SANTE: Le SIDA est le premier tueur des adolescents en Afrique

LAGOS, Nigeria, 17 déc (IPS) – Il y a deux ans, Shola* a été expulsé de la maison familiale à Abeokuta, dans le sud-ouest du Nigeria, après avoir été déclaré séropositif à 13 ans. Il vivait avec son père, sa belle-mère et leurs sept enfants.

“La belle-mère a insisté que Shola s’en aille parce qu'il est susceptible d'infecter ses enfants”, a déclaré à IPS, Tayo Akinpelu, directeur de programmes de l’organisation 'Youth’s Future Savers Initiative' (Initiative des sauveurs de l’avenir de la jeunesse'.

INSTANTANE: LES ADOLESCENTS AYANT LE VIH EN TANZANIE En Tanzanie, de façon alarmante, la prévalence du VIH n'a pas diminué chez les adolescents âgés de 15 à 19 ans entre 2007 et 2012.

Environ 165.000 adolescents vivent avec le VIH, dont 97.000 filles et 68.000 garçons. Certains sont nés avec le VIH et d'autres ont contracté le virus pendant qu’ils étaient enfants ou adolescents.

Afin de mieux comprendre leurs besoins, la Commission tanzanienne pour le SIDA a mené une enquête auprès des adolescents séropositifs âgés de 15 à 19 ans dans sept régions.

Parmi ses conclusions: • Quatre sur dix étaient sexuellement actifs, la plupart du temps avec un partenaire régulier.

• Un peu plus de la moitié ont déclaré utiliser du préservatif lors du dernier rapport sexuel.

• Un tiers ont déclaré avoir subi des violences sexuelles. Peu avaient discuté de ces violences avec des amis ou des parents ou les ont dénoncées aux autorités compétentes.

• Un peu plus d'un tiers étaient informés des services de la planification familiale et de protection de l'enfance L'étude exhorte les autorités de fournir des informations sur les services de protection de l'enfance et de santé sexuelle et de reproduction aux adolescents vivant avec le VIH afin qu'ils puissent faire des choix de vie sans risque et accèdent aux soins et à l’appui.

La prévalence nationale du VIH est de cinq pour cent, selon l'ONUSIDA.

Akinpelu s’est tourné vers la mère de Shola, qui s’est remariée. Mais elle a refusé, affirmant que son père devrait être responsable de leur fils.

“Shola se sentait comme un paria”, indique Akinpelu. Finalement, les grands-parents de Shola l'ont accueilli chez eux.

Le VIH chez les adolescents dévaste des familles au Nigeria et ailleurs en Afrique, où le SIDA est devenu la principale cause de décès chez les adolescents.

“C’est absolument inacceptable”, déclare Craig McClure, directeur des programmes de lutte contre le VIH au Fonds des Nations Unies pour l'enfance (UNICEF), à New York. “Qui plus est, les décès liés au SIDA sont en baisse pour toutes les tranches d'âge sauf les adolescents”.

Le nombre de décès dus au SIDA dans le monde a diminué de 30 pour cent entre 2005 et 2012, mais a augmenté de 50 pour cent chez les adolescents, indique un rapporte de l’UNICEF.

La crainte de solliciter de l’aide L’une des raisons pour ce nombre choquant de décès parmi les adolescents, explique le Dr Arjan de Wagt, chargé de la lutte contre le VIH/SIDA à l'UNICEF à Abuja, c’est le faible nombre d'adolescents sous traitement antirétroviral (TAR).

Sur les 3,1 millions de Nigérians vivant avec le VIH, la moitié ont moins de 24 ans. Mais seulement deux jeunes séropositifs sur dix de plus de 15 ans et juste un sur dix de moins de 15 ans ont reçu ces médicaments salvateurs en 2013, a indiqué de Wagt à IPS.

Le rejet par la famille et la société, comme cela est arrivé à Shola, ou la peur du rejet, empêche les adolescents de demander de l'aide.

“Beaucoup d'adolescents séropositifs meurent en silence parce qu'ils ont trop honte pour accéder au traitement”, a expliqué à IPS, Blessing Uju, une conseillère de la jeunesse basé à Lagos.

“La honte est encore plus grande pour les filles. Au Nigeria, si vous êtes séropositif, l'impression est que vous êtes un travailleur du sexe”, souligne-t-elle.

Sally* n'a pas informé ses parents ou frères et sœurs lorsqu’elle a été déclaré séropositive il y a quatre ans, à 19 ans.

“Au niveau de la famille, il y a beaucoup de stigmatisation”, a-t-elle dit à IPS.

Bien que consciente du danger de ne pas prendre ses médicaments régulièrement, Sally sautait cela souvent afin d’éviter d'être vue avec des pilules à la maison.

“En tant que jeune, vous avez besoin d'un confident. Si vous n'êtes pas fort, vous pourriez finir par vous suicider”, dit-elle.

Les adolescents ont besoin de l'aide de la famille afin de rester sur le TAR, préconise Akinpelu.

Les grands-parents de Shola préparaient normalement le premier repas de la journée dans l'après-midi jusqu'à ce qu’Akinpelu leur ait expliqué que les pilules peuvent causer des nausées lorsqu’elles prises dans un ventre vide et que Shola avait besoin d'un repas copieux plus tôt.

Uju dit que la fatigue de traitement frappe durement les adolescents. “Certains disent qu'ils préfèrent mourir que de continuer à prendre leurs médicaments”, indique-t-elle.

Un nombre élevé de décès Sur les 2,1 millions d'adolescents vivant avec le VIH dans le monde en 2012, plus de 80 pour cent sont en Afrique subsaharienne, selon le Programme commun des Nations Unies sur le VIH/SIDA (ONUSIDA).

Le Malawi, avec 93.000 adolescents séropositifs, a 6.900 décès liés au SIDA chez les adolescents par an.

Ce nombre de décès est lié au retard du diagnostic et du fait de commencer le TAR trop tard, explique Judith Sherman, un responsable de l'UNICEF à Lilongwe.

La politique du Malawi est que tous les enfants vus dans les établissements sanitaires devraient subir un test de VIH. “Malheureusement, cela ne se produit pas systématiquement”, indique-t-elle.

DES FAITS RAPIDES DECES LIES AU SIDA CHEZ LES ADOLESCENTS EN 2013 • Afrique du Sud 11.000 • Tanzanie 10.000 • Ethiopie 7.900 • Kenya 7.800 • Zimbabwe 6.500 • Ouganda 6.300 • Malawi 5.600 • Zambie 4.400 • Mozambique 3.900 • Rwanda 1.200 • Lesotho 1.200 L'adhérence des adolescents au TAR est plus faible que chez les adultes, dit Sherman, “pour une gamme de raisons comme la fatigue de traitement, la dépression, la peur de la stigmatisation, le déni et les relations familiales instables”.

Les quelque 165.000 adolescents de la Tanzanie vivant avec le VIH font face aux mêmes défis que leurs pairs au Nigeria et au Malawi. (voir encadré) Allison Jenkins, chargée de la lutte contre le VIH/SIDA à l'UNICEF en Tanzanie, affirme que l'un des moyens efficaces pour aider les adolescents, ce sont les clubs.

“Les clubs des adolescents améliorent l'adhérence au traitement, en particulier chez les membres qui assistent régulièrement”, a-t-elle déclaré à IPS.

Le VIH chez les adolescents De façon alarmante, la prévalence du VIH chez les adolescents est fortement sexuée, avec les adolescentes qui présentent des taux d'infection que l'ONUSIDA qualifie de “trop élevés”.

Les adolescentes âgées de 15 à 19 ans au Mozambique ont une prévalence de sept pour cent, plus du double chez les garçons du même âge. Le Botswana présente un scénario similaire.

Lucy Attah, de l’organisation des “Femmes et enfants vivant avec le VIH et le SIDA”, basée à Lagos, impute cela à la pauvreté.

“Les filles sont obligées de vendre les relations sexuelles pour de l'argent afin de subvenir à leurs besoins”, dit-elle. “La pression pour l'argent est plus élevée dans les villes où les adolescentes sont en concurrence pour obtenir les meilleurs téléphones portables et vêtements”.

Les adolescents deviennent sexuellement actifs, essayent des drogues et l'alcool, se sentent invulnérables, et vivent les pressions sociales et économiques de devenir adultes. Le VIH et l’absence de services de santé favorables aux jeunes compliquent le problème, indique le rapport de l'UNICEF.

“Nous devons faire plus et le faire bien, en nous concentrant sur l'Afrique subsaharienne et sur les adolescentes, où se situe le plus lourd fardeau”, préconise McClure.

* Les noms ont été modifiés pour protéger l’identité des adolescents Edité par Mercedes Sayagues