ETATS-UNIS: Accouchement à domicile, plus de femmes en pèsent les pour et les contre

NEW YORK, 28 jan (IPS) – C’était un travail long et difficile qui a duré 10 heures. “N’abandonne pas” se souvient Caroline Pinheiro de ce que sa doula – une accompagnante à la naissance – lui disait pendant qu’elle lui fournissait l’appui physique et émotionnel.

Pinheiro déclare qu’elle a choisi l'accouchement à domicile avec l'aide d'une sage-femme parce qu'elle voulait un environnement sûr, plus les bons soins que cette méthode fournit, dont un exercice d’étirement, le massage des pieds et l'aromathérapie.

Puisque Pinheiro ne pouvait pas s'asseoir pour manger pendant les 10 heures de travail alors qu’elle avait besoin de force pour la poussée, la doula lui a pressé “un jus de [chou frisé et de fruits] verts frais” et apportait constamment des carafes d'eau.

“Une doula est recommandée si la mère choisit [l’accouchement] à domicile, parce qu'elle vient chez vous et vous guide jusqu'au moment approprié pour la sage-femme d’intervenir”, explique Pinheiro à IPS.

Le bébé de Pinheiro avait les pieds vers le bas, et il a fallu trois heures pour le retourner. “Généralement, la poussée devrait durer deux à trois heures”, affirme-t-elle.

“Si j'étais dans un hôpital, ils ne me permettraient pas de pousser aussi longtemps et suggèreraient une césarienne. Je ne voulais pas cela”, ajoute-t-elle. “Ma doula et moi avons convenu de l'intervention de la sage-femme seulement lorsque le bon moment était arrivé”.

Selon Pinheiro, la sage-femme joue le rôle de médecin et remplace le milieu hospitalier plus clinique qui a des méthodes holistiques et homéopathiques. “Donc, il n'y a pas de médicaments pendant la poussée. Elle me guidait simplement de manière holistique dans les positions que je pouvais essayer”, indique Pinheiro.

Bien que les femmes aux Etats-Unis dépensent 98 milliards de dollars par an sur l'hospitalisation pour la grossesse et l'accouchement, le taux de mortalité maternelle du pays a doublé au cours des 25 dernières années, pour atteindre environ 15 décès pour 100.000 naissances. Actuellement, les Etats-Unis sont 50ème dans le monde en termes de mortalité maternelle, figurant au bas des pays les plus développés.

“Ma sage-femme a pris soin de moi tout au long de ma grossesse et était là à mes côtés tout le temps, donc je savais que je me sentirais plus en sécurité”, a déclaré Pinheiro. Elle a dit que le fait que la sage-femme l’aide à accoucher à domicile l’amenait également à se sentir plus en intimité. “Si vous êtes dans un environnement sûr, vous serez bien”.

Sandra Londino, une sage-femme diplômée qui dirige un cabinet privé à Ithaca, à New York, affirme que plus de 90 pour cent des naissances menées avec l’aide des obstétriciens se font dans les hôpitaux. Pour la plupart, l'utilisation de la technologie moderne s’est révélée efficace dans la détection précoce des complications et la fourniture de solutions plus rapides, mais il existe des inconvénients aussi.

Londino déclare que lorsque les femmes posent des questions sur la naissance et l'accouchement, elles sont trop souvent “repoussées” ou on ne leur dit pas la vérité.

“Beaucoup acceptent simplement une [rachianesthésie] péridurale ou une césarienne rapide juste parce que le médecin le dit”, ajoute- t-elle. “Peut-être cela est dû à l'argent et au pouvoir, parce que nous ne voyons plus de naissances physiologiques. Il existe à peine des naissances naturelles dans ce pays”.

Beaucoup de femmes qui choisissaient au début l’obstétrique pour une assistance prénatale et l’accouchement optent désormais pour l'accouchement à domicile avec l'aide thérapeutique d'une doula, un phénomène qui a augmenté de 41 pour cent de 2004 à 2010, selon Londino.

Sarasvati Vedam, présidente de 'Home Birth' (Accouchement à domicile) à 'American College of Nurse-Midwives' (Association des sages-femmes infirmières des Etats-Unis), indique que cette méthode est de plus en plus dominante.

“L’on peut toujours changer d'avis et aller à l'hôpital”, souligne Vedam. “Les femmes apprécient tout simplement le confort et les soins continus de quelqu'un avec qui elles sentent une relation plus personnelle, comme une sage-femme”.

Les résultats d'une enquête montrent que des femmes enceintes ont choisi l’accouchement à domicile afin d'éviter des interventions inutiles et d'avoir plus de contrôle sur les décisions prises par rapport à leur accouchement. Certaines ont déclaré qu'elles font confiance à la naissance naturelle comme un processus naturel et sain et ne voulaient pas d’une quelconque séparation de leur nouveau-né.

D'autres ont affirmé qu'étant donné qu’elles ont porté une grossesse saine, l’accouchement à domicile les amènerait à se sentir plus en sécurité en réduisant la possibilité de contracter une infection ou d'être amenées à subir une césarienne.

Toutefois, l’Association des obstétriciens et gynécologues des Etats-Unis (ACOG) estime que les accouchements à domicile sont dangereux et ne les soutient pas.

“Il est important de se rappeler que les accouchements à domicile ne se déroulent pas toujours bien, alors, en tant que médecins, nous avons l'obligation de fournir aux familles des informations sur les risques, les avantages et les limites”, a déclaré Richard N. Waldman, président du groupe.

Les compagnies d'assurance ont décidé de suivre les conseils de l'ACOG en refusant de rembourser les clients pour les accouchements à domicile. Londino affirme qu'elle ne comprend pas cette logique du point de vue financier.

“Les accouchements à l'hôpital, sans intervention ou complication, coûtent environ 9.500 dollars, qu’une compagnie d'assurance est prête à payer”, indique-t-elle. “Pourtant, un accouchement à domicile effectué par une sage-femme, dont la facture comprend des visites prénatales régulières, tous les outils nécessaires et l’accouchement, coûte seulement 3.500 dollars – qu’on refuse de rembourser”.

Ellen Cohen, une sage-femme d'hôpital à la retraite, qui a écrit un livre sur l'efficacité des soins prénatals afin de mettre au monde en sécurité les bébés sans technologie moderne, affirme le fait de porter un enfant est un moment vulnérable dans la vie des femmes où elles essaient de faire le mieux pour elles-mêmes et leur leurs nouveau-nés.

“Si les gens voient l'accouchement comme un incident pathologique au lieu de quelque chose de naturel, alors ils utiliseront une machine pour les aider à se sentir en sécurité – même quelque chose comme le suivi électrique [du rythme cardiaque] du fœtus”, a ajouté Cohen.

Cependant, cette méthode n'est pas pour tout le monde, a prévenu Pinheiro. “Si vous vous sentez plus en sécurité dans un hôpital, alors faites-le, mais il ne devrait pas exister une hypothèse selon laquelle les hôpitaux sont plus sûrs que la maison. Les gens répondent mieux quand ils sont dans leur propre environnement. Pour moi, c’était une expérience remarquable”.