COMMERCE: Tempête dans un verre d’eau entre l’UE et l’Afrique du Sud

JOHANNESBURG, 18 avr (IPS) – Un système de marque de fabrique utilisé pour protéger les meilleurs vins, fromages et jambons d'Europe pourrait bientôt produire des bénéfices pour un thé modeste provenant d’une région reculée d'Afrique du Sud.

Le système de protection des échanges commerciaux appelé les Indications géographiques (IG), qui est fortement favorisé par les eurocrates de Bruxelles, pourrait être utilisé pour protéger un thé rouge d'Afrique du Sud, localement appelé rooibos (buisson rouge en afrikaans) puisqu’une entreprise française, la Compagnie de Trucy, tente d’obtenir les droits exclusifs pour le commercialiser en France.

“Les IG sont de plus en plus importantes dans l’arène du commerce mondial, bien que ce soit erroné de penser qu'elles offrent d'énormes opportunités commerciales”, a déclaré à IPS, John Maré, un consultant des échanges commerciaux, basé à Pretoria.

Cette forme de droits d'auteur sur les denrées alimentaires s'applique déjà largement aux produits de spécialité, qui peuvent être liés à une région spécifique – tels que le champagne français, le jambon de Parme et plusieurs types de fromage.

“Elles (les IG) ouvrent des niches pour plus de produits à valeur ajoutée, qui, pris ensemble, peuvent s'élever à quelque chose de significatif”.

“En outre, elles impliquent des frontières de pointe dans le commerce qui reposent largement sur les droits de propriété intellectuelle pour la valeur, et (qui) sont également liés aux questions commerciales concernant les marques et les logos”, a-t-il expliqué.

Le Rooibos d'Afrique du Sud est sans caféine, riche en antioxydants et en minéraux, et est traditionnellement cultivé dans la région du Cederberg, à 250 kilomètres au nord du Cap.

Il gagne de la popularité à travers le monde en raison de ses propriétés saines, ce qui permet d’expliquer la décision de la Compagnie de Trucy d’obtenir des droits de commercialisation.

La question a été soulevée au niveau diplomatique entre l'Union européenne (UE) et l'Afrique du Sud à un moment où les deux parties espèrent enfin conclure les négociations sur l’actualisation de leur cadre commercial de grande envergure, après plus d'une décennie de discussions.

Bien que la Chine, en tant que pays, soit le plus gros partenaire commercial d’Afrique du sud, l'UE, en tant que bloc, est plus importante en termes de valeur, et il y a des arguments puissants selon lesquels les deux parties devraient élargir les IG dans leurs relations futures.

Soekie Snyman, la porte-parole du Conseil sud-africain pour le rooibos, qui représente les producteurs de rooibos, a déclaré à IPS que le thé rouge devait bénéficier d’un statut officiel de marque de fabrique en Afrique du Sud elle-même avant qu'il ne puisse être considéré comme une IG.

“Nous avons appris auprès de l'ambassadeur de l'UE à Pretoria qu'ils soutiennent la protection des cultures indigènes”, a-t-elle dit.

“Leur principale exigence est que le produit doit être protégé dans son pays d'origine, et nous sommes presque prêts à déposer une demande de protection de marque de fabrique en Afrique du Sud”.

Elle a affirmé que le rooibos fait partie du patrimoine d'Afrique du Sud. “C'est une plante unique, provenant de la zone montagneuse du Cederberg. C'est une boisson sans caféine”.

L'ambassadeur de l'UE à Pretoria, Roeland van de Geer, a confirmé dans un communiqué de presse en mars qu'il a reçu une demande du ministre sud-africain de l'Industrie et du Commerce, Rob Davies, “pour la protection des noms de produits alimentaires sud-africains comme les Indications géographiques dans l'UE”.

Comme le rooibos, il y a eu des demandes pour le Honeybush, qui est un autre type de thé, et pour l'agneau de la région désertique du Karoo.

“Le développement d'un système d’IG pour les fermiers sud-africains renforcera le caractère unique et la qualité des produits d’Afrique du sud”, a-t-il souligné dans le communiqué.

“Les viticulteurs sud-africains ont utilisé le système d’IG pendant plusieurs années et l’ont trouvé comme un moyen efficace de protéger des noms célèbres comme Paarl et Stellenbosch”.

Maré a noté que le système des IG a permis aux pays de l'UE “de conclure des niches pour des marques telles que le champagne, qui ont un potentiel de croissance énorme sur une base mondiale”.

“En tant qu’articles spécialisés de grande valeur, ils ont été liés à une stratégie de l'UE dans le marketing mondial de la qualité plutôt que la quantité”.

Il a suggéré que l'Afrique du Sud élargisse son portefeuille des IG “pour aider à offrir de nouvelles opportunités afin que l'Afrique du Sud diversifie les exportations actuelles vers de nouveaux produits à valeur ajoutée, (et) développe également ces produits”.

“Cela aide la croissance dans les régions rurales, et elles aident à renforcer une bonne perception de tous les produits sud-africains comme ceux ayant la qualité et la différenciation dans l'économie internationale mondialisée”.

“Elles aident à faire monter les prix des produits sud-africains et à améliorer les perceptions générales de l'Afrique du Sud”.

Snyman a déclaré que les problèmes actuels, avec le marché français, ont des implications plus larges, et c'est pourquoi, selon elle, il est important que le rooibos obtienne la protection mondiale des IG. Elle a rappelé qu'il y avait eu un problème similaire dans le passé sur le marché américain.

“Cela pourrait affecter les exportateurs sud-africains dans n’importe quel marché international”, a-t-elle prévenu. “Mais je crois que nous atteindrons notre objectif”.