DROITS: Petits mineurs – creuser avec des risques pour devenir légal

DAKAR, 29 mars (IPS) – Elizabeth Tshimanga, une petite exploitante congolaise, a réussi sa vie en faisant la recherche de diamant. Mais comme beaucoup de mineurs artisanaux en Afrique, la sienne a été un voyage long et périlleux marqué par le harcèlement et des conflits au sujet de son statut juridique en tant qu’ouvrière d’une mine.

Cette femme de 50 ans a commencé à travailler dans la région du Kasaï, dans le centre de la République démocratique du Congo (RDC), à l'âge de 25 ans, avant de se déplacer vers l’Angola voisin où elle a continué à extraire des diamants.

“J'ai eu mes plus grands ennuis en Angola, où les forces de sécurité et des responsables harcelaient les mineurs et les négociants, nous détenaient, et forçaient beaucoup de femmes à avoir des relations sexuelles avec eux pour éviter des problèmes – ils emmenaient même des femmes dans la brousse pour les violer collectivement quand elles refusaient leurs avances sexuelles”, déclare-t-elle.

“Mais la vie continue. Vous vous dites simplement que tout cela fait partie de la vie”, raconte-t-elle à IPS, avant d'embarquer dans un avion de Dakar à Bruxelles, où elle devait signer des accords commerciaux.

Tshimanga ne pratique plus l'extraction minière. Mais elle emploie 10 petits mineurs – six en RDC et quatre en Angola – et affirme que le harcèlement et l'incapacité d'obtenir des permis d'exploitation minière se poursuivent.

Les cas de viol continuent aussi, dit-elle, ajoutant qu'elle a été témoin d'un incident il y a seulement quelques années en Angola. Mais tant que les gouvernements refusent de reconnaître l'Exploitation minière artisanale et à petite échelle (ASM) comme un emploi, affirme-t-elle, les problèmes et les défis ne disparaîtront pas.

Selon l'Institut sud-africain des affaires internationales (SAIIA), un institut de recherche privé, les activités de l’ASM en Afrique engagent plus de huit millions d’ouvriers, qui à leur tour subviennent aux besoins d’environ 45 millions de personnes à charge.

L'institut affirme que le nombre de mineurs artisanaux de diamants dans les gisements de diamants de Marange au Zimbabwe est passé d'une poignée en 2004 à 35.000 en 2007. Au Ghana, l’ASM a contribué pour neuf pour cent à la production totale d'or en 2000, mais en 2010, ce taux était passé à 23 pour cent, avec plus d'un million de Ghanéens dépendant directement de l’ASM pour leurs moyens de subsistance.

L'anthropologue culturel, Marieke Heemskerk, qui a plus de 30 ans d'expérience dans la recherche sur le secteur de l’ASM et le travail avec des mineurs d'or artisanaux en Amérique latine, au Nigeria et au Sénégal, entre autres, estime que le plus grand défi auquel les petits mineurs sont confrontés est leur statut juridique.

“Il est difficile d'investir dans une vraie entreprise minière sans un titre minier parce que les banques n’accorderont pas de prêts et le mineur lui-même n'a pas la certitude qu'il sera autorisé à rester dans un endroit donné”.

“Dans beaucoup de pays, le processus d'autorisation est long, bureaucratique, complexe, non transparent et même corrompu. En conséquence, les gens riches et puissants peuvent obtenir des titres miniers, mais les personnes pauvres dans l'arrière-pays, sans les relations politiques nécessaires, ne peuvent pas”.

C'est un obstacle que rencontre encore Tshimanga. “L'autre problème, ce sont les permis d'exploitation minière, c’est trop complexe et compliqué d'en obtenir un. Vous devez avoir des relations politiques ou, si vous êtes une femme, vous devez devenir une petite amie d'un de ces hauts responsables avant d’en obtenir un”, explique-t-elle.

Selon le SAIIA, l'exploitation minière artisanale et à petite échelle est une question épineuse à la fois pour les gouvernements et les grandes sociétés minières (LSM) parce que les mineurs artisanaux opèrent souvent dans des zones reculées, non réglementées et dans un environnement sensible. En outre, ils sont difficiles à taxer et constituent un problème de sécurité puisqu’ils opèrent aux abords des sites des LSM.

Heemskerk, qui est basé à Suriname, dans le nord de l'Amérique du sud, ajoute: “Dans beaucoup d’endroits, nous voyons des actions du gouvernement contre les mineurs sans titre, allant de leur bombardement à la mise à feu de leurs équipements en passant par la chasse que leur donnent les militaires tout simplement”.

Adama Dieng est un petit mineur analphabète originaire du Sénégal qui a fait une petite fortune en Angola. Il possède un bâtiment à trois étages, a ouvert trois mini-supermarchés à Dakar et a des intérêts commerciaux à travers l’Afrique de l’ouest. Il a même envoyé quatre de ses enfants en Europe et en a inscrit cinq dans des écoles.

Mais sa richesse a été durement acquise à partir de la petite exploitation minière pendant la guerre civile en Angola, qui a commencé en 1975 et s’est poursuivie par intermittence jusqu'en 2002.

“Nous avons vécu toutes sortes de dangers, notamment des détentions régulières, des bastonnades et l'extorsion par l'armée et les rebelles, et nous avons été confrontés à la mort”. Il n'est pas étonnant qu'il affirme que l’exploitation minière à petite échelle est “l'une des sources les plus dangereuses, mais lucratives de moyens de subsistance”.

“J'ai encore beaucoup de respect pour le secteur puisqu’il fournit des emplois à des millions de personnes et sort beaucoup de gens de la pauvreté à travers le monde, en dépit de ses risques”, dit-il à IPS.