premières victimes du manque d’options d’apprentissage.

Le manque d’enseignantes en Afghanistan a souvent été cité comme un obstacle à l’éducation des filles, et l’un des axes du travail de financement d’ÉSD dans ce pays, avec l’UNICEF, Save the Children et les partenaires locaux, a été de faire en sorte que les enseignantes constituent 60 % de nos programmes.

L’éducation n’est pas seulement un droit humain fondamental – elle sauve aussi des vies, des communautés, des sociétés et un pays. L’éducation joue le rôle crucial de fournir aux communautés des lieux sûrs où leurs enfants peuvent apprendre, offrant le cadre nécessaire à la construction d’institutions solides, d’économies plus fortes et de sociétés plus pacifiques. Des jeunes plus instruits gagnent mieux leur vie et sont plus à même de contribuer positivement à la société.

En marquant la “Journée Internationale pour la Protection de l’Éducation contre les Attaques” des Nations Unies le 9 septembre, ÉSD est conscient que les exemples des défis à relever ne manquent pas. Il existe un manque chronique de financement pour ce qui devrait être considéré comme un levier important pour améliorer considérablement la vie des gens dans les zones déchirées par la guerre. En moins de cinq ans, ÉSD et ses partenaires ont atteint près de 5 millions d’enfants et de jeunes dans certains des situations de crise les plus difficiles dans plus de 30 pays, et plus de 29 millions d’enfants grâce à sa réponse éducative d’urgence COVID-19. Pourtant, des millions d’autres filles et garçons sont encore laissés pour compte et ont besoin d’un soutien urgent.

La résolution 2020 des Nations unies défendant l’éducation contre les attaques a été présentée par le Qatar et soutenue par 62 pays afin d’attirer l’attention sur les 75 millions de mineurs d’âge scolaire qui n’ont pas accès à l’éducation et souffrent des effets d’une violence prolongée. Selon les termes de l’Assemblée générale des Nations unies : “C’est aux gouvernements qu’il incombe au premier chef d’assurer la protection et de garantir une éducation de qualité, inclusive et équitable, à tous les niveaux, à tous les apprenants, en particulier ceux qui se trouvent en situation de vulnérabilité.”

L’année qui vient de s’écouler a fourni des exemples tragiques de l’impact des conflits, nouveaux et anciens, sur l’éducation dans le monde, souvent encore intensifié par la crise climatique mondiale et la pandémie.

Des communautés déjà fragiles dans des pays comme l’Afghanistan, le Burkina Faso et le Myanmar ont vu leurs rêves d’éducation pour leurs enfants menacés ou brisés sous la pression de trop nombreuses menaces simultanées.

Le coup d’État militaire qui a eu lieu au Myanmar il y a sept mois a soudainement fait voler en éclats les projets de réforme de l’éducation dont le pays avait tant besoin, tandis que la pandémie avait déjà empêché les élèves de suivre les cours. La situation est particulièrement grave dans les zones rurales pauvres. Les régions frontalières ont vu d’anciens conflits reprendre de plus belle. Des écoles ont été bombardées et des enfants suivent des cours dans la jungle.

Le Burkina Faso et l’ensemble de la région du Sahel central connaissent des crises qui engendrent une détérioration rapide sur plusieurs fronts. Actuellement, plus de 2,6 millions d’enfants ne sont pas scolarisés et dans les six régions les plus sévèrement touchées du Burkina Faso, le taux d’achèvement du cycle primaire n’est que de 29%. Les écoles manquent d’infrastructures pour les élèves déplacés par le conflit, le matériel pédagogique est absent, et l’eau et l’assainissement sont dans un état critique. Certaines salles de classe ont triplé d’effectifs, accueillant désormais plus de cent élèves chacune.

L’éducation est la clé pour briser le cercle vicieux de la guerre et de la division dans un pays, et pour fournir les moyens de relever ces défis dans des contextes locaux et mondiaux. Il est important de se rappeler que toutes les crises de ce type ne font pas les gros titres des médias, et que lorsqu’elles le font, elles disparaissent rapidement pour faire place à la suivante. L’une des dernières interventions d’ÉSD consiste à financer l’éducation de 200 000 enfants en Irak et dans les pays voisins.

Les appels en faveur de l’éducation reçoivent moins de 2 à 4 % du financement humanitaire, mais c’est la résilience des enfants touchés par la crise et leur espoir inébranlable d’accéder à une éducation de qualité qui nous poussent à continuer et nous incitent à agir.

Pour soutenir les enfants d’Afghanistan, et en particulier les filles – et toutes les filles et tous les garçons vulnérables pris dans toutes les zones de crise du monde – ÉSD lance un appel urgent pour que les donateurs des secteurs public et privé apportent dès maintenant leur soutien financier. Leur éducation est sans délai. L’Afghanistan ne peut pas attendre, ni aucun autre pays déchiré par les conflits et les catastrophes. Le temps est venu de respecter pleinement chaque être humain.
Et en particulier des filles et des adolescentes. L’heure est à l’unité, à la paix, à la stabilité et à l’humanité.

L’auteure, Yasmine Sherif, est Directrice de l’organisation Éducation Sans Délai.