JAPON: En quête d'une loi sur le climat pour contrer 'l’Abenomics'

TOKYO, 3 juin (IPS) – Sans se laisser décourager par le consensus national au Japon pour renforcer l’économie, qui est embourbée depuis des décennies dans une croissance terne, des écologistes sont en train de prendre de petites mesures visant à intégrer le changement climatique dans la législation nationale.

Les partisans du plan visant à rendre le Japon plus sensible à l’environnement sont contre la politique populaire 'Abenomics' du Premier ministre Shinzo Abe qui promet accélérer la croissance du Produit intérieur brut (PIB) du pays, actuellement à deux pour cent, à travers une combinaison d’incitations fiscales et de réformes structurelles. Paralysé par la catastrophe à la centrale électrique de Fukushima Daiichi en 2011, le Japon a vu une augmentation des importations de carburant pour compenser le déficit de l’énergie nucléaire, qui fournissait autrefois 30 pour cent des besoins énergétiques du pays. La troisième plus grande économie au monde, avec un PIB de 5,93 trillions de dollars, le Japon importe aujourd’hui 90 pour cent de son énergie, un arrangement qui a laissé le pays avec un déficit de 10,5 milliards de dollars. Cela a également entraîné une forte augmentation des émissions de carbone – jusqu’en 2012 le pays avait enregistré un taux des émissions de 2,46 tonnes par unité de PIB, contre 2,3 tonnes en 2010. Aujourd’hui le Japon est classé parmi les '12 premiers' émetteurs de gaz à effet de serre au monde. Dans ce contexte, les écologistes ont regardé la situation avec consternation puisque l’administration Abe a reculé par rapport à la promesse faite par le gouvernement précédent de réduire les émissions de gaz à effet de serre du pays de 25 pour cent d’ici à 2020 par rapport aux nivaux de 1990. Maintenant, avec les yeux sur le prochain Sommet des législateurs du monde de l’Organisation mondiale des législateurs pour un environnement équilibré (GLOBE) prévu pour se dérouler du 6 au 8 juin à Mexico, au Mexique, avec pour objectif de formuler un accord international sur la législation sur le climat, les écologistes et législateurs japonais luttent pour raviver les vieilles promesses. GLOBE-Japon, un cas pour la comptabilité environnementale GLOBE a été fondée en 1989 avec pour seul objectif de mettre à profit la législation nationale pour répondre aux problèmes environnementaux urgents. Désormais liée au protocole des législateurs adopté lors du Sommet de la terre à Rio en 2012, GLOBE priorise le rôle des législateurs à influencer les allocations budgétaires d’un pays pour expliquer l’augmentation des catastrophes naturelles comme une conséquence du réchauffement de la planète, et pour éviter la destruction des environnements naturels qui a été longtemps justifiée comme étant nécessaire pour la croissance économique. L’un des projets de l’organisation qui fait grand bruit particulièrement au Japon est l’Initiative de GLOBE sur le capital naturel (GNCI), qui est basée sur la réalité froide que l’utilisation non durable des ressources naturelles n’accélère pas, à long terme, le PIB d’un pays; en fait, elle peut en réalité rendre le pays plus pauvre.

“Nous travaillons dur pour gagner le soutien des parlementaires à mettre en œuvre une législation qui fera de la comptabilité environnementale un critère pour la prise de décisions”, a déclaré à IPS, Jinichi Ueda, directeur adjoint de GLOBE-Japon, s’empressant d’ajouter: “Ce n’est pas facile”. La comptabilité environnementale considère l’impact de l’activité économique sur les ressources naturelles d’un pays et calcule tous les coûts liés au développement, y compris par exemple la facture pour nettoyer un site contaminé, les dépenses sur la gestion des déchets, ou les amendes et les pénalités environnementales. Ueda assiste la directrice de GLOBE-Japon, Yoriko Kawaguchi, une ancienne ministre des Affaires étrangères et de l’Environnement connue pour son insistance sur le calcul de l’avantage économique des écosystèmes. Kawaguchi, aujourd’hui membre de la 'House of Councilors' (Chambre des conseillers) – la plus haute chambre de la Diète nationale du Japon – a lancé des séances d’études pour que les parlementaires approfondissent leur compréhension du capital naturel du pays, et pour obtenir leur soutien pour la GNCI. “Le premier pas pour inclure la comptabilité environnementale dans la politique en général est de convaincre les politiciens japonais à travers des programmes d'études. Ils doivent se rendre compte que la croissance économique ne peut être durable qu’en calculant la contribution des ressources naturelles”, a affirmé Ueda.

Déjà, le Japon s'est lancé dans une recherche méticuleuse qui peut être déployée pour motiver ses dirigeants politiques.

Un exemple, c’est l'Institut de recherche halieutique d'Aichi (AFRI), qui, sous la direction du Dr Mitsuyasu Waku, conduit un projet de plusieurs millions de yens visant à restaurer les plaines dans la baie de Mikawa, située dans la préfecture d'Aichi, dans le centre du Japon.

Les zones humides côtières formées à partir de dépôts de boue, de battures sont des écosystèmes essentiels, fournissant le terreau fertile pour des centaines d'espèces et prévenant l'érosion côtière. Les battures dans la baie de Mikawa sont considérés comme l'une des zones de pêche les plus fertiles du Japon, soutenant un grand nombre d'espèces marines ainsi que l'économie locale.

Malgré leurs avantages documentés aux niveaux local et national, les battures constituent un écosystème menacé au Japon où, dans les années 1970, 1.200 hectares de la riche terre de la partie orientale de la baie de Milkawa ont été dégagés en vue de la construction d'un port.

Le résultat a été une augmentation significative des 'marées rouges', aussi appelées la prolifération d'algues – des concentrations anormalement élevées de micro-organismes aquatiques qui peuvent libérer des toxines naturelles qui sont mortelles pour les espèces marines et côtières. Les marées rouges ont été longtemps associées aux taux de mortalité élevés des lamantins, et peuvent détruire les rendements de pêche.

S'exprimant à IPS, Waku a expliqué que la restauration et la préservation de la baie de Mikawa – célèbre pour ses prises massives de palourdes à cou court qui fournissent un moyen de subsistance pour des milliers de pêcheurs – renforcent l'argument économique pour la protection du capital naturel.

Les prises de palourdes à Aichi avoisinent 20.000 tonnes par an, ce qui représente des bénéfices de quelque 39 millions de dollars pour l'industrie locale de la pêche chaque année. “Les avantages économiques seuls de l’entretien des battures, pas même y compris leur contribution naturelle de purification de l'eau, sont assez évidents”, a déclaré Waku à IPS.