ZIMBABWE: Les opposants à Mugabe 'intimidés'

HARARE, 12 août (IPS) – Le vote peut avoir pris fin pour l'élection présidentielle au Zimbabwe, mais pas la controverse autour du scrutin. Le principal parti d'opposition, le Mouvement pour le changement démocratique-Tsvangirai (MDC-T), a déposé un recours le 9 août à la Cour constitutionnelle du pays pour déclarer l'élection nulle et non avenue.

Lors de l'élection le 31 juillet, le président Robert Mugabe a obtenu 61 pour cent des 3,4 millions de suffrages exprimés, tandis que le Premier ministre, Morgan Tsvangirai, leader du MDC-T, a réuni 34 pour cent. L'opposition a demandé un nouveau scrutin dans 60 jours.

Dans son appel, le leader du MDC-T, Tsvangirai, a accusé une entreprise israélienne d'avoir truqué les élections en faveur de l'Union nationale africaine du Zimbabwe – Front patriotique (ZANU-PF) de Mugabe et d’avoir été de connivence avec la Commission électorale du Zimbabwe pour manipuler la liste électorale du pays. L’entreprise est suspectée d’avoir reçu 10 millions de dollars pour faire ce travail.

“Ce qui est inquiétant, c'est l'implication d'une entreprise israélienne dans le développement, la gestion et la manipulation de la liste électorale….”, affirme une partie de ce dossier de 20 pages, qui donne le nom de l'entreprise qui serait impliquée dans la fraude électorale. Le recours indique également qu'un grand nombre d'électeurs auraient été “assistés” pour voter lors de l'élection présidentielle et que dans une seule circonscription électorale, jusqu’à 10.500 électeurs sur 17.000 avaient été assistés. Le document dit également qu’environ 750.000 électeurs auraient été refoulés des bureaux de vote.

Mais des analystes dans le pays ont déclaré que le MDC-T sait que la cour peut ne pas se prononcer en sa faveur.

“Ironie du sort, Morgan Tsvangirai et son parti cherchent réparation auprès de la même cour qui a approuvé la date du 31 juillet pour l’élection alors que le MDC-T demandait une prolongation de la date du scrutin. Il est douteux que la même cour statue cette fois-ci en leur faveur”, a souligné à IPS, Malvern Tigere, un analyste politique indépendant.

Richard Zizhou, un analyste politique, a déclaré à IPS que la Cour constitutionnelle de ce pays d'Afrique australe a été mise dans une position difficile.

“C'est en effet un moment difficile pour la plus haute cour du pays. Le MDC-T semble être en possession de preuves accablantes selon lesquelles le scrutin était effectivement truqué et si la cour statue en faveur du MDC-T, Mugabe sera furieux”, a indiqué Zizhou à IPS.

Mais alors que la contestation judiciaire reste dans la balance, beaucoup de Zimbabwéens soupçonnés de soutenir le MDC-T ont été déjà soumis à la violence.

Tawanda Chimhini, directeur du Centre de ressources sur les élections, une organisation indépendante de la société civile qui surveille les élections nationales au Zimbabwe, a affirmé à IPS que son organisation avait été inondée de rapports indiquant une hausse des cas d'intimidation après les élections.

“Nous avons reçu des rapports d'intimidation… historiquement, il y a toujours eu des cas constants d'intimidation qui suivent souvent chaque élection. [C'est] une stratégie de la ZANU-PF pour faire réduire les membres des partis d'opposition et maîtriser tout semblant de soutien que l'opposition peut avoir”, a expliqué Chimhini à IPS.

Une forte présence policière à Harare, la capitale du Zimbabwe, n’a pas réussi à amener les gens à se sentir en sécurité. La police a monté des canons à eau au siège du MDC-T, dans la ville, afin de réprimer les manifestations possibles.

Des vendeurs comme Margret Matevura, 32 ans, qui est basée dans le quartier central des affaires, proche du siège du MDC-T, ont exprimé leur crainte au sujet de la présence de policiers lourdement armés dans la capitale.

“Ces policiers perturbent notre paix; nous avons vraiment peur et nos clients évitent désormais d'emprunter cette voie à cause de ces flics qui harcèlent toute personne qui les approche”, a déclaré Matevura à IPS.

Ceux qui vivent dans les banlieues n'ont pas été non plus à l'abri de l'intimidation. Alex Rutsito, un habitant de Highfield, une banlieue défavorisée de Harare, a affirmé à IPS que lui et sa famille ont été ciblés comme des soi-disant “ennemis de la ZANU-PF”.

“Deux jours après les élections du 31 juillet, ma maison a été saccagée par des militants de la ZANU-PF, qui accusaient ma famille de soutenir le MDC-T. Ils nous ont tous battus sans pitié”, a indiqué Rutsito à IPS.

Le porte-parole national de la ZANU-PF, Rugare Gumbo, a nié que l'intimidation soit perpétrée par des membres de son parti.

“Ce sont des mensonges colportés par les perdants des élections. La ZANU-PF est maintenant occupée à aller vers la reconstruction du pays et nous n'avons pas de temps à perdre sur des affaires triviales imaginaires”, a déclaré Gumbo à IPS.

Cleto Manjova, chargé des programmes pour le groupe de défense des droits, 'Heal Zimbabwe Trust', a accusé la ZANU-PF de perpétrer des violences après l'élection.

“Les gagnants (la ZANU-PF) s'attendaient en réalité à perdre; leur victoire est une surprise pour eux et ils réaffirment leur pouvoir … Alors, dans la plupart des cas, ils émettent des menaces pour s’occuper des gens qui ont ouvertement fait campagne contre la ZANU-PF lors des élections”, a expliqué Manjova à IPS.

Comme l'intimidation postélectorale s’aggrave, 38 partisans du MDC-T qui ont servi comme agents électoraux lors du scrutin, ont été contraints par des membres présumés d'un groupe de miliciens de la ZANU-PF, surnommé Chipangano, de quitter leurs domiciles à Mbare, une banlieue à forte densité de Harare.