AFRIQUE DU SUD: Sauver un fleuve surchargé

HOWICK, Afrique du Sud, 4 sep (IPS) – Au cours d'une marche de 28 jours jusqu’au fleuve Umgeni, en Afrique du Sud, qui coule depuis les zones humides vierges de la réserve naturelle d’Umgeni Vlei à la côte de Durban, Penny Rees, une coordonnatrice pour la Société de conservation de Duzi uMngeni, a constaté les aspects négatifs liés à la santé du fleuve.

Cette société est une organisation à but non lucratif qui s’efforce de préserver Umgeni et son affluent, le fleuve Msunduzi. A la source du fleuve Umgeni, l'eau coulait de façon limpide et était assez bonne à boire pour Rees, et les quatre bénévoles qui l'ont rejointe dans la marche au bord de ce fleuve long de 232 kilomètres et l’étude sur sa santé. Plus en aval, après que le fleuve a traversé des terres agricoles et des terrains urbains, l'eau est devenue boueuse et puante.

“Parfois, vous pouvez le sentir, comme [nous avons pu le constater] à Durban la dernière fois que nous avons traversé le fleuve”, a déclaré Rees à IPS lors d'une interview à son domicile à Howick, à 97 kilomètres au nord de la ville portuaire de Durban. “Vous finissez par connaître la couleur de l'eau – [elle a] l’air grise, sale, et elle pue les eaux usées”.

Le fleuve Umgeni fournit de l'eau potable à plus de cinq millions de personnes, et est la principale source d'eau pour les villes de Durban et de Pietermaritzburg à 66 kilomètres de la côte. Le séjour de Rees met davantage en lumière les travaux des scientifiques qui ont souligné des problèmes de pollution dans le fleuve.

Poursuite de la saga des eaux usées Comme d'autres fleuves en Afrique du Sud, Umgeni est sous la pression des eaux usées non traitées qui y entrent. La médiocrité des infrastructures et les égouts en surcharge dans des endroits comme Mpophomeni, un établissement de logements à faible coût en amont du barrage Midmar, ont entraîné des niveaux élevés d’E. coli et d’éléments nutritifs qui se déversent dans le barrage, a indiqué à IPS, Simon Bruton, un hydrologue à GroundTruth, un cabinet-conseil en environnement. Le barrage Midmar est un grand barrage d'une capacité de 235 millions de mètres cubes d'eau à la périphérie de Pietermaritzburg.

Alors que Mpophomeni représente seulement 2,4 pour cent du bassin hydrographique du barrage Midmar, elle produit environ la moitié des E. coli et 15 pour cent du phosphore qui entre dans le barrage, selon une étude réalisée en 2009 par GroundTruth.

Des projections indiquent que la pollution par les eaux usées qui entrent dans le fleuve Umgeni, combinée avec des éléments nutritifs venant des eaux de ruissellement des fermes de production de lait, porcheries et des fermes d’élevage de volaille, pourrait amener Midmar et le barrage voisin des Chutes Albert à devenir “eutrophiques” – riches en éléments nutritifs comme l'azote et le phosphore qui favorisent la croissance des algues – d’ici à 2019.

Lorsque les barrages arrivent à cet état riche en éléments nutritifs, les algues y poussent.

“Beaucoup d’algues qui fleurissent peuvent être toxiques au contact humain de sorte que vous ne seriez plus en mesure d'utiliser l'eau à des fins récréatives”, a expliqué Bruton. “L'autre problème que cela crée, c'est qu'il fait monter considérablement les coûts de traitement de l'eau parce que la biomasse des algues cause des problèmes pour la purification de l'eau, et elle est très coûteuse à enlever”.

Des travaux surchargés d’eaux usées Les usines de traitement des eaux usées qui déversent les effluents traités dans le fleuve sont également surexploitées, ajoutant aux problèmes de contamination. Au niveau de quatre des usines exploitées par l'entreprise publique 'Umgeni Water', les taux de conformité pour la qualité de l'eau traitée déversée dans le fleuve ont chuté à 71,6 pour cent en juin 2013, selon un rapport d'audit de 'Umgeni Water'. Un taux de conformité de 95 pour cent est considéré comme acceptable.

L’absence totale de conformité était principalement due à des problèmes à l'usine de Darvill, qui traite les eaux usées industrielles et ménagères provenant de la ville de Pietermaritzburg.

L'usine de Darvill est surchargée, a déclaré à IPS, Shami Harichunder, directeur des actionnaires d’entreprise pour 'Umgeni Water'. La société a lancé un appel d'offres évalué à des millions de dollars pour augmenter la capacité de l'usine de plus de 50 pour cent, et a dépensé environ 500.000 dollars sur les installations d'aération supplémentaires, qui vont être bientôt mises en service, a-t-il souligné.

Les entreprises qui pompent les effluents industriels vers l'usine, et ne respectent pas leurs obligations requises pour la qualité des effluents qu’elles déversent, affectent aussi “considérablement” la capacité de l'usine à traiter les eaux usées, a indiqué Harichunder.

Cependant, la conformité à l'usine de Howick, qui fonctionne presqu’à plein régime, était de 90 pour cent pour juin 2013.

La pollution en aval Au début de cette année, le fleuve Umgeni avait fait les manchettes comme “l'un des fleuves (les) plus souillés” en Afrique du Sud, sur la base de la publication d'une étude pour la Commission sud-africaine de recherche sur l'eau. L'étude a analysé les niveaux de contaminants viraux et bactériens dans la section du fleuve qui va du barrage d’Inanda, près de Hillcrest, à l'embouchure du fleuve à Durban.

Les chercheurs ont découvert des bactéries, y compris la salmonella et la shigella, ainsi que des virus tels que l'hépatite B, dans tous les échantillons qu'ils avaient prélevés.

Nombre de ces bactéries et virus retrouvés dans les échantillons sont potentiellement pathogènes pour l’Homme et ont démontré la capacité de tuer les cultures de tissus humains, a expliqué à IPS, Johnson Lin, l'un des auteurs de l'étude, qui est basé à l'Université de Kwa-Zulu Natal.