ETHIOPIE: Ensemencer la sécurité alimentaire future du pays

ADDIS-ABEBA, 7 oct (IPS) – Datta Dudettu et ses sept enfants savent ce que c'est que la faim. Ils vivent à Woliyta, une zone en proie à la sécheresse dans le sud de l'Ethiopie qui a connu des pénuries alimentaires chroniques. Mais, espère-t-on, grâce à l’utilisation réussie de semences hybrides, cela appartient désormais au passé.

“Ce n'était pas rare de connaître des pénuries alimentaires chroniques dues à la sécheresse ou aux maladies des cultures. Mes enfants étaient encore trop faibles pour aller à l'école”, a déclaré Datta à IPS.

Datta et un certain nombre d'autres agriculteurs de la Corne de l'Afrique connaissent une amélioration de la sécurité alimentaire et des moyens de subsistance depuis l'introduction des semences hybrides dans la région.

En 2013, des essais de semences hybrides étaient devenus des stratégies à long terme visant à réduire la faim pour de grandes organisations agricoles dans la région, y compris l’ONG 'Self Help Africa' et l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO).

“Des variétés de semences améliorées sont développées en croisant des semences provenant des variétés [d’autoproduction] pollinisées en plein air afin d’obtenir les meilleures caractéristiques pour créer une semence à rendement élevé, alors que les Semences génétiquement modifiées exigent l'introduction des gènes d'un organisme dans le génome d'une plante pour aboutir aux caractéristiques souhaitées”, a expliqué à IPS, John Moffett, directeur des politiques à 'Self Help Africa'.

Des semences hybrides améliorées offrent des avantages aux petits fermiers sans les dangers qui viennent avec les cultures génétiquement modifiées, a indiqué Moffett. “Nous craignons que l'introduction des cultures génétiquement modifiées ne puisse avoir un impact sur l'intégrité génétique des variétés pollinisées en plein air avec des effets négatifs sur les agriculteurs qui dépendent des semences conservées”, a-t-il souligné.

L’Ethiopie interdit actuellement l’utilisation des cultures génétiquement modifiées. “Les vieilles semences nous ont donné une petite récolte. Mais les nouvelles semences nous fournissent constamment une récolte bien meilleure chaque année… Depuis l’augmentation de notre récolte, ils ont plus d'énergie à aller à l’école et recevoir une éducation”, a déclaré Datta qui produit des cultures à tubercules.

En 2010, la FAO lui a donné au début 100 kilos de semences améliorées de taro à partir desquelles il a pu récolter 800 kg.

Trois Ethiopiens sur quatre sont engagés dans l'agriculture, principalement dans les cultures pluviales et de subsistance. Malgré cela, plus de 31 millions de personnes, sur une population totale de 91 millions d’habitants, n'ont pas d’aliments nutritifs adéquats dans leur régime, selon la FAO.

Le gouvernement éthiopien essaie de transformer le secteur agricole du pays à travers l'Agence éthiopienne de transformation de l’agriculture (ATA).

L’ATA croit que “ce ne sont pas toutes les semences qui sont créées égales” et investit dans des semences améliorées, de meilleure qualité, à rendement plus élevé comme une stratégie visant à augmenter la productivité dans bon nombre de petites fermes agricoles éthiopiennes.

“Les variétés de semences à potentiel élevé peuvent doubler, voire tripler les récoltes d'un agriculteur, ce qui se traduirait certainement par une plus grande sécurité alimentaire à l'échelle régionale et nationale”, a expliqué à IPS, Yonas Sahelu, directeur du Programme des semences de l'ATA. “Cela entraînerait également des économies sur les devises – si l'Ethiopie peut produire un volume plus élevé de ses propres aliments, il y a un besoin réduit d'importer des marchandises à des coûts plus élevés”, a-t-il ajouté.

La FAO travaille pour aider les agriculteurs dans les villages reculés à accéder aux dernières recherches scientifiques sur des variétés de cultures améliorées en collaborant avec les centres de recherche agricole de l'Ethiopie pour la multiplication et la distribution de variétés de semences améliorées.

Entre 2009 et 2012, l'organisation a dirigé un essai sur des variétés de semences améliorées pendant trois ans dans 12 districts souffrant de l'insécurité alimentaire à travers le pays dans le but de renforcer la sécurité alimentaire et les revenus des ménages de petits fermiers.

Ce projet a remplacé les semences que les fermiers utilisaient normalement par des variétés de semences améliorées. Selon la FAO, 144.000 ménages ruraux ciblés ont bénéficié des semences améliorées à rendement élevé et résistantes à la sécheresse – et aux maladies. Cette année, cette intervention a été définie comme un programme de premier plan.

“La sécurité des semences, c’est la sécurité alimentaire”, a déclaré à IPS, Wondimagegne Shiferaw, le chef de projet et expert agricole de la FAO.

“Nous ciblons les grandes familles d'agriculteurs pauvres qui n'ont pas accès aux semences améliorées pour cultiver du manioc, de la patate douce, etc. Notre objectif a été d'aider les fermiers à surmonter les obstacles à accéder à ces semences pour augmenter leur productivité et leur résilience lorsqu’ils sont confrontés à la sécheresse aux sols pauvres”, a indiqué Wondimagegne.

Il a ajouté que l'organisation fournissait également une formation aux agriculteurs locaux. “Des semences améliorées et des connaissances améliorées”, a-t-il indiqué.

Le partage de connaissances entre agriculteurs joue un rôle majeur dans la sécurité alimentaire de la communauté. Wondimagegne affirme que les fermiers ciblés par l'initiative ont partagé leurs nouvelles semences, ce qui a augmenté le transfert de connaissances de façon exponentielle et créé “un effet de multiplication”.

“Il existe une bonne pratique culturale chez des agriculteurs qui partagent (des semences et connaissances) avec des amis et parents. Nous avons observé que des fermiers partagent les connaissances et le matériel de plantation sans aucune imposition”.

'Self Help Africa' a mis en place 15 coopératives de production de semences améliorées en Ethiopie cette année avec un effectif actuel de 625 petits fermiers dans le troisième plus vaste Etat d'Ethiopie, la Région des nations, nationalités et peuples du sud (SNNPR).