KENYA: Cultiver des pois et légumes pour maximiser l’utilisation de l’eau

NAIROBI, 30 mai (IPS) – Au milieu des alertes indiquant que l'utilisation de l'eau dans l’agriculture au Kenya dépasse des niveaux soutenables et affecte négativement la sécurité alimentaire, des chercheurs en biodiversité estiment que l’agro-biodiversité doit être considérée comme un moyen indispensable de lutter contre cela.

“Afin de nourrir la nation, le pays doit explorer l’agro-biodiversité, en particulier (la production de) légumes et de fruits, qui ont été négligés en faveur du maïs”, a déclaré à IPS, Mary Abukutsa-Onyango, un professeur d'horticulture à l'Université Jomo Kenyatta des sciences de l'agriculture et de technologie.

Puisque le changement climatique continue de perturber les précipitations, entraînant des sécheresses prolongées intermittentes à travers ce pays d'Afrique de l’est, les légumes constituent la meilleure alternative au maïs parce qu’ils n’exigent pas de grandes quantités d'eau.

Le rapport national 2012-2013 sur le Kenya, publié par l'Organisation des Nations Unies pour l'alimentation et l'agriculture, a indiqué que la courte saison des pluies “d’octobre à décembre” avait donné de mauvais résultats… (et) qu’une série de périodes de sécheresse avait également provoqué une mauvaise germination … entraînant le flétrissement et le dessèchement des cultures”.

Selon l'Agence américaine pour le développement international au Kenya, ce pays est “classé parmi les nations les plus pauvres en eau au monde”. Et les statistiques gouvernementales indiquent que 13 millions de Kényans n'ont pas accès à une fourniture d’eau améliorée.

“Au Kenya et par extension en Afrique, la désertification et la pénurie d'eau constituent une grande menace pour l'agriculture et les communautés d’éleveurs. Des stratégies telles que l'irrigation, la collecte et la conservation de l'eau, ainsi que la plantation d'arbres, doivent être revues”, a expliqué à IPS, Nashon Tado, un responsable du bureau du Conseil norvégien pour les réfugiés, pour la Corne de l'Afrique et le Yémen.

Un rapport sur la sécurité alimentaire, publié par l'Institut de recherche agricole du Kenya, a montré que “les estimations officielles indiquent que plus de 10 millions de personnes souffrent de l'insécurité alimentaire, la plupart vivant de l'aide alimentaire”.

Le ministère de l'Agriculture estime qu'au moins 70 pour cent de la production agricole du Kenya provient des petits fermiers qui exploitent deux à cinq hectares de terre. Sur les 42 millions d'habitants du Kenya, huit millions de ménages sont impliqués dans l'agriculture, avec cinq millions qui en dépendent directement pour leurs moyens de subsistance.

Mais les Perspectives 2013 sur la sécurité alimentaire au Kenya, publiées le 15 mai par le Programme alimentaire mondial, ont confirmé que l'adoption d'autres cultures, en plus du maïs, améliorait la sécurité alimentaire dans le pays.

“Une disponibilité améliorée de légumes verts, de maïs vert et de légumineuses de début-juin jusqu’à juillet, est censée diversifier les régimes alimentaires et maintenir la consommation des aliments”, indique le rapport.

Il est logique que les Kényans explorent la biodiversité. Le Kenya a ratifié la Convention sur la diversité biologique, l'accord négocié au niveau mondial consacré à l'utilisation durable de la biodiversité. Par conséquent, l'agro-biodiversité est présentée comme une solution aux durs stress hydriques auxquels le Kenya est confronté.

“Le thème de la Journée internationale de la biodiversité cette année est l'Eau et la biodiversité, et est très important puisque le pays tente de trouver des techniques et des stratégies novatrices pour maximiser l'utilisation de l'eau”, a indiqué à IPS, Naomi Chepkorir, un agent de vulgarisation agricole au ministère de l'Agriculture, dans la région céréalière du Kenya, la province de la Vallée du Rift.

Les légumes et fruits indigènes sont faciles à exploiter, peuvent résister à des températures élevées et imprévisibles, et sont connus comme ayant une forte valeur nutritive et contiennent de grands concentrés en micronutriments, notamment le fer.

“Prenez la plante araignée et la morelle africaine, que l'on trouve dans certaines parties des provinces de l’ouest et de Nyanza, ainsi qu’à travers l'Afrique de l’est. Elles sont connues pour être nutritives, médicinales et sont très riches en fer, calcium, magnésium, antioxydants et en fibres”, a souligné Abukutsa-Onyango.

La plante araignée est connue comme renfermant des niveaux élevés de bêta-carotène, de calcium, protéines, magnésium, fer et de vitamine C. Cette plante est également riche en antioxydants, qui peuvent aider à éviter des maladies comme les diabètes, le cancer et les maladies cardiaques.

Chepkorir a expliqué que généralement, les légumes ont un cycle de vie plus court par rapport à d'autres cultures. Ils poussent en quelques semaines et exigent très peu d'irrigation, permettant ainsi aux petits agriculteurs de tirer les fruits de leur récolte plus tôt qu'ils ne le feraient s'ils plantaient une culture comme le maïs – qui peut mettre jusqu'à trois à quatre mois avant d’arriver à maturité.

Abukutsa-Onyango a approuvé cela, ajoutant que les légumes indigènes sont capables de s'adapter aux changements climatiques parce qu’ils arrivent plus rapidement à maturité. Elle a donné l'exemple de la plante araignée et de la variété de l'amarante qui est indigène en Afrique, qui peuvent être récoltées dans les trois semaines suivant la plantation. Elle a indiqué que le ficoïde à fleurs nodales pourrait également résister aux conditions de manque d’eau.

Abukutsa-Onyango a ajouté que cultiver une diversité de légumes et de fruits indigènes “assurerait non seulement la sécurité alimentaire, mais aussi la nutrition et la sécurité sanitaire”.

“Les gens devraient avoir une alimentation équilibrée, et actuellement les Kényans consomment des quantités insuffisantes de légumes et de fruits, entraînant une recrudescence de maladies liées à l'alimentation”, a-t-elle expliqué.

Une bonne nutrition et des régimes alimentaires sains sont des aspects importants dans la réalisation des Objectifs du millénaire pour le développement (OMD). Les huit objectifs ambitieux, adoptés par tous les Etats membres de l'ONU en 2000, visent à réduire la pauvreté, la maladie et l'inégalité entre les sexes.

Selon le Rapport 2010 sur les OMD, “la nutrition a longtemps été sérieusement négligée et peu évoquée par les donateurs et les pays en développement, bien qu’une bonne nutrition soit un élément important pour atteindre presque tous les OMD”.

Yvonne Onyango, une nutritionniste à Nairobi, a expliqué: “Si un enfant n'est pas bien nourri dans ses 1.000 premiers jours, sa croissance est affectée et les dommages sont irréversibles. Cet enfant ne pourra jamais atteindre le potentiel que d'autres enfants qui sont bien nourris ont”.