INDE: La sagesse traditionnelle pour secourir pendant la saison des cyclones

PORT BLAIR, Inde, 15 mai (IPS) – Les mois de mai et de novembre amènent les cyclones les plus vicieux aux pays riverains de la baie du Bengale, en Asie du sud-est.

Les gouvernements locaux sont alors obligés de prendre précipitamment des mesures d'atténuation des catastrophes, notamment le stockage de vivres, le nettoyage des abris anticyclones, l'approvisionnement en eau, l'assainissement des infrastructures, et l'évacuation des personnes vers des endroits sécurisés dans toutes les régions bordant la baie.

“Suivant la définition des forces du marché de l’offre et de la demande par les économistes, les Jarawa vivent dans l'opulence”, a déclaré le professeur Anvita Abbi.

Les cyclones constituent le signe avant-coureur des moussons qui surviennent en densités variées pendant des mois à travers le sous-continent, mettant souvent en péril des vies et le bétail.

Risquant le rejet d’une distribution de vivres insensible à la culture aux personnes évacuées, les gouvernements recourent généralement à des rations de survie qui mettent l'accent sur les durées de conservation et la logistique de transport, ignorant souvent la sagesse indigène en matière de balance nutritionnelle et de distribution qui complète les conditions agro-météorologiques et hydrogéologiques locales.

Par exemple, en cas de cyclones ou de conditions météorologiques ne permettant pas la navigation, “les populations de la Grande Andaman ont recours à la chasse et la cueillette”, a indiqué Anvita Abbi, un professeur au Centre de la linguistique, à la Faculté des études de langues, la littérature et des cultures à l'Université Jawaharlal Nehru, à New Delhi, qui a déchiffré la langue des gens de la Grande Andaman, dans les îles Andaman-et-Nicobar.

“Lorsqu’un oiseau spécial chante une chanson, ils savent que c'est le moment de partir à la chasse des tortues sur la plage au lieu d’aller pêcher dans la mer”, a expliqué le professeur Abbi à IPS.

Ces tribus s’en remettent aux conditions géomorphologiques et respectent la bienveillance de la nature en matière de résilience aux catastrophes. La panique des gouvernements pourrait paraître redondante pour ces tribus: pas étonnant qu'ils soient en désaccord avec la société en général et refusent le contact avec un système corrompu qui favorise quelques-uns. La sagesse traditionnelle de ces tribus les aide à aller littéralement vers la côte pour la sécurité.

“Les Nicobarais et les Jarawas se tournent vers la pêche au harpon dans les eaux peu profondes pendant les temps incléments. Ils ont des barques pour la pêche en haute mer ainsi que des pirogues et des catamarans pour la pêche côtière”, a indiqué A. Justin, un anthropologue au Centre régional d’enquête anthropologique de l’Inde à Port Blair.

Les pirogues et les barques sont respectueuses de l'environnement pour les récifs coralliens dans les mers peu profondes. “Les gens de Chowra sont mieux connus pour la fabrication de barques de pêche. En retour, ils échangent d'autres biens et services que l'argent ne peut pas acheter dans le district tribal des îles Nicobar”, a souligné Justin à IPS.

“Les gens de la Grande Andaman orientent leurs activités de pêche vers les ruisseaux et rivières de l’intérieur lorsque la mer est agitée”, a ajouté le professeur Abbi.

A Orissa, les tribus et les populations de cet Etat utilisent cinq variétés différentes de riz pour compléter les changements saisonniers dans cet Etat prédisposé aux catastrophes.

Alterner la production de cultures avec des cultures complémentaires qui peuvent agir comme des pesticides naturels est une autre tradition des Soligas de 'B.R.T. Hills', dans l’Etat du Karnataka, en Inde. Les Soligas connaissent aussi l'art de réfrigération des aliments dans des tiges de bambou.

Les tribus du Ladakh réfrigèrent le yaourt dans des sacs de conservation pour faire du thé au beurre. “Pour faire face à des conditions météorologiques extrêmes dans le désert froid du Ladakh, ils consomment des aliments gras et boivent beaucoup de thé au beurre”, a expliqué à IPS, Chewang Norphel, un agent social à Leh, dans l'Etat du Jammu-et-Cachemire.

“Les maisons tribales sont faites de briques en terre cuite séchées au soleil avec un plafond en terre et un toit bas. Une porte et des fenêtres de petite taille donnant sur le côté nord constituent d'autres caractéristiques de cette architecture écologique”.

Selon Dr Avula Laxman, directeur adjoint à la Division des études communautaires du Bureau national de surveillance de la nutrition – l’Institut national de la nutrition, “Oui, des tribus adoptent effectivement des stratégies d'adaptation, en particulier lors des catastrophes naturelles comme les sécheresses/inondations”.

“Elles adoptent différentes mesures telles que la consommation d'aliments à faible coût, la réduction de la consommation de nourriture, l’emprunt des vivres ou de l'argent en fonction de leur statut socio-économique, la sollicitation de l'aide du gouvernement ou de l'administration, l’utilisation des céréales stockés, ou des stocks de vivres, ou la dépendance de l'épargne; [elles] peuvent migrer pour des emplois ou vendent des biens pour acheter des vivres”, selon une enquête réalisée par l'Institut national de la nutrition à Hyderabad, a indiqué Laxman à IPS.

La pratique de la cuisine commune et du manger en commun est basée sur le partage des ressources, et l'individualisme est un anathème pour la société tribale.

Les banques de lait maternel constituent l’autre meilleure pratique qu'elles ont “transférée en tant que technologie à faible coût” à l'humanité modernisée.

La sagesse traditionnelle veut que si une mère meurt à l'accouchement et que l'enfant survit, n’importe quelle autre mère allaitante dans la communauté ou même dans un hôpital assume la responsabilité de l'allaitement maternel.

Même lorsque la mère naturelle n'a pas assez de lait maternel, d'autres mères qui allaitent prennent le relais pour fournir au nouveau-né la nutrition et la résilience essentielles. Dans la société Jarawa, en effet, chaque mère allaitante allaite tout nouveau-né afin de renforcer une formation des liens affectifs dans les nouvelles générations, selon le livre intitulé “Les îles Andaman-et-Nicobar dans le 20e siècle”, écrit par Kiran Dhingra.

“Leurs liens de parenté ont évolué. Il n'est pas surprenant que les femmes allaitantes qui restent derrière à 'Strait Island' [dans les îles Andaman-et-Nicobar] commencent à garder les enfants de celles qui sont employées loin à Port Blair. Ce n'est donc pas surprenant qu'elles allaitent un autre bébé”, a expliqué Abbi.