ZIMBABWE: Accorder des droits aux femmes du secteur informel

HARARE, 3 mai (IPS) – Mollin Siyanda, 46 ans, une mère célibataire de trois enfants dans la banlieue à faible revenu de Hatcliffe, à Harare, au Zimbabwe, a peur d'être arrêtée par la police municipale puisqu’elle vend des fruits, légumes et vêtements d’occasion sur le trottoir du centre-ville sans autorisation.

“J'amène (les fruits et les habits) au centre-ville pour les revendre sur les trottoirs des rues les soirs aux heures de pointe lorsque les gens se pressent pour rentrer à la maison”, déclare-t-elle au sujet des produits qu'elle achète tous les jours à Mbare Musika, un grand marché d’Harare, la capitale du Zimbabwe.

“Mais j’opère toujours dans une peur constante des flics du conseil (municipal) qui m'accusent souvent d'être une vendeuse illégale”, raconte Siyanda à IPS.

Vendre des produits sans un permis des autorités du conseil municipal d’Harare est illégal ici.

Mais une autorisation coûte 20 dollars, ce qui est une somme importante pour les nombreuses personnes travaillant dans l'économie informelle qui gagnent en moyenne entre deux et cinq dollars par jour.

Selon Philip Bohwasi, président du Conseil des travailleurs sociaux du Zimbabwe, le taux de chômage dans le pays est de 84 pour cent. En conséquence, une grande majorité des gens travaillent actuellement dans le secteur informel, et des centaines de vendeurs ont installé leurs stands à des points non indiqués à travers la ville.

L'histoire de Siyanda est un exemple de la situation que vit constamment un certain nombre de femmes qui travaillent au Zimbabwe.

Selon le Congrès des syndicats du Zimbabwe (ZCTU, son sigle anglais), plus de 60 pour cent des femmes zimbabwéennes qui travaillent à la fois dans les secteurs formel et informel sont aujourd'hui les soutiens de leurs familles, puisque leurs maris ont succombé au VIH/SIDA ou ont été licenciés de leurs emplois.

“C’est vrai que des femmes sont devenues des soutiens de famille. Certaines femmes sont devenues veuves ou leurs maris sont partis chercher mieux ailleurs ou ont été licenciés, laissant leurs femmes se lancer dans le secteur informel”, explique Fiona Magaya, coordinatrice des affaires de genre pour le ZCTU.

En prélude à la Journée mondiale du travail, le 1er mai, les femmes syndicalistes dans ce pays d'Afrique australe ont demandé aux dirigeants du gouvernement de reconnaître les femmes employées de façon informelle.

Magaya indique à IPS que le syndicat a demandé à la Chambre de l'association de l'économie informelle du Zimbabwe de convaincre les autorités locales de permettre aux femmes employées de manière informelle “de mener leurs activités sans être harcelées par la police”.

“Il y a nécessité d'une reconnaissance adéquate du secteur informel et du rôle qu'il joue dans l'économie du pays, et le gouvernement doit agir rapidement pour réguler l'économie informelle, qui emploie la majeure partie des femmes”, ajoute Magaya.

Hillary Yuba, du Syndicat des enseignants progressistes du Zimbabwe, partage les sentiments de Magaya.

“Les femmes s'accrochent à leurs petits emplois même après l’arrivée de la dollarisation, mais beaucoup d'hommes ont perdu les leurs. D'où nous trouvons maintenant des femmes qui se transforment en des soutiens de famille”, explique Yuba à IPS. En 2009, le Zimbabwe a introduit un régime à devises multiples, où les transactions se font désormais en dollar américain, en rand sud-africain et en pula du Botswana, pour combattre l’hyperinflation sous le dollar zimbabwéen.

“Le gouvernement n'examine certainement pas ces problèmes”, dit-elle.

Le chargé de l’information du ZCTU, Khumbulani Ndlovhu, estime qu’une faible rémunération dans l'économie formelle a forcé les femmes à se lancer dans des entreprises informelles.

“Même des femmes formellement employées sont dans le secteur informel, menant des activités occasionnelles pour compléter leurs salaires”, affirme Ndlovhu à IPS.

Elle déclare que le gouvernement devrait mettre en œuvre des politiques globales d'autonomisation économique qui donneraient aux femmes l’accès aux ressources nécessaires et renforceraient les projets qui “les aident à répondre aux problèmes de pain et de beurre dans leurs familles”.

Toutefois, le gouvernement affirme qu’un manque de financement a entravé ses efforts visant à rendre les femmes économiquement autonomes dans les deux secteurs.

“Il y a un manque de définition de priorités pour les financements des ministères importants comme les ministères des Affaires féminines, du Genre et du Développement communautaire… et du Développement des petites et moyennes Entreprises”, explique à IPS, un haut responsable du gouvernement au ministère des Affaires féminines, du Genre et du Développement communautaire sous couvert de l'anonymat.

Sheila Mahlathi, une ancienne syndicaliste de l'Union des journalistes du Zimbabwe, déclare: “Le fait que des femmes soient devenues de grands soutiens de famille appelle les dirigeants à reconnaître qu'elles doivent également avoir des postes d'autorité, non pas à travers la discrimination positive, mais en se rendant compte que, tout comme leurs homologues hommes, les femmes peuvent également réaliser des choses extraordinaires”.

“Les autorités doivent s'assurer qu'il existe des endroits destinés aux femmes pour y travailler sans gêne puisqu’elles subviennent aux besoins de leurs familles dans le secteur informel”, ajoute Mahlathi à IPS.

Ashley Zijena, 34 ans, une entrepreneuse qui a réussi dans le secteur informel, originaire de Southertorn, une banlieue à revenu intermédiaire d’Harare, exhorte les femmes à rester résistantes face aux défis.

Zijena, qui gère huit étalages de marché aux puces en vendant des vêtements importés dans la banlieue à faible revenu de Machipisa à Harare, indique à IPS qu’elle gagne entre 60 et 80 dollars en moyenne par jour.

“Les femmes doivent se lever et occuper autant de postes politiques et économiques que possible”, ajoute-t-elle.