ETHIOPIE: La migration saisonnière fait échouer le planning familial

DOLLO ADO, Ethiopie, 21 jan (IPS) – Yohamin Kesete, 32 ans, et ses six enfants vivent à Dollo Ado, une communauté d’éleveurs dans la région éthiopienne de Somali touchée par la sécheresse. Mais ce n'est pas là où vous les verrez toujours.

Kesete déclare que comme les températures augmentent et que les pluies deviennent encore plus rares, sa famille, en quête d'eau et de pâturages, est souvent obligée de quitter la zone.

“Nous devons survivre, alors nous allons dans d'autres régions. C'est une zone difficile. Il y a eu des moments où j'étais obligée de me déplacer bien qu’étant enceinte parce que le temps était trop sec et il n'y avait rien à manger. Nous ne pouvons pas rester à Dollo Ado juste pour que nous puissions accoucher à l'hôpital, nous mourrons de faim”, indique-t-elle à IPS.

Son village se trouve à environ 980 kilomètres de la capitale, Addis-Abeba, et à cause de la vie nomade de la communauté ici, il a été difficile pour le gouvernement et les ONG communautaires de fournir des services de planning familial.

“Bien que je puisse nourrir à peine les enfants que j’ai maintenant, je crains que je n’aie six autres enfants avant d’avoir 40 ans”, affirme Kesete.

Le planning familial a été reconnu et mis en œuvre comme une partie importante du développement mondial, en particulier pour le rôle qu'il joue dans la réduction de la mortalité maternelle et dans l’amélioration de la santé maternelle.

Mais l’Enquête démographique et de santé de l'Ethiopie montre que le besoin non satisfait pour les contraceptifs dans ce pays de la Corne de l'Afrique se situe aujourd’hui à 25,3 pour cent. En outre, pour 100.000 naissances vivantes, 676 femmes meurent, ce qui a légèrement augmenté par rapport à 673 décès en 2005.

“La migration saisonnière chez les communautés d’éleveurs continue d'entraver les efforts visant à assurer que non seulement ces communautés ont accès au planning familial, mais qu'elles disposent également de plus de choix en matière de planning familial”, explique à IPS, Feven Alazar, une sage-femme moderne qui travaille pour le ministère de la Santé de l’Ethiopie.

“Chez les communautés d’éleveurs, les décès maternels sont beaucoup plus élevés. Non seulement la prévalence de la contraception est faible mais aussi les femmes accouchent à la maison, ce qui entraîne souvent des complications. Au moment où elles sont amenées précipitamment dans un établissement sanitaire, c’est généralement trop tard pour sauver ou le bébé ou la mère”, déclare- t-elle.

Alazar souligne que lorsque les éleveurs quittent une région à la recherche de l'eau, les agents locaux de vulgarisation de la santé – qui fournissent aux femmes l'accès au planning familial au niveau des ménages – s’en vont aussi. “Tout comme la communauté, les agents de vulgarisation de la santé quittent les zones arides quand le temps devient trop sec. Ils doivent survivre”, explique-t-elle.

Par conséquent, affirme-t-elle, un nombre important de femmes dans les zones arides et semi- arides de l'Ethiopie n’ont pas encore pleinement accès aux contraceptifs.

“Plus il y a des choix pour le planning familial, plus les chances que davantage de femmes utiliseront des contraceptifs sont élevées parce qu'elles recherchent et trouvent une méthode qui marche pour elles”, explique Alazar.

Bien que le centre et le sud-ouest de l'Ethiopie aient des taux de prévalence de la contraception plus élevés – jusqu’à 56,3 pour cent pour Addis- Abeba – on ne peut pas en dire autant des communautés d’éleveurs dans l'est et le sud de l'Ethiopie. Dans ces zones vous trouverez certains des taux de prévalence de la contraception les plus bas dans le pays.

“Il y a beaucoup de réfugiés somaliens à Dollo Ado, qui a une population d'environ 500.000 habitants. Dans le camp de réfugiés de Kobe, il y a environ 127.000 personnes et Bokolmanyo [un autre camp de réfugiés à Dollo Ado] compte environ 130.000 personnes. Ici, la prévalence de la contraception est inférieure à huit pour cent. Pourtant, le planning familial est importante pour réduire la mortalité maternelle”, indique à IPS, Mekuria Altaseb de la 'Family Guidance Association of Ethiopia' (Association d'orientation familiale d’Ethiopie), une ONG locale.

Altaseb reconnaît que le gouvernement travaille vers la réinstallation des éleveurs vivant dans les zones arides dans les régions ayant de meilleures conditions climatiques, mais affirme que “ce n’est pas assez de choses qui se font pour protéger les éleveurs contre le changement climatique”.

“Alors qu’une région comme Dollo Ado est très sèche, il y a deux grands fleuves dans la zone. Le fleuve Dawa est à la frontière entre le Kenya et l'Ethiopie, tandis que le fleuve Ganale traverse Dollo Ado. Des innovations devraient être mises en place afin d’aider les éleveurs à accéder facilement à l'eau et l'utiliser non seulement pour le bétail, mais aussi pour l'agriculture afin qu'ils ne soient pas obligés de continuer à se déplacer”, déclare-t-elle.

Altaseb affirme que l'Ethiopie a augmenté la prévalence de la contraception de seulement 15 pour cent en 2005 à 29 pour cent en 2011 dans un effort visant à réduire la mortalité maternelle à 267 d’ici à 2015. Mais les statistiques des organisations telles que le Fonds des Nations Unies pour la population montrent que l'Ethiopie et six autres pays, dont le Nigeria et la République démocratique du Congo, représentent encore environ la moitié de tous les décès maternels dans le monde.

“Sans un accès au planning familial, les femmes dans les communautés d’éleveurs… continueront à accoucher jusqu'à ce que leurs utérus s’assèchent”, indique Alazar.