RD CONGO: Inga III pour réduire le déficit énergétique en Afrique

LUBUMBASHI, 11 juin (IPS) – Le gouvernement de la République démocratique du Congo (RDC) projette d’ouvrir, en octobre 2015, un grand chantier sur le fleuve Congo: la construction du barrage hydroélectrique d’Inga III, avec plusieurs partenaires extérieurs.

Le ministre congolais de l’Energie, Bruno Kapandji, l’a annoncé le 19 mai à Kinshasa, la capitale de la RDC, indiquant que la puissance du barrage d’Inga III est estimée à 4.800 mégawatts (MW). Il est la première phase du Grand Inga, un autre projet pour l’avenir, qui, une fois réalisé, pourrait être le plus important complexe hydroélectrique au monde, capable de produire quelque 40.000 MW. Le ministère de l’Energie annonce également que Kinshasa abritera, du 17 au 18 juin, un atelier consacré au financement de la construction d’Inga III. L’atelier se penchera sur les mécanismes de financement du barrage en tant que projet d’intégration régionale.

Les parties prenantes au projet de réalisation d’Inga III s’étaient réunies à Paris les 17 et 18 mai 2013. Parmi les participants, figuraient les représentants des institutions financières comme la Banque mondiale, la Banque africaine de développement (BAD), la Banque européenne d’investissement, la Banque de développement d’Afrique australe, et l'Agence française de développement, selon le communiqué publié à la fin de la rencontre, le 18 mai.

La réunion de Paris a notamment décidé de fixer à octobre 2015 le début des travaux de construction du barrage. Inga III sera érigé sur le site où deux précédents barrages existent déjà sur le fleuve dans le Bas-Congo (ouest de la RDC): Inga I et II inaugurés respectivement en 1971 et 1982. Le premier avait une puissance de 351 MW au départ, et le second produisait 1.424 MW. Mais aujourd’hui, faute d’entretien, chacun des deux barrages, exploités par la Société nationale d’électricité (SNEL), ne produit pas plus de 20 pour cent de sa puissance initiale.

Selon le communiqué de Paris, le besoin de financement total de Inga III est estimé à 12 milliards de dollars dont 8,5 milliards représentent le coût de construction du barrage. Les travaux s’étendront sur six ans.

Comme première étape, la Banque mondiale et la BAD envisagent d'approuver une assistance technique de 63 millions de dollars pour la préparation du projet. Selon le document d'informations de la Banque mondiale sur le projet, 43 millions de dollars de ce montant doivent provenir d'une subvention de l’Association internationale de développement (IDA), et 20 millions de dollars de la BAD L’Afrique du Sud, qui est à la fois partenaire et principal client de ce barrage, était représentée à la rencontre, comme les candidats potentiels pour la réalisation du projet: des Chinois, des Espagnols et un groupe industriel de Sud-Coréens et de Canadiens.

Le ministre Kapandji, qui présidait la réunion de Paris, s’est déclaré satisfait des résolutions. «Cette rencontre a permis de lever des options pour que puisse démarrer activement le développement d’Inga III», a-t-il indiqué aux journalistes, à son retour à Kinshasa, le 19 mai.

Le communiqué note la même satisfaction du côté de l’Afrique du Sud. Garrith Bezuidenhoudt, le directeur de cabinet au ministère sud-africain de l’Energie, s’est réjouit que son pays ait concrétisé son engagement à l’égard de la RDC.

L'Afrique du Sud prendra 2.500 MW sur les 4.800 MW de la production énergétique future d'Inga III, devenant ainsi le principal acheteur. “Nous avons affirmé notre engagement envers le projet en provisionnant déjà cet achat dans notre plan budgétaire”, explique Bezuidenhoudt.

En effet, l’abandon par le géant minier australien BHP Billiton en 2012, de son projet de construction d’une raffinerie d’aluminium en Guinée (Conakry), n’a pas permis au projet d’Inga III d’évoluer. Il était initialement prévu comme le client et partenaire principal du barrage. Mais, l’Afrique du Sud a pris la relève et son engagement dans Inga III à Paris a permis de relancer le projet de construction du barrage. Cet engagement entre Pretoria et Kinshasa fait suite au traité de coopération énergétique que les présidents des deux pays avaient déjà signé en mars 2013 à Lubumbashi, capitale de la province congolaise du Katanga (sud-est de la RDC).

«Par ces ententes de coopération, l'Afrique du Sud prévoit d'acheter une part conséquente de la production d'électricité du nouveau barrage», indique le communiqué publié à Paris. Si environ 2.500 MW sont réservés à l’Afrique du Sud seule, le reste sera orienté en priorité vers les entreprises minières du Katanga, qui comptent, elles aussi, parmi les clients potentiels d’Inga III, puis vers la consommation locale en RDC.

Avec le boom minier des dix dernières années, la province du Katanga qui compte le plus grand nombre d’entreprises minières en RDC, a besoin, elle seule, d’une énorme quantité d’énergie électrique pour répondre à la demande toujours croissante.

«La nouvelle législation minière (en RDC) nous interdit d’exporter les matières premières brutes. Nous devons traiter ces matières sur place. Et pour le faire, il nous faut du courant en permanence», déclare à IPS, Désiré Mulongo, assistant administratif de 'Mining Mineral Ressource', une entreprise minière opérant au Katanga. «Nous attendons impatiemment l’aboutissement de ce projet».

La SNEL, confrontée au problème de vétusté de son matériel et à l’insolvabilité de ses abonnés, ne fournit à la province qu’à peine 295 MW. Ce qui l’oblige à desservir ses clients avec des interruptions régulières.

Le directeur provincial de la SNEL Katanga, Fridolin Kumbu, déplore souvent ce système d’interruption de l’énergie appelé «délestage». «Il occasionne d’importants manques à gagner aussi bien du côté de nos abonnés que de celui de la SNEL elle-même», dit-il à IPS. «Aujourd’hui, cette situation n’épargne aucune province du pays».

Mais, le projet Inga tant rêvé risque de décevoir, estime, de son côté, Joseph Huambo, secrétaire provincial de la société civile du Katanga, en charge de l’eau et de l’énergie. «Sur les 4.800 MW attendus d’Inga III, 2.500 sont déjà prédestinés à l’Afrique du Sud», indique-t-il à IPS. «Nous risquons de produire de l’électricité pour les autres et continuer à demeurer nous-mêmes dans le noir», craint-il.