ZIMBABWE: Des gens repartent ailleurs pour une meilleure vie

HARARE, 14 oct (IPS) – Admire Gumbo, 26 ans, originaire de Mabvuku, une banlieue à forte densité de Harare, est peu disposé à quitter le Zimbabwe pour retourner au Botswana. Cependant, il estime qu'il n'a pas d’autres choix que de retourner dans ce pays voisin où il a travaillé pendant trois ans comme ouvrier manuel.

“Je suis un électricien qualifié avec un diplôme national. Auparavant, lorsque j’étais au Botswana, je n'avais jamais eu un emploi décent, mais je me débrouillais avec des emplois occasionnels généralement en tant que bâtisseur assistant dans l'industrie de la construction où je gagnais 60 pulas [environ sept dollars] par jour. Aujourd’hui, retourner là-bas est une décision difficile que j'ai prise parce que je n’arrive pas à trouver du travail ici”, a déclaré Gumbo à IPS.

Un peu plus de deux mois après que les élections controversées dans le pays ont vu le président Robert Mugabe gagner un nouveau mandat, des Zimbabwéens, convaincus qu'il n'y aura aucun changement de règle ici, quittent le pays en grand nombre.

Edwin Gandari, président de l’Association des transporteurs transfrontaliers du Zimbabwe, un groupe qui transporte des émigrants sans papiers, a indiqué à IPS que les affaires ont atteint leur point culminant après les élections du 31 juillet dans ce pays d'Afrique australe.

“Nous n'étions pas sûrs de nos affaires peu de temps après les élections ici jusqu'à plus d'un mois plus tard lorsque les gens qui voyagent pour chercher de meilleures opportunités dans les pays voisins ont commencé à solliciter nos services en grand nombre”, a-t-il indiqué.

“En moyenne, notre association enregistre désormais par jour environ 1.200 migrants sans papiers qui traversent la frontière pour aller dans des pays voisins comme l'Afrique du Sud, le Mozambique et le Botswana après le scrutin”, a ajouté Gandari.

Un responsable à la frontière Afrique du Sud-Zimbabwe a déclaré que le nombre de Zimbabwéens qui traversent la frontière pour se rendre en Afrique du Sud avait presque doublé.

“Notre gouvernement a salué l’issue des élections au Zimbabwe, mais étonnamment, plus de deux mois après ce scrutin, nous enregistrons aujourd’hui plus de 700 Zimbabwéens par jour qui passent par la frontière pour aller en Afrique du Sud”, a souligné à IPS, ce responsable qui a requis l'anonymat.

Selon ce responsable, avant les élections de cette année, environ 400 Zimbabwéens traversaient la frontière pour se rendre en Afrique du Sud tous les jours.

On estime que plus de trois millions des 12 millions d’habitants du Zimbabwe ont quitté le pays après 2000, durant la période où l'effondrement économique du Zimbabwe avait atteint son point culminant. Entre 2003 et 2009, le pays avait l'un des pires taux d'hyperinflation au monde et son inflation d’année en année était annoncée comme étant de 231 pour cent.

Le nombre de réfugiés qui fuyaient le Zimbabwe était si élevé qu’en 2009, le ministère des Affaires intérieures d'Afrique du Sud avait déclaré un moratoire sur l'expulsion des réfugiés zimbabwéens sans papiers et les a autorisés à rester en Afrique du Sud officiellement en leur accordant des permis de travail et d'étude.

Comme beaucoup de Zimbabwéens, Jason Mandundu, 31 ans, qui est revenu au pays en provenance d’Afrique du Sud voisine, au début de cette année, espérait que cette disposition ne serait plus nécessaire et qu'un nouvel ordre politique signifierait qu'il pouvait rentrer chez lui indéfiniment.

“Nous espérions un nouveau Zimbabwe sous un nouveau gouvernement qui n’est pas dirigé par Mugabe. Mais aujourd’hui, il a volé son retour à 'State House' [la présidence du Zimbabwe] et nous ne voyons aucun espoir économique sous sa direction. Sûrement pour des gens comme moi, il n'y a aucun espoir, à part demander à vivre en Afrique du Sud”, a déclaré Mandundu à IPS.

“Les gens partent parce que le Zimbabwe s'est avéré incapable d'offrir d'autres moyens de survie aux chômeurs”, a indiqué à IPS, Okey Machisa, directeur de l'Association zimbabwéenne des droits de l'Homme.

Des économistes s'accordent à dire que le regain de l'exode des Zimbabwéens vers les pays voisins est dû au climat économique immuable dans le pays. L’effondrement économique du pays a été imputé aux politiques de Mugabe, parmi lesquelles figure un programme de réforme agraire controversé qui a commencé en 2000 et a vu plus de 300.000 personnes occuper de force des terres appartenant auparavant à environ 4.000 fermiers commerciaux blancs.

Avant cela, l'agriculture employait 60 à 70 pour cent de la population et contribuait pour 15 à 19 pour cent au produit intérieur brut annuel du pays.

“Rien de notable ne change réellement ici; la vie devient plutôt plus dure et plus chère de jour en jour depuis que [l’Union nationale africaine du Zimbabwe – Front patriotique] ZANU-PF a obtenu la victoire de façon controversée aux dernières élections. Les Zimbabwéens qui avaient commencé à rentrer petit à petit au pays, se dirigent maintenant vers les pays voisins”, a déclaré à IPS, Kingston Nyakurukwa, un économiste indépendant.

Prosper Chitambara, un économiste à l'Institut de recherche sur le travail et le développement économique du Zimbabwe, un groupe de réflexion économique indépendant, a approuvé cela. “Il y a tellement d'incertitudes et de questions sans réponse concernant le cours et la direction de l'économie”.

John Robertson, directeur de 'Robertson Economic Information Services', a déclaré à IPS que des Zimbabwéens émigraient vers les pays voisins largement à cause du manque de respect des droits de propriété par la ZANU-PF au pouvoir.

“Le constat qu'aucune création de nouveaux emplois ne peut être en train de les attendre ici a poussé des gens, qui espéraient un changement, à rechercher des opportunités au-delà de nos frontières. Ils voient aussi les effets néfastes du manque de respect pour les droits de propriété de la part du gouvernement de la ZANU-PF”, a expliqué Robertson à IPS. En vertu de la Loi 2007 sur l'indigénisation et l'autonomisation économique, les entreprises appartenant aux étrangers sont tenues de vendre 51 pour cent de leurs actions aux locaux afin de stimuler la croissance économique. Dans une interview précédemment accordée à IPS, Robertson avait indiqué que cette politique avait fait fuir les investisseurs et avait amené plusieurs entreprises à fermer après avoir été reprises par des locaux.