/REPETITION CORRIGEE*/DROITS: De la Tanzanie au Brésil dans la baie d'un navire

RIO DE JANEIRO, 1 oct (IPS) – Ornela Mbenga Sebo, une jeune Congolaise, a fui en 2011 un camp de rebelles en Tanzanie où elle était détenue comme esclave et s’est cachée dans la baie d’ordures d'un navire marchand, sans aucune idée de là où il se dirigeait.

Lorsque le navire est arrivé à destination deux semaines plus tard, elle a découvert qu'elle était à Santos, un port dans le sud-est du Brésil, sur l’océan Atlantique.

Elle est l'une des centaines de personnes originaires de la République démocratique du Congo (RDC), déchirée par la guerre, qui ont trouvé refuge au Brésil.

Mbenga Sebo est née à Walikale, dans la province du Nord-Kivu dans l’est de la RDC. Des groupes armés et l'armée s’affrontent pour l'or, la cassitérite, le coltan et d'autres minerais dans cette région.

Mais jusqu'en 2011, elle paraissait être à l'abri des violences. Sa famille avait une vie confortable. Son père enseignait à l'université, et elle faisait des études de journalisme et travaillait dans une banque. Elle avait appris l'anglais et le français et avait voyagé à l'étranger.

Son odyssée a commencé en janvier 2011, quand elle avait 21 ans. Walikale est devenu la cible d'une attaque de la part des insurgés, qui ont massacré les habitants et incendié des maisons et des bâtiments publics.

Elle était au travail quand l'invasion rebelle avait commencé. Elle s’est cachée là-bas jusqu’à ce que les choses se soient calmées, avant de courir chez elle. Mais sa maison était en feu et il n'y avait aucun signe de sa famille.

Seule, avec uniquement les vêtements qu’elle portait, elle avait marché pendant des semaines avec d'autres personnes qui fuyaient les violences. Son objectif était de regagner la capitale, Kinshasa, où ses grands-parents vivaient.

“J'allais à pied”, a-t-elle dit à IPS. “Nous avons marché pendant deux semaines. J'ai trouvé d'autres personnes qui fuyaient également: des gens qui étaient malades, des enfants, des femmes et des hommes”.

La RDC, un vaste pays riche en ressources en Afrique centrale, est prise dans un conflit armé entre les forces gouvernementales et différents groupes armés depuis des décennies. Certains des groupes d'insurgés ont des liens avec le Rwanda et le Burundi voisins.

En 2010, une mission d'information des Nations Unies avait enquêté sur une série de crimes contre les droits humains, y compris des viols de masse, de la part des milices et de l'armée elle-même à Walikale.

Mbenga Sebo a décrit la terreur qu'elle ressentait alors qu'elle marchait à travers des villes fantômes, abandonnées et détruites, seulement habitées par des corps éparpillés le long des rues.

“C'est tellement vivace dans mon esprit que lorsque j’en parle, c'est comme si je suis revenue à cet endroit”, a-t-elle indiqué.

Le plus grand danger était de tomber sur des groupes armés, “qui erraient de ville en ville à la recherche de gens à tuer”, a-t-elle souligné.

Plusieurs fois, elle faisait semblant d'être morte, pour sauver sa vie. Mais elle a fini par être capturée et emmenée en Tanzanie, où elle a été gardée comme esclave avec des dizaines d'autres personnes.

Les hommes armés qui l’ont attrapée étaient des Rwandais, a-t-elle déclaré. Ils l’ont mise avec le reste du groupe avec qui elle voyageait dans trois hélicoptères. Le voyage a duré environ deux heures. D'après ce qu'elle pouvait voir à partir du haut, le camp où ils sont arrivés n'était pas près d'une ville ou d’une zone peuplée quelconque. Charly Nzalambila, un volontaire congolais à Caritas Brésil, qui a aidé à transcrire l'histoire de Mbenga Sebo pour être soumise aux autorités du Brésil, croit que ces hommes étaient des membres des Forces démocratiques pour la libération du Rwanda. Quand ils communiquaient par radio, les ravisseurs parlaient le swahili et certains l'anglais, a indiqué Mbenga Sebo. Elle passait toute la journée à transporter des seaux d'eau pour approvisionner le camp rebelle.

Les insurgés “forçaient les femmes à coucher avec eux, laver leurs vêtements, et à leur préparer leurs repas. Je dormais par terre. Ils me battaient. Je souffrais d'abus moral, physique et mental”, a-t-elle déclaré.

Mais un jour, elle a rencontré un jeune homme qui a eu pitié d’elle et l’a aidée à fuir, lui indiquant que le camp était près d'un port.

Tard dans la nuit, en février, elle a escaladé le mur qui entourait le camp, et a pu arriver dans un navire marchand. “C'était une question de vie ou de mort”, a-t-elle affirmé.

Quelques arachides étaient la seule chose qu'elle trouvait à manger. Deux semaines plus tard, après avoir découvert qu'elle avait débarqué dans le port brésilien de Santos, la deuxième surprise était de se rendre compte qu'elle pouvait comprendre la langue locale – le portugais – parce qu'elle avait une fois passé une année en Angola avec sa famille.

Elle a rapidement pris contact avec les gens venus de l'Angola et de la RDC vivant au Brésil, et peu de temps après son arrivée, elle vivait comme réfugiée à Rio de Janeiro.

Ce pays de 198 millions d’habitants n'a pas de limites sur le nombre de personnes qui peuvent bénéficier du statut de réfugié. Selon la loi sur les réfugiés, adoptée en 1997, même les gens qui sont entrés dans le pays en utilisant de faux documents peuvent demander la protection pour un réfugié.

Destination inconnue Fuir vers l'étranger sans destination claire peut ne pas être si rare chez des Africains qui évitent désespérément la violence et les conflits armés.

“Beaucoup de jeunes qui fuient ces situations finissent au Brésil par hasard”, avait déclaré à IPS, Fernando Ngury, un réfugié angolais, en 2007, 10 ans après la mise en vigueur de la loi sur les réfugiés.

“Beaucoup se cachent dans des navires qui, selon eux, embarquent pour l'Europe, et se retrouvent plutôt au Brésil. Mais certains sont jetés par-dessus bord en mer”, a souligné Ngury, le directeur du Centre pour la défense des droits humains des réfugiés (CEDHUR).